Ainsi Sont Dilapidés et Détournés les 5 Milliards D’Euros du “Fonds D’Urgence” pour L’Afrique!

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Ainsi Sont Dilapidés et Détournés les 5 Milliards D'Euros du
Ainsi Sont Dilapidés et Détournés les 5 Milliards D'Euros du "Fonds D’Urgence" pour L’Afrique!

Mustapha OUARAB

Africa-Press – Benin. En créant le Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique (FFU) en 2015, l’Union européenne (UE) a voulu s’attaquer aux causes profondes de la migration, de l’instabilité et des déplacements internes de réfugiés sur le continent. Doté de 5 milliards d’euros, ce fonds était censé de répondre à diverses situations de crises dans trois régions africaines: le Sahel et le lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord.

Or, le rapport de l’audit fait par la cour des comptes Européenne, et publié le 25 septembre 2024, est cinglant.

Ce mécanisme censé endiguer la crise migratoire, se révèle être ─une décennie plus tard─ en réalité un gouffre financier, jonché d’incompétences et d’absurdités ! Explications.

Un fonds d’aide “prometteur”

Le fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique a été créé au plus fort de la crise migratoire de 2015, en tant qu’instrument chargé de coordonner la réponse des États membres de l’UE, avec celles des autres contributeurs des pays partenaires africains et des organisations internationales.

Sous un angle théorique, ce fonds vise à «soutenir la stabilité dans tous ses aspects, et à contribuer à une meilleure gestion des migrations en Afrique». Plus précisément, ce fonds a pour objectif général et pour but, de répondre à diverses crises qui touchent trois régions d’Afrique, faisant chacune l’objet d’un «volet» géographique: le Sahel et le Lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord. Ses priorités comprennent la lutte contre la traite d’êtres humains, les efforts de stabilisation au niveau régional, et la protection des migrants en situation de vulnérabilité. Il a reçu plus de 5 milliards d’euros de contributions et soutenu 27 pays africains. La majeure partie de ces contributions (4,4 milliards d’euros, soit 88 % du total) provient des Fonds européens de développement (FED) et du budget de l’UE.

En tant qu’instrument financier, le Fonds fiduciaire de l’UE pour l’Afrique ne suit pas un programme d’action convenu à l’avance. Il suit plutôt des processus flexibles qui s’adaptent au contexte et aux besoins identifiés «sur le terrain», ce que les bailleurs et les partenaires de mise en œuvre considèrent comme la caractéristique principale de l’instrument. D’après les réunions avec les représentants de la Commission européenne, il semble que la plupart des projets sont proposés et conçus par les ambassades des États membres et les délégations de l’UE dans les pays partenaires, souvent en coordination avec les gouvernements partenaires.

Hormis ces buts qui paraissent défendables, cet argent n’était donc pas destiné à aider les centaines de milliers de migrants, qui venaient d’arriver dans l’Union européenne et dont la plupart vivent dans la précarité et la fragilité sociales. Ce Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE (EUTF) devait plutôt «s’attaquer aux causes de la migration irrégulière». Il devait donc faire baisser le nombre d’Africains qui prennent la route de façon irrégulière vers l‘Europe – souvent à leurs risques et périls.

Or, après avoir enregistré une baisse notable pendant la pandémie de COVID-19, les chiffres de la migration irrégulière vers l’Europe ont de nouveau repris leur augmentation constante.

Projets absurdes et détournements

Dans son rapport cinglant publié le 25 septembre, la Cour des Comptes Européenne dévoile l’ampleur du fiasco du fameux Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique (FFU). L’enquête menée sous la direction de Bettina Jakobsen, directeur de l’audit au sein de la Cour des comptes) est accablante.

