Les mammifères sont-ils ménopausés ?

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Les mammifères sont-ils ménopausés ?
Les mammifères sont-ils ménopausés ?

Africa-Press – Senegal. Non, l’être humain n’est pas le seul à connaître la ménopause. Si l’idée est largement répandue, c’est qu’il est très difficile d’identifier les symptômes de la ménopause chez les animaux sauvages et qu’ils n’atteignent souvent pas l’âge de l’expérimenter. Nous faisons exception, comme certains odontocètes, cétacés à dents. Une précédente étude, publiée dans la revue Ecology and Evolution, mettait en évidence une ménopause chez l’orque et le globicéphale.

En étudiant les femelles de différentes espèces, élevées en captivité, des chercheuses allemandes se sont rendues compte que la ménopause était en réalité très répandue chez les mammifères. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Cell Press.

Simultanément, une équipe de primatologues américains a dévoilé les preuves solides de ménopause chez une population bien connue de chimpanzés sauvages en Ouganda. Leur papier, publié dans Science, analyse les données de 20 ans de recherche sur les chimpanzés de Ngogo, dans le parc national de Kibale.

Ménopause ou oopause : la pause étymologique

D’ordinaire, on définit la ménopause comme l’arrêt des menstruations. Ce terme provient en effet du grec “meno” qui signifie “menstruations”, dérivé de “mois”, et de “pause” : “fin, cessation”.

Ce symptôme est révélateur de l’épuisement de la réserve folliculaire contenant les ovocytes et ainsi de l’incapacité à produire des ovules. Mais l’arrêt de l’ovulation ne peut pas toujours être déterminé par la fin des menstruations. “Pour certaines espèces, l’écoulement de sang n’est pas visible, car très peu abondant. D’autres espèces n’ont tout simplement pas de menstruations”, indique Cécile Garcia, primatologue au CNRS et au Muséum National d’Histoire Naturelle, pour Sciences et Avenir.

Au terme “ménopause”, les scientifiques préfèrent donc “oopause”, l’arrêt de l’ovulation. Mais comment s’assurer qu’un individu a atteint l’oopause ? Il existe plusieurs moyens de l’évaluer.

Le plus fiable, consiste à mesurer les taux de certaines hormones dans le sang des femelles. En effet, chez les femmes ménopausées, la quantité d’hormones FSH (Follicle Stimulating Hormone) et LH (Luteinizing Hormone), produits de l’hypophyse, est très élevée. A contrario, les taux d’œstradiol et de progestérone, des stéroïdes ovariens, diminuent radicalement.

560 échantillons d’urine

“La mesure des taux d’hormones reproductives est la méthode la plus précise pour établir l’oopause d’un individu” confirme Cécile Garcia. Pour les populations sauvages, les chercheurs se basent sur des mesures non-invasives telles que des dosages urinaires, ou sur des données démographiques comme l’intervalle entre les naissances, ou le taux de fertilité en fonction de l’âge, ou encore, la survie post-reproductive.

“L’étude sur la population de chimpanzés en Ouganda est exceptionnelle du point de vue des données”, s’émerveille la primatologue. En effet, les chercheurs analysent plus de 560 échantillons d’urine et les données démographiques de 185 femelles. Résultat ? Les chimpanzés subissent une oopause semblable aux humains.

Leur transition reproductive est, elle aussi, caractérisée par des niveaux croissants de FSH et de LH et une baisse des niveaux d’œstrogènes et de progestérone. Les chercheurs ont observé une diminution de la fertilité des chimpanzés après 30 ans, et n’ont constaté aucune naissance après 50 ans. Des chiffres d’autant plus étonnant que la longévité moyenne des chimpanzés est de 20 ans en milieu naturel !

Alors comment la majorité des femelles chimpanzés de Ngogo ont-elles atteint plus de 50 ans ? Cette population bénéficierait de conditions environnementales particulièrement favorables : absence de grands prédateurs, ressources alimentaires abondantes…

La durée de vie, un facteur limitant

Pour démontrer qu’un individu est ménopausé, encore faut-il qu’il atteigne un âge assez avancé. “Bien souvent, ce n’est pas le cas dans les populations sauvages. Les femelles meurent avant de ne plus pouvoir se reproduire”, résume Cécile Garcia. D’après les autrices de l’étude sur les mammifères, publiée dans Cell Press, “83 % des espèces de mammifères vivant dans les zoos ont une espérance de vie de 60% plus longue en captivité qu’à l’état sauvage”.

Pour pouvoir identifier une oopause chez de nouvelles espèces, elles ont donc concentré leurs recherches sur des populations en captivité. “Prélèvements sanguins, frottis vaginaux, enregistrement des menstruations et données démographiques… L’équipe a utilisé des méthodes plus ou moins précises en fonction des données disponibles pour chaque espèce”, précise Cécile Garcia.

A partir de ces résultats, les chercheuses ont identifié les espèces au sein desquelles les femelles subissent une ménopause. Parmi elles, la souris épineuse, un rongeur présent au Moyen Orient, le macaque rhésus et japonais, ou encore le bœuf domestique. Parmi les 137 espèces étudiées, 105 présentent une oopause.

Toutefois le pourcentage de vie que passent les femelles en ménopause varie d’une espèce à l’autre. “Chez Homo sapiens, les femmes passent en moyenne 38% de leur vie après la ménopause. Un pourcentage comparable au macaque rhésus mais très éloigné de celui des gorilles par exemple, qui est de 10%” illustre la primatologue.

Reste à présent à identifier les causes de ces différences, et répondre à une question fondamentale : pourquoi la sélection favorise-t-elle la ménopause, c’est-à-dire la survie d’individus incapables de se reproduire ? Plusieurs hypothèses sont avancées. “L’hypothèse de la grand-mère est l’idée selon laquelle la sélection des individus post-reproductifs pourraient aider leurs descendants”, analyse Cécile Garcia.

Une autre consiste à penser que la ménopause favoriserait une reproduction plus efficace en début de vie. Enfin, l’hypothèse compétitive met en avant le conflit reproductif intergénérationnel. Il est probable qu’une combinaison de ces différents facteurs puisse élucider le mystère de l’évolution de la ménopause.

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