Avec des cours de l’or au plus haut, les acteurs africains tentent de capter cette manne

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Avec des cours de l’or au plus haut, les acteurs africains tentent de capter cette manne
Avec des cours de l’or au plus haut, les acteurs africains tentent de capter cette manne

Africa-Press – Benin. Cours de monnaies en chute libre, inflation, régimes de sanctions… Dans ce contexte, l’or rassure et se présente comme une alternative, surtout dans les pays producteurs. C’est d’ailleurs pour cela que la Banque centrale du Zimbabwe a lancé vendredi 5 avril une nouvelle monnaie adossée à l’or. L’institution bancaire avait déjà mis sur le marché une monnaie numérique adossée au métal précieux. Et en 2022, le pays avait déjà décidé d’émettre des pièces d’or pour tenter de contrer l’inflation.

Le Burkina Faso, touché lui par des sanctions, cherche de nouvelles pistes. Les autorités de transition regardent notamment vers les opportunités qu’offrent leurs réserves d’or. Elles ont décidé, fin février, de suspendre l’exportation de l’or artisanal. L’objectif visé est d’assainir et de réorganiser le secteur pour améliorer les recettes de l’État. L’année dernière déjà, une réquisition de 200 tonnes d’or avait été réalisée « pour nécessité publique ». De nombreuses réformes du secteur sont également en cours et une raffinerie est en construction.

Ces cinq dernières années, les réserves d’or des banques centrales africaines ont augmenté de 14% environ, selon le World Gold Council. L’Algérie est en tête, avec plus de 173 tonnes, suivie par l’Égypte et l’Afrique du Sud. Ces stocks d’or assurent par ailleurs à ces États des réserves de change pour le commerce extérieur.

« La multiplication des zones d’artisanat aurifère en Afrique va de pair avec une évolution des acteurs du trafic », explique Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales

D’où provient l’or produit de manière artisanale sur le continent ?

Thierry Vircoulon: Il y a une nouvelle zone de production d’or artisanale dans la zone sahélienne qui va du nord du Soudan, jusqu’en Mauritanie. Des gisements d’or ont été découverts et les artisans miniers les ont mis en exploitation. Cela a débuté en 2012 au nord du Soudan. On estime que la production de cette zone représente environ 100 tonnes d’or par an. C’est donc très important. Actuellement, on estime aussi que le Mali et le Burkina Faso sont au 3ème et 4ème rang des producteurs d’or industriel et artisanal en Afrique. Là aussi, la production s’est développée très récemment, sur les 20 dernières années. Au début du siècle, au Burkina Faso, on estimait qu’il avait environ 200 sites d’artisanat miniers aurifère. On en compte actuellement plus de 1 000. Il y a donc une vraie augmentation et prolifération des zones de production d’or en Afrique.

Cet or artisanal africain est-il légal ?

C’est évidemment difficile de se prononcer d’une façon générale. Disons que le trafic d’or, très souvent, est adossé aux zones de production artisanale. Ce sont des zones qui, souvent, ne sont pas cadastrées, ne sont pas réglementées et où la propriété n’est pas claire. On a une situation de production que l’on pourrait qualifier d’informelle, dans le meilleur des cas, et qui, dans le pire des cas, est illégale. En