Que vise aujourd’hui la France en Afrique : Faire front au terrorisme et à Wagner ou chercher à s’enrichir ?

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Que vise aujourd’hui la France en Afrique : Faire front au terrorisme et à Wagner ou chercher à s’enrichir ?
Que vise aujourd’hui la France en Afrique : Faire front au terrorisme et à Wagner ou chercher à s’enrichir ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Benin. Il semble désormais que la France cherche à se restructurer et à reconstruire une nouvelle stratégie au Sahel et en Afrique de l’Ouest, qui vise principalement, selon le Président français, à empêcher l’expansion des groupes armés dans la région et à assiéger l’influence russe.

Seulement pour les observateurs et les spécialistes des Affaires africaines, la stratégie française est perçue comme une autre facette du « néocolonialisme ».

Il ne leur échappe guère qu’après avoir été expulsée du Mali, la France cherche à reconstruire une nouvelle stratégie au Sahel et en Afrique de l’Ouest, qui vise avant tout de dresser un rempart à l’expansion des groupes armés, dans ladite région, et également à réduire l’influence des envoyés du Kremlin.

Pour dire vrai, la stratégie française place le Niger comme point d’appui pour faire face aux organisations terroristes et à l’expansion russe au Sahel, car c’est le seul pays de la région des trois frontières qui bénéficie d’un système démocratique, qui n’est pas venu suite à des coups d’État, contrairement au Mali et au Burkina Faso.

Cependant, elle ne doit pas oublier l’autre point chaud autour du lac Tchad (Nigéria, Cameroun, Niger et Tchad), et l’escalade des attentats terroristes en Afrique de l’Ouest, notamment au Bénin et au Togo.

Géopolitiquement parlant, Paris chercherait actuellement à « réinventer » un appareil militaire et sécuritaire français, notamment dans la région du Sahel, selon le président Emmanuel Macron, après que sa politique antérieure avait conduit à la propagation généralisée des groupes terroristes en Afrique centrale et occidentale, bien qu’elle ait fait avorter le projet visant à implanter des émirats pour al-Qaïda et Daech dans le nord du Mali.

Emmanuel Macron en tournée en Afrique

La dernière tournée africaine (25 – 27 juillet) en Afrique de l’Ouest du président Emmanuel Macron lui aurait permis d’identifier trois zones principales de redéploiement de ses forces : le Sahel, le lac Tchad et le golfe de Guinée.

Ceci, lui a permis entre-autres de définir trois domaines pour combattre le phénomène du terrorisme à partir de ses racines dans les régions susmentionnés, qui sont :

• la défense et la sécurité,

• la diplomatie,

• le développement.

C’est ainsi que Macron a stipulé que les pays africains souhaitant recevoir l’appui militaire, diplomatique et sécuritaire de son pays devaient introduire une « demande claire et explicite », afin que les Français soient davantage présents dans l’entraînement militaire, la fourniture des équipements et le soutien aux armées africaines, tout en demeurant proche d’eux, pour les aider à augmenter leurs capacités.

Pour les experts, il s’agirait là d’un engagement fort pour la « sécurité de l’Afrique », qui confirme que le président français n’a pas l’intention de quitter le continent pour le laisser à Moscou, mais plutôt rétablir un rôle plus important pour la France en Afrique, afin que son expulsion du Mali ne soit pas un modèle pour le reste des pays du continent, confrontés à des menaces sécuritaires, à solliciter les services de la société russe Wagner.

Macron a justifié la décision de se retirer du Mali, du fait que « le cadre politique n’est plus disponible », en référence aux divergences entre Paris et les autorités de transition à Bamako, dirigées par le colonel Assimi Goïta.

Les plans des autorités françaises

La stratégie française vise à redéployer partiellement ou totalement 2 400 de ses soldats stationnés au Mali vers les quatre pays du Sahel, notamment le Niger, le Tchad et dans une moindre mesure le Burkina Faso et la Mauritanie, mais leurs rôles seront différents, car ils dépendent d’une formation complémentaire pour les armées locales et une coopération en matière de renseignement.

