Africa-Press – Benin. Si le secteur du coton – dont est issu le chef de l’État – a largement profité des réformes engagées, les acteurs des autres filières dont la noix de cajou et l’ananas réclament plus de soutien. Objectif : augmenter production et transformation.
Avec plus de 700 000 tonnes récoltées, le Bénin est, en cette saison 2020-2021 encore, le premier producteur de coton d’Afrique de l’Ouest. Une position qu’il occupe depuis 2018 et entend conserver, avec un objectif de 800 000 tonnes pour la prochaine campagne.
Cette réussite témoigne des efforts de l’exécutif pour développer le secteur clé de l’agriculture, qui représente 25% du PIB, emploie 70% de la population active et assure 75% des recettes d’exportation du pays.
Si le monde cotonnier, qui a fait la richesse de Patrice Talon, le chef de l’État, sort gagnant des réformes entreprises, les autres filières restent sur leur faim, signe que l’ambitieuse modernisation agricole est loin d’avoir porté tous ses fruits.
Les progrès sont indéniables sur un point : l’essor de la production, particulièrement marqué pour le coton (53% des exportations du pays), avec une récolte passée de 269 212 tonnes en 2015 à 714 713 tonnes en 2019, et près de 730 000 attendus pour 2020.
D’autres filières affichent aussi de belles performances, dont l’anacarde (de 91 608 tonnes en 2015 à 130 276 en 2019), le soja (de 139 909 tonnes en 2015 à 257 000 en 2019), le maïs et le riz, ainsi que les cultures maraîchères (de 633 862 tonnes en 2015 à 706 346 en 2019).
Après avoir fortement augmenté jusqu’en 2014, la production d’ananas se maintient autour de 350 000 tonnes annuelles. En 2020, malgré des cours mondiaux défavorables, la fermeture de la frontière avec le Nigeria et la pandémie de Covid-19, la plupart des filières ont résisté.
Six filières prioritaires
Ces avancées résultent d’importants investissements publics – plus de 600 milliards de FCFA à fin 2020 –, mais aussi de la pertinence d’une stratégie unanimement saluée.
Il s’agit de concentrer les moyens sur six filières prioritaires (coton, maïs, riz, ananas, manioc et anacarde) et de créer sept pôles de développement agricole, dont chacun se concentrera sur la culture à fort potentiel de sa zone et sera épaulé par une agence territoriale.
Pour répondre aux besoins de financement des producteurs, le Fonds national de développement agricole (FNDA) a été réactivé et abondé à hauteur de 100 milliards de F CFA avec pour mission de se concentrer sur l’octroi de crédits.
L’accès aux semences et intrants s’est amélioré pour les cotonculteurs ainsi que pour les autres exploitants quand l’appui technique s’étend au niveau local.
Si l’ensemble du secteur agricole profite de la dynamique (avec près de 170 000 emplois créés entre 2016 et 2019), la filière de l’or blanc – dominée par des sociétés appartenant à des membres de la famille Talon et des proches du président – se taille la part du lion.
C’est elle qui a été la plus rapidement réformée. Confiée au ministère de l’Agriculture depuis 2012, sa gestion est repassée dans les mains du secteur privé, via l’Association interprofessionnelle du coton (AIC). Le soutien de l’État, massif vis-à-vis du coton, paraît plus mesuré pour les autres cultures
Cette refonte a entraîné une croissance exponentielle de la production, synonyme de hausse des recettes pour les sociétés d’égrenage, la Société pour le développement du coton (Sodeco, également dans le portefeuille de la famille Talon), qui assure l’approvisionnement national en engrais, et son fournisseur, le groupe marocain OCP.
Renforcement de la compétitivité
Les cotonculteurs ont aussi, dans une certaine mesure, vu leurs revenus augmenter grâce à la hausse du prix d’achat fixé par l’État à 265 000 F CFA la tonne, au-dessus de la moyenne de la sous-région.
En comparaison, les progrès des autres filières, dont l’anacarde (9% des exportations du pays) et l’ananas, demeurent modestes. Si leurs productions ont augmenté, elles restent inférieures de moitié à l’objectif fixé pour 2021, à savoir : 300 000 tonnes d’anacarde et 600 000 tonnes d’ananas.
Inde et Vietnam pour la noix de cajou, Amérique latine pour l’ananas… La concurrence est rude Quant au soutien de l’État, massif vis-à-vis du coton, il paraît plus mesuré et récent pour ces deux cultures.
Il a fallu attendre 2020 pour assister au lancement d’un plan de renforcement de la compétitivité des filières (Pacofide), qui prévoit notamment le renouvellement de 135 000 hectares de plantation d’anacarde et de 10 000 hectares de plantations d’ananas.
Dans les deux cas, les acteurs privés locaux, qui font face à une rude concurrence pour la noix de cajou (Inde et Vietnam) et pour l’ananas (Amérique latine), en appellent à l’exécutif pour structurer les filières et davantage les protéger via des mesures fiscales.
Ces cultures cherchent encore le modèle permettant de combiner rentabilité des investissements des transformateurs et revenu satisfaisant versé aux paysans. Pour l’anacarde, l’exécutif n’a pas encore tranché.
En février-mars 2020, l’Agence de promotion des investissements et des exportations (Apiex) s’est rendue en Tanzanie et au Mozambique, deux importants producteurs, pour identifier les bonnes pratiques. Une mission organisée par l’ONG TechnoServe, qui mène le programme BeninCaju, et à laquelle les deux principaux acteurs du secteur, Fludor Bénin (filiale du groupe nigérian TGI) et Tolaro Global (du fonds Moringa), ont participé.
S’agissant de l’ananas, la filière parie sur le biologique (en parallèle avec la production conventionnelle), qui assure de meilleurs revenus aux cultivateurs. Alors que l’ananas « pain de sucre » a reçu le label « indication géographique » en 2019, les pouvoirs publics encouragent l’installation d’unités de transformation.
Certains acteurs privés plaident pour l’instauration de subventions à la transformation C’est sur ce dernier volet qu’il reste beaucoup à faire, toutes cultures confondues. Si la filière ananas affiche de bons résultats – la part de la production transformée localement a bondi de 15% en 2016 à 50% en 2019 –, cette réussite sur un marché de niche demeure isolée.
Pour le coton et l’anacarde, la transformation reste minime. Pour la développer, l’exécutif investit dans la réhabilitation d’usines abandonnées, la construction d’une zone économique spéciale à Glo-Djigbé (commune d’Abomey-Calavi) pour attirer les investisseurs, et sur un plan de mécanisation du secteur afin d’augmenter la productivité des exploitations.
Alors que certains acteurs privés plaident pour l’instauration de subventions à la transformation, comme le fait la Côte d’Ivoire avec la noix de cajou, nombre d’observateurs soulignent qu’il faudra aussi prévoir des soutiens financiers à destination du tissu industriel local pour l’aider à saisir ces opportunités. Sans aides spécifiques, ce sont des groupes étrangers qui risquent de s’imposer.