CHRONIQUE. IA générative : l’insoluble trilemme de l’estomac

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CHRONIQUE. IA générative : l'insoluble trilemme de l'estomac
CHRONIQUE. IA générative : l'insoluble trilemme de l'estomac

Africa-Press – Benin. Pour Paul Valéry, penseur visionnaire s’il en est, « plagiaire est celui qui a mal digéré la substance des autres: il en rend les morceaux reconnaissables. L’originalité est affaire d’estomac » (Rhumbs, 1926). Les très voraces modèles d’intelligence artificielle générative (IAg) ont indubitablement de gros estomacs: ils avalent tout de go d’immenses corpus d’œuvres en tous genres, textes, musiques et images, sans en paraître aucunement incommodés.

Certains artistes s’en inquiètent, craignant qu’ils rivalisent bientôt d’originalité avec eux. D’autres, tout autant artistes, se révoltent contre une appropriation frauduleuse: on siphonne leurs œuvres sans vergogne pour les en spolier. Des instances nationales, en particulier le ministère de la Culture, et européennes se penchent sur le problème. Pour elles, il suffirait d’un cadre législatif bien pensé afin de rétribuer les auteurs à un juste prix. Or, l’affaire ne se résout pas à seuls coups de règlements, car ce n’est pas uniquement une histoire d’argent. La fabrication des modèles d’IAg efficaces exige qu’on leur transfère la plupart des œuvres humaines.

D’insurmontables problèmes

Lorsqu’un pan entier de la production littéraire et artistique n’y figure pas, l’apprentissage s’en trouve d’autant diminué. Il en résulte une occultation inadmissible de la culture correspondante. On devrait donc encourager une inclusion de toutes les composantes de toutes les cultures.

Mais, si tout y est, le métier de l’artiste risque d’être remis en question, soit que les machines fassent vraiment preuve d’originalité, auquel cas les artistes se retrouveraient dépossédés et deviendraient inutiles, soit qu’elles laissent transparaître des morceaux de ceux dont elles s’inspirent, par exemple des tournures de style ou des visages d’acteurs connus ou encore des intonations de voix. Et, dans cette dernière éventualité, ils seraient plagiés. Bref, qu’ils digèrent trop ou trop peu, trop bien ou pas assez, les gros estomacs des modèles d’IAg posent d’insurmontables problèmes et nous donneront bientôt de sacrées crampes d’estomac !

Par Jean-Gabriel Ganascia, professeur à Sorbonne Université, à Paris, chercheur en intelligence artificielle au LIP6 (Sorbonne Université, CNRS), ex-président du comité d’éthique du CNRS. Dernier ouvrage publié: « L’I.A. expliquée aux humains », Seuil, 2024.

IA générative

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