Qui veut défier Patrice Talon ? Reckya Madougou, Joël Aïvo, Alassane Soumanou… Le bal des prétendants à Cotonou

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Nous respectons votre vie privée
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Africa-PressBenin. Reckya Madougou, Joël Aïvo, Alassane Djimba Soumanou ou encore Ganiou Soglo… Pas moins de vingt dossiers de candidature à la présidentielle ont été déposés devant la commission électorale. Signe que, face à Patrice Talon, il n’y a pas d’union de l’opposition.

L’opposition béninoise a le sens du drame et des coups de théâtre. Les heures qui ont précédé la clôture du délai légal de dépôt des dossiers de candidature à la présidentielle du 11 avril prochain devant la Commission électorale nationale autonome (Cena) en ont apporté une nouvelle preuve éclatante.

Les candidats à la magistrature suprême avaient jusqu’à ce jeudi 4 février, à minuit, pour déposer leurs dossiers. À l’issue d’une folle semaine, alors que la poussière est enfin retombée, on y voit enfin – un peu – plus clair sur le positionnement des différentes composantes de l’opposition béninoise à l’orée de cette campagne électorale. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, face à Patrice Talon qui brigue un second mandat et s’est choisi Mariam Chabi Talata Zimé Yerima comme colistière, elle est profondément divisée.

Reckya Madougou (pour la présidence) et Patrick Djivo (pour la vice-présidence) formeront le « ticket » présenté par Les Démocrates, le parti fondé à l’initiative de l’ancien président Thomas Boni Yayi après qu’il a claqué la porte des Forces cauris pour un Bénin émergent (FCBE).

Le Front pour la restauration de la démocratie, auquel appartiennent pourtant Les Démocrates, présente de son côté un autre duo : le constitutionnaliste Joël Aïvo pour la présidence et l’ancien ambassadeur Moïse Tchando Kerekou pour la vice-présidence.

Quant aux FCBE, elles avaient dès le début de la semaine déposé les candidatures d’Alassane Djimba Soumanou, ancien ministre de Boni Yayi, et de Paul Hounkpè, secrétaire exécutif national du parti.

Première surprise

Au total, ce sont vingt dossiers qui se trouvent désormais sur le bureau de la Cena, dont certains ne comportent qu’un seul nom, comme c’est le cas de celui de Ganiou Soglo, qui n’a pas présenté de candidat à la vice-présidence, pas plus que de parrainages, considérant que la réforme constitutionnelle récente était nulle et non avenue. « Ma candidature est la candidature de la voix du peuple, qui dit qu’on ne transige pas avec les libertés publiques », martèle le fils de l’ancien président Nicéphore Soglo.

Comment en est-on arrivé là ? Mercredi soir, au terme d’un conclave de plusieurs heures, la fumée blanche apparaît enfin chez Les Démocrates. Le parti annonce vouloir présenter le duo Reckya Madougou-Patrick Djivo. Une première surprise, tant les noms d’Éric Houndété, ancien vice-président de l’Assemblée nationale proche de Yayi, et de Nourrenou Atchadé, premier vice-président du parti, revenaient avec insistance ces dernières semaines.

Si la candidature à la vice-présidence de l’ancien député Patrick Djivo ne semble pas avoir créé de remous, la désignation de Reckya Madougou n’a en revanche pas manqué de « réveiller la guerre des chapelles », concède une source proche de cette dernière. Depuis 2016, l’ancienne ministre de Thomas Boni Yayi est conseillère spéciale du président togolais, Faure Essozimna Gnassingbé, sur les questions économiques et sociales. Un temps éloignée du marigot politique béninois, elle signe donc un retour surprise en tête d’affiche, au grand dam de plusieurs membres des Démocrates. « Certains sont immédiatement allés plaider contre sa candidature auprès du Front pour la restauration de la démocratie », affirme notre source.

