Le Togo, Héritage Familial et Politique Ininterrompu

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Le Togo, Héritage Familial et Politique Ininterrompu
Le Togo, Héritage Familial et Politique Ininterrompu

Africa-Press – Togo. Au lendemain de la prestation de serment de Faure Gnassingbé dans ses nouvelles fonctions de président du Conseil des ministres, plusieurs centaines d’opposants togolais se sont rassemblés à Lomé pour dénoncer une « dérive monarchique ». Derrière la réforme constitutionnelle présentée comme une modernisation du système politique, l’opposition y voit un subterfuge destiné à pérenniser la mainmise d’un homme sur le pouvoir.

Samedi 4 mai 2025, Faure Gnassingbé a officiellement prêté serment en tant que président du Conseil des ministres, une fonction érigée au sommet de l’exécutif grâce à la nouvelle Constitution adoptée en avril dernier. Le lendemain, c’est dans les rues de Lomé que l’opposition a répondu, dénonçant un « basculement autoritaire » et une « élimination systématique de toute alternative démocratique ».

Pour les partis l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et les Forces démocratiques pour la République (FDR), alliés pour l’occasion à la société civile, cette mutation institutionnelle n’est rien d’autre qu’une « forfaiture ». Leur mobilisation visait à rallier le peuple contre ce qu’ils considèrent comme un passage en force, vidé de toute légitimité populaire.

Le rassemblement, autorisé mais hautement symbolique, s’est déroulé sans incidents. Mais les mots, eux, ont claqué: « Nous ne laisserons jamais cette forfaiture prospérer », a martelé Jean-Pierre Fabre (ANC). Quant à Me Dodji Apévon (FDR), il a déclaré: « La majorité des Togolais n’accepte pas ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays ».

Une Constitution cousue main pour Faure Gnassingbé?

La nouvelle architecture constitutionnelle consacre un régime parlementaire où le président de la République n’est plus qu’une figure honorifique, sans pouvoir réel. Le véritable pouvoir revient désormais au président du Conseil des ministres, désigné de facto comme le leader du parti majoritaire à l’Assemblée nationale. Or, ce parti n’est autre que l’Union pour la République (Unir), dominée par… Faure Gnassingbé lui-même.

Avec 108 sièges sur 113 à l’Assemblée nationale et 34 des 41 sièges au Sénat – des scrutins marqués par le boycott de l’opposition – le chef de l’État sortant verrouille tous les leviers du pouvoir pour au moins six ans, sans même avoir besoin d’un suffrage universel. Pour de nombreux analystes, comme l’historien Michel Goeh-Akue, cette réforme n’est qu’un écran de fumée: « C’est une monarchisation qui ne dit pas son nom ».

L’opposition entre indignation et impuissance

Face à cette manœuvre institutionnelle, l’opposition, affaiblie et peu structurée territorialement, peine à convaincre au-delà des grandes villes. Pourtant, elle reste ferme sur sa ligne: refuser ce qu’elle considère comme un « putsch constitutionnel ». Les slogans brandis lors du rassemblement de dimanche parlaient d’eux-mêmes: « NON à la monarchie », « Constitution illégitime », « Pour un avenir démocratique, ta voix compte ».

Mais cette voix semble peiner à percer le mur du pouvoir en place. Le ministre Gilbert Bawara a rétorqué que « la nouvelle Constitution permet de dépersonnaliser le pouvoir » et de « dérégionaliser le système ». Une manière de justifier un verrouillage politique sous couvert d’unité nationale. Selon lui, « l’opposition n’est pas suffisamment implantée sur le terrain » et refuse de se réformer.

L’éternel retour du même?

Le Togo, déjà marqué par 38 années de règne d’Eyadéma Gnassingbé, semble aujourd’hui piégé dans un cycle dynastique qui ne dit pas son nom. Depuis 2005, Faure Gnassingbé joue avec les textes, modifie les règles du jeu et consolide sa position, à chaque étape, en écartant méthodiquement toute concurrence crédible. La nouvelle Constitution, plutôt qu’un renouveau, sonne pour beaucoup comme un retour en arrière, une concentration du pouvoir habillée de légalisme.

Dans ce climat de défiance et d’inquiétude, la question demeure: combien de temps le peuple togolais acceptera-t-il encore cette dynastie constitutionnalisée? L’histoire dira si cette énième manœuvre politique marque le crépuscule d’un régime ou la consolidation d’un pouvoir sans rivage.

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