Il faut rappeler que les auditeurs de la Cour des comptes Européenne avaient déjà appelé en 2018, à «mieux cibler le soutien du FFU». Malgré cela, l’argent spécialement consacré à la problématique de la migration a continué à être dispersé sur le terrain, pour financer un très large éventail d’actions dans les domaines du développement, de l’aide humanitaire et de la sécurité. En outre, la communication sur les résultats est imprécise, et les risques pour les droits de l’homme ne sont pas correctement maîtrisés.

Le rapport spécial 17/2024 de l’audit mené par Jakobsen, dresse un bilan des plus décevants: Projets fantômes, chiffres gonflés, droits humains bafoués. Ce mécanisme censé endiguer la crise migratoire de 2015, se révèle être un gouffre financier de 5 milliards d’euros, jonché d’incompétences et d’absurdités. Et à la lecture du rapport on ne peut qu’être stupéfait des faits. Ainsi donc, en Libye le FFU finance des projets sans rapport direct avec la migration, comme la rénovation d’une corniche côtière, ou la restauration d’un théâtre romain, pendant que les migrants s’entassent dans des centres de détention opaques.

Les auditeurs ont mis au jour un véritable cimetière de projets fantômes. En Éthiopie, apprend-on à la page 33 du rapport, le FFU a financé la distribution de mixeurs dans des écoles sans électricité. Ailleurs, un abattoir flambant neuf et une ferme avicole high-tech pourrissent sous le soleil, faute de viabilité économique. Sur 115 investissements examinés, 33 sont déjà morts et 66 en soins palliatifs pour sauver ce qui peut l’être. Le comble de l’absurde, selon plus d’un observateur européen!

En outre, ce n’est pas la première fois que la Cour des Comptes Européenne signale les défaillances du FFU. En 2018, peu après sa création et à un moment où les projets en étaient donc encore à un stade précoce, les auditeurs avaient conclu qu’il s’agissait d’un «instrument souple mais pas assez ciblé». Un premier rapport avait déjà mis en doute la performance du FFU pour l’Afrique, et pointé du doigt des «aides mal ciblées» et «des retards».


Echecs maquillés en succès !

Pourtant, la Commission s’enorgueillit d’avoir «créé» 14 028 emplois. Le chiffre est exagérément gonflé, et pour preuve: en Gambie, les auditeurs ont débusqué des bénéficiaires fantômes, recevant deux fois la même aide pour des projets avicoles inexistants !

Les critiques de partout en UE n’ont pas tardé à se faire entendre. On condamne un «système de suivi est une passoire géante». Et les exemples ne manquent pas. En Ethiopie , 100 postes de lavage des mains deviennent magiquement 100 réalisations distinctes, au lieu d’une seule. Les chiffres sont systématiquement gonflés, et les échecs, maquillés en succès !

En Gambie, dès que le robinet financier se ferme, les centres d’information sur les migrations disparaissent. Les autorités locales, censées prendre le relais, brillent par leur absence. Cerise sur le gâteau de l’incompétence: le FFU déclare comme « aide au développement » des activités de « contrôle des frontières », une fraude statistique qui gonfle artificiellement l’aide européenne.

« Le Fonds fiduciaire a continué à prendre en charge un éventail trop large d’actions en matière de développement, d’aide humanitaire et de sécurité, qui n’étaient pas toutes les plus urgentes », indique Bettina Jakobsen, chargée du rapport. Ainsi, le rapport spécial 17/2024 de la Cour des comptes européenne (CCE), confirme ses précédentes conclusions, y compris celle de 2018, selon laquelle la conception du FFUA aurait dû être plus ciblée.

Pourtant le FFU coûte pourtant, depuis 2015 et sa création par la Commission européenne, la bagatelle de cinq milliards d’euros (près de 5,5 milliards de dollars Américains!) aux contribuables du Vieux-Continent. 42% des fonds engagés l’ont été pour le Sahel et le lac Tchad, gangrené par le terrorisme djihadiste. 36% pour la corne de l’Afrique, frappée par la famine et les tensions ethniques. et 18% pour l’Afrique du Nord, depuis laquelle embarquent régulièrement dans des embarcations de fortune les migrants souhaitant traverser la Méditerranée pour l’Europe.