Le Front, créé mi-janvier, avait en effet prévu de présenter une candidature commune face à Patrice Talon. Mais jeudi, lorsque ses membres non affiliés aux Démocrates découvrent dans la presse que le parti de l’ancien président a d’ores et déjà officialisé son « ticket », la colère gronde. « Le principe était que chaque parti soumette au Front pour la restauration de la démocratie ses propositions de candidats et que l’on s’entende ensuite pour former le duo », souligne un interlocuteur au sein de la coalition.

Quelques heures après que Les Démocrates ont dévoilé leur « ticket », le Front publie donc à son tour un communiqué dans lequel il annonce que le duo sera formé de Joël Aïvo pour la présidence, et de Reckya Madougou pour la vice-présidence.

Duo inacceptable pour Les Démocrates

Inacceptable, pour Les Démocrates. « C’est une coalition dont nous sommes le moteur, le principal parti. Nous en avons été les principaux initiateurs. Les autres ne sont que de petites formations, il était donc naturel que notre duo soit désigné pour porter ses couleurs », estime un collaborateur de Madougou.

Jeudi matin, à 10 heures, l’alliance est brisée Jeudi matin, à 10 heures, les cadres des différentes composantes du Front s’enferment pour une réunion qui va durer jusque dans la soirée. Les débats sont âpres, rien ne filtre. Mais à l’issue de la rencontre, l’alliance est, de fait, brisée.

Vers 19 heures, Reckya Madougou rejoint Patrick Djivo, qui l’attendait à la Cena, et dépose son dossier au nom des Démocrates. Une heure et demie plus tard, c’est au tour de Joël Aïvo, accompagné de Moïse Tchambé Kerekou, d’être accueilli à la Cena par Geneviève Boko Nadjo, la vice-présidente de l’institution, qui reçoit leur dossier de candidature.

Aucun des deux n’a cependant présenté un seul des seize parrainages nécessaires à la validation de sa candidature. Ils ont 72 heures pour les apporter.

« Les Démocrates ont préféré présenter leur propre offre politique, ce qui va à l’encontre de ce qui avait été convenu, je le regrette. Mais nous allons aller aux devants des Béninois avec, chacun, notre offre politique », commente Joël Aïvo. Sur la question des parrainages absents du dossier il répond, serein : « Je vous assure que notre dossier sera validé », sans vouloir en dire plus. Le vrai combat, c’est contre Patrice Talon

« Le vrai combat, c’est contre Patrice Talon qu’il faut le mener », insiste de son côté Reckya Madougou, qui refuse de commenter la fin de l’alliance avec le Front. « Je n’ai pas envie d’être inamicale », glisse-t-elle. Les Démocrates n’ont pas non plus joint leurs parrainages à leur dossier. Et sur ce point, l’ancienne ministre de Thomas Boni Yayi se trouve confrontée à un problème de taille : un duo dissident issu des rangs des Démocrates, formé de Corentin Kohoué et d’Iréné Agossa, a présenté un dossier de candidature qui, lui, comprend les fameux parrainages. Une nouvelle bataille en perspective au sein de l’opposition…

Dans l’entourage de Patrice Talon, dont la candidature a été déposée ce jeudi à la mi-journée par Mariam Chabi Talata – venue entourée d’une forte délégation de soutiens, elle a été accueillie par les vivats d’une petite foule de militants rassemblés pour l’occasion –, on se frotte les mains face à cet étalage de divisions, tout en assurant ne pas y prêter attention.

« On ne s’occupe pas de ce qu’il se passe dans les autres partis. Quelle que soit la carrure du candidat, nous le respectons. Mais nous ne craignons personne », assure un proche du président. Quant à savoir si la barrière des parrainages ne risque pas de remettre en question le caractère inclusif de l’élection à venir, ce conseiller de Patrice Talon balaie l’objection d’un revers de main : « L’objectif des réformes est justement d’éviter une pléthore de candidats, afin de rendre lisibles les projets de société. Mais il devrait y avoir suffisamment de candidats pour que la fête soit belle. » Une affirmation qui devra attendre, pour être vérifiée, que la Cena valide (ou non) les dossiers déposés. La liste définitive doit être publiée entre le 10 et le 12 février prochains.

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