Le Salon international du livre d’Alger retrouve ses publics

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Le Salon international du livre d’Alger retrouve ses publics
Le Salon international du livre d’Alger retrouve ses publics

Africa-Press – Benin. De chaleureuses accolades, des mains jointes de jeunes amoureux, des embrassades entre celles et ceux qui ne se sont pas vus depuis deux ou trois ans… Aux abords de l’imposant palais des expositions abritant la 25e édition du Salon international du livre d’Alger, ces retrouvailles tactiles et bienveillantes sont une puissante métaphore de l’enjeu : les Algériens et leurs invités étrangers renouent enfin avec le Sila*, cette plus grande librairie d’Algérie qui s’impose comme l’un des salons du livre les plus importants, notamment par le nombre de ses visiteurs.

Deux millions de visiteurs

Samedi matin, dernier jour du week-end, des bus entiers de collégiens et de lycéens, venus des quatre coins du pays, déposent à l’entrée de l’ex-foire d’Alger, des centaines de jeunes lectrices et lecteurs. Le parking pris d’assaut est bientôt saturé et la queue pour accéder au pavillon central ne cesse de s’allonger. En novembre 2019, dernière édition du Sila avant son interruption durant deux ans du fait de la pandémie de Covid-19, le nombre des visiteurs avait atteint les quelque 1 149 527. En 2018, ce chiffre avait dépassé de peu les 2 millions de visiteurs ! « Toute l’Algérie est là, rassemblée autour d’une seule chose, la lecture, l’amour des livres », nous dit, ému, un éditeur embrassant du regard la foule joyeuse prenant d’assaut les différents stands du salon. La 25e édition est l’occasion des retrouvailles des lecteurs avec les auteurs, dont des stars du salon à l’image des écrivains Amin Zaoui, Kamel Daoud, Anouar Benmalek et des invités de marque comme l’islamologue et première femme imam de France Kahina Bahloul ou le Jordanien Jalal Barjes, Prix international du roman arabe 2021…

La fièvre des achats de livres

En chiffre, cette édition – qui sera suivie par une autre à l’automne 2022 pour compenser la suspension du Sila durant deux ans – est celle des records : 300 000 titres exposés, 1 250 maisons d’édition de 36 pays, dont 266 exposants algériens. À titre d’aide, les autorités ont instauré la gratuité de la location des stands, une manière de faire un geste – certes insuffisant – envers le secteur du livre et de l’édition qui a tant souffert de la pandémie. Malgré les facilitations en termes de taxes des ouvrages importés, les prix des livres sont impactés par la hausse mondiale du prix du papier, qui a au moins triplé ces trois dernières années. « Malgré cette tendance haussière, plusieurs éditeurs ont fait l’effort de réduire un tant soit peu leurs marges, explique un éditeur algérois. Par ailleurs, je reste étonné par le fait que le public achète, et achète beaucoup, malgré l’inflation et l’approche du ramadan [dans moins d’une semaine], le mois de dépenses par excellence. » Effectivement, la vue de ces nombreux visiteurs, jeunes ou familles endimanchées pour l’occasion, chargés de sacs de livres à la sortie du salon renseigne sur la frénésie des lecteurs. « Je profite du Sila pour trouver des ouvrages nécessaires à mes études à la fac, mais aussi pour m’acheter des romans et surtout de la poésie », témoigne une étudiante en géologie venue tout spécialement de Mostaganem (ouest).

La littérature au top des ventes

Le criant déficit de librairies à travers le pays pousse les amateurs de livres à saisir cette unique opportunité qu’est le Sila pour assouvir leur soif de lecture. « Les jeunes achètent utile, pour leurs études, mais ils sont nombreux à s’intéresser à la littérature, en arabe, en français et, phénomène nouveau ces dernières années, en anglais. Les classiques russes et français, par exemple, figurent parmi mes meilleures ventes », atteste un libraire d’Alger. Selon un sondage mené par un cabinet privé au profit du Sila, en 2018, la littérature occupe, chez les acheteurs de livres au salon, une place dominante (71,3 %), suivie par les sciences et techniques (62,7 %), la religion et la spiritualité (29,4 %) et les arts et loisirs (18 %). « Ce qui est très intéressant en Algérie, c’est la diversité de l’offre éditoriale, note un éditeur italien. En plus du plurilinguisme [arabe, amazigh, français et anglais], on voit des maisons d’édition algériennes qui osent la spécialisation, comme cet étonnant éditeur qui ne travaille que sur la pensée soufie ou un autre qui édite des ouvrages d’architecture. C’est très stimulant pour moi, en tant qu’éditeur d’Italie, qui cherche des opportunités de coopération avec mes collègues algériens. »

Les lettres italiennes célébrées

D’ailleurs, l’Italie est l’invitée d’honneur de cette 25e édition du Sila avec la présence de 14 éditeurs et 500 titres de différents domaines, dont on peut citer le remarquable ouvrage Enrico Mattei et l’Algérie, une amitié inoubliable 1962-2022 édité par l’ambassade d’Italie à Alger et traitant de l’aide à la révolution algérienne de l’ancien patron du géant ENI Enrico Mattei. Plusieurs rencontres autour du marché du livre, de la traduction et de la production éditoriale italienne sont programmées tout au long du Sila, qui fermera ses portes le 1er avril prochain.

L’Afrique en force

Au-delà des liens historiques entre Rome et Alger, l’histoire de la guerre d’indépendance est fortement présente à la lecture du programme des conférences du Sila animées par des acteurs de l’époque, des écrivains et des historiens, alors que l’Algérie fête cette année le 60e anniversaire de son indépendance. Un hommage sera d’ailleurs rendu aux écrivains et intellectuels algériens assassinés, emprisonnés ou exilés durant la période coloniale, à l’instar d’Ahmed Réda Houhou, de Larbi Tébessi, Rabie Bouchama, d’Abdelkrim El Aggoune, de Mohamed El Amine El Amoudi et Mouloud Feraoun.

L’autre rendez-vous incontournable du Sila, devenu une tradition depuis le dernier Festival panafricain d’Alger en 2009, reste l’Espace Esprit Panaf, une série de rencontres et de conférences réunissant des intellectuels et des auteurs de toute l’Afrique, comme Benaouda Lebdaï, Rachid Boudhjedra (Algérie), Sissi Ngom (Sénégal), Réassi Ouabonzi Gangoueus (Congo), Diadié Dembele (Mali), Sami Tchak (Togo), Bios Diallo (Mauritanie), Djaïli Amadou Amal (Cameroun), Mahamat-Saleh Haroun (Tchad), etc.

* Le salon se déroule au palais des expositions de la capitale algérienne jusqu’au 1er mai.

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