À la différence de l’aide fournie jusque-là, celle du FFU pour l’Afrique était censée reposer sur des informations factuelles. Le FFU a donc financé plus d’une centaine de rapports d’étude qui lui ont fourni de précieuses informations sur les moteurs des conflits, de la migration irrégulière et des déplacements de populations. Toutefois, ces rapports ayant pour la plupart été publiés lorsque les fonds avaient été presque intégralement engagés, ils n’ont guère eu d’impact sur les projets.

À la fin de l’année 2023, le FFU avait alloué 4,5 milliards d’euros sur les 5 milliards d’euros dont il disposait. Toutefois, l’efficience d’allocation des fonds apparaît comme un problème systémique. Le rapport de la CCE souligne que les organes directeurs du FFUA «n’ont pas suffisamment évalué les besoins des bénéficiaires ou pris en compte les risques potentiels des initiatives en matière de droits humains».

Droits humains bafoués

Plus grave encore, le FFU ferme les yeux sur les atteintes aux droits humains. Aucune procédure de signalement et aucun suivi n’ont été enregistrés. En Libye, les centres de détention des migrants dont l’horrible réputation est mondialement connue, sont financés par l’UE et restent des boîtes noires, inaccessibles même aux auditeurs de la Cour des Comptes Européenne (CCE).

Cette dernière avait (déjà) également examiné en 2018 si le FFU pour l’Afrique avait centré son aide sur la réalisation de ses objectifs, tout en tenant dûment compte de la question du respect des droits de l’homme. Il avait constaté alors que «le soutien n’a pas été suffisamment ciblé, dans la mesure où il a été octroyé à un trop grand nombre d’actions humanitaires, de développement et de sécurité». En outre, l’exactitude et la durabilité des résultats déclarés ne sont pas satisfaisantes, et les risques pour les droits de l’homme n’ont pas été traités dans leur globalité.

La Cour des comptes européenne estime dans son rapport que «les risques d’atteinte aux droits humains ne sont pas complètement maîtrisés », dans l’allocation des fonds d’aides pour lutter contre les causes des migrations en Afrique, alors que les organisations non gouvernementales, l’ONU et les médias avaient déjà alerté l’opinion publique, sur des cas de violations des droits humains permises par les fonds de la Commission européenne, destinés à la lutte contre la migration dans le nord de l’Afrique. Désormais, c’est l’une des institutions de l’Union européenne (UE) qui expose clairement ces faits, et place l’exécutif Européen devant ses responsabilités.

Selon une enquête publiée en Mai 2024 par le journal Le Monde, le média à but non lucratif “Lighthouse Reports” et sept autres médias internationaux, dont le Washington Post, révèle comment «l’Europe soutient, finance et participe directement à des opérations clandestines menées dans les pays d’Afrique du Nord pour abandonner chaque année des dizaines de milliers de personnes noires dans le désert ou dans des régions reculées afin de les empêcher de venir dans l’Union européenne (UE)».

Plus d’un tiers des programmes financés concernent «l’amélioration de la gestion des migrations». En d’autres termes, l’UE a équipé les forces de l’ordre ou douanières des pays du continent africain d’outils de surveillance, de voitures, d’autobus, de navires pour les aider à surveiller et bloquer les passages de frontières ou des départs des côtes africaines de la Méditerranée.

Selon les mêmes sources, des migrants en route vers l’Europe sont arrêtés par centaines et éloignés vers des zones désertiques des pays Nord-Africains, au prix de violations des droits humains et avec le renfort de moyens Européens. Le rapport de la CCE 2024 indique que «la Commission ne dispose pas de procédures suffisantes pour enregistrer et traiter les allégations de violations des droits humains». Et de poursuivre que la Commission n’avait enregistré « qu’une seule allégation de ce type », poursuit Bettina Jakobsen.