C’est la même stratégie que les États-Unis adoptent après plus de 20 ans de guerre contre le terrorisme, en s’appuyant sur les armées locales, grâce à une vaste coopération en matière de formation et de renseignement, en fournissant un soutien aérien, notamment par le biais de drones et d’hélicoptères, et en réduisant les interventions militaires directes pour éviter la colère des communautés locales.

Selon des médias occidentaux, évoquant des responsables français, entre 300 et 400 militaires français seront envoyés pour mener des opérations spéciales avec les forces nigériennes dans les zones frontalières avec le Burkina Faso et le Mali.

Entre 700 et 1 000 soldats français seront stationnés au Tchad, avec un nombre non divulgué de membres des forces spéciales opérant ailleurs dans la région.

Rappelons qu’en juin 2021, la France avait décidé de mettre fin à l’opération militaire Barkhane au Sahel, et de réduire le nombre de ses forces opérant dans la région de 5 100 à 2 500 ou 3 000 membres.

Mais ce déploiement français n’est pas bien accueilli par les peuples des pays du Sahel, car le Niger, le Tchad et le Burkina Faso ont été témoins de manifestations populaires exigeant le départ des forces françaises de leurs pays, ce qui affecterait les plans d’expansion de Paris vers le lac Tchad et le Golfe de Guinée.

Il a été constaté que les manifestations mettent la pression sur les gouvernements des trois pays et les propulsent dans l’embarras, notamment le Niger, car elles affaiblissent la popularité du président Mohamed Bazoum, allié privilégié de Paris, et peuvent affecter ses chances aux prochaines élections, ou encourager les militaires à adopter le scénario malien.

L’expansion de la France dans le lac Tchad et le golfe de Guinée aurait l’effet inverse, car elle pourrait attirer plus intensément des groupes armés dans ces zones, comme cela s’est produit au Mali, où les groupes extrémistes ne contrôlaient qu’environ 20 % du pays en 2013, et après l’entrée des Français, ces groupes se sont propagés à 80 % au Mali, et même à d’autres pays comme le Niger, le Burkina Faso, le Tchad, le Nigeria, le Cameroun, le Bénin et le Togo.

Cette situation peut donc inciter les États du golfe de Guinée à réfléchir avant de s’engager pleinement dans la stratégie française.

Et Wagner dans tout ça ?

La Russie fourrant son nez sur le continent africain en se basant sur Wagner

Pour ce qui est du groupe paramilitaire privé russe « Wagner », son expérience en République centrafricaine et au Mali suscite l’intérêt de certains pays africains qui souffrent de problèmes de sécurité, comme le Nigeria, le plus grand pays africain en termes de population, avec les plus grandes réserves de gaz naturel en Afrique, d’autant plus qu’il est le plus grand producteur de pétrole du continent.

A noter qu’en 2021, le journal britannique The Times rapportait que le Nigeria avait signé un accord de sécurité avec Wagner, dont les caractéristiques ne sont pas encore claires.

Cependant, les médias ont rapporté que le Nigeria pourrait utiliser Wagner pour affronter les groupes armés du delta du Niger, qui ciblent les installations pétrolières dans la région riche en pétrole et en gaz naturel, ce qui empêche le pays d’augmenter sa production de pétrole et de gaz, d’où plusieurs sociétés internationales ont été contraintes de quitter des projets pétroliers au Nigeria.

Face à la volonté du Nigeria d’augmenter sa production de pétrole et d’établir des gazoducs pour acheminer le gaz vers l’Europe, que ce soit par le Sahara ou l’océan Atlantique, le soutien russe au Nigeria, même à travers Wagner, devient urgent, avec le sentiment d’être abandonné par les pays occidentaux.

C’est donc dans cet objectif que la France tente de proposer des alternatives sécuritaires, diplomatiques et de développement intégrées aux pays d’Afrique de l’Ouest, pour éviter à ce que ces pays aient recours au groupe Wagner, et bien entendu pour préserver ses chances quant aux ressources naturelles et opportunités économiques en Afrique.

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