Le “Fonds fiduciaire d’urgence pour l’Afrique”

En 2014, le nombre de migrants tentant de gagner l’Europe, par ses frontières méridionales, avait augmenté considérablement, du fait de l’instabilité en Syrie, en Iraq, en Libye, en Érythrée et en Afghanistan, ainsi que dans les régions du Sahel et du lac Tchad. De nombreux migrants originaires de différentes régions d’Afrique avaient perdu la vie en essayant de traverser la Méditerranée pour rejoindre le vieux continent.

En avril 2015, le Conseil Européen décida de réagir à cette crise en convoquant un sommet international pour examiner les questions relatives aux migrations avec des États africains et d’autres pays concernés au premier plan. Le sommet a eu lieu les 11 et 12 novembre 2015 à La Valette (Malte). Il déboucha sur une déclaration commune et sur un plan d’action, articulé autour de cinq domaines prioritaires et de 16 initiatives prioritaires.

Par ailleurs, le 12 novembre 2015, 25 États membres de l’UE, la Norvège, la Suisse et la Commission Européenne ont signé l’accord constitutif, portant officiellement sur la création d’un “fonds fiduciaire d’urgence” en faveur, de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière, et du phénomène des personnes déplacées en Afrique.

Ce fonds fiduciaire pour l’Afrique est le troisième des quatre fonds fiduciaires, administrés à ce jour par la Commission Européenne. Il bénéficie à 26 pays africains répartis sur trois régions, correspondant chacune à des fins administratives: le Sahel et le Lac Tchad, la Corne de l’Afrique et l’Afrique du Nord.

L’accord constitutif du fonds fiduciaire pour l’Afrique a institué les organes de gouvernance et de gestion:

Un conseil d’administration du fonds présidé par la Commission Européenne, et assisté par le Service Européen pour l’action extérieure, ainsi que d’autres services de la Commission.

Celui-ci est composé de représentants des donateurs (à savoir les États membres de l’UE et des pays tiers ayant contribué à hauteur d’au moins 3 millions d’euros), ainsi que de la Commission agissant au nom de l’Union Européenne. Aucun pays africain n’a jusqu’à présent décidé de participer financièrement au fonds fiduciaire pour l’Afrique, en qualité de membre à part entière ayant un droit de vote. Les donateurs dont la contribution est inférieure au montant minimal requis participent en qualité d’observateurs. Le cas échéant, des représentants des pays concernés et des organisations régionales dont ils font partie peuvent également être invités en tant qu’observateurs.

Depuis 2017, le Parlement Européen bénéficie aussi du statut d’observateur. Le conseil d’administration du fonds donne des orientations stratégiques sur l’utilisation des financements. Un comité de gestion pour chaque volet, chargé, d’examiner et d’approuver les actions financées par le fonds fiduciaire. Il se compose de représentants de la Commission7 et du SEAE, ainsi que de représentants des donateurs (États membres de l’UE et autres pays) ayant contribué à hauteur d’au moins 3 millions d’euros. Comme pour le conseil d’administration du fonds fiduciaire, les donateurs dont la contribution est inférieure au montant minimal requis, les États membres de l’UE non contributeurs, les pays concernés et les organisations régionales dont ils font partie peuvent assister aux réunions en tant qu’observateurs.

Toutefois, les représentants du Parlement Européen ne sont pas habilités à assister aux réunions des comités de gestion en qualité d’observateurs. La Commission Européenne assure la gestion du fonds fiduciaire (en qualité d’administrateur), ainsi que son secrétariat et celui des comités de gestion. Elle est responsable de la mise en œuvre des actions financées par le fonds fiduciaire et délègue les tâches de gestion à des membres de son personnel (les «gestionnaires du fonds fiduciaire») conformément au règlement intérieur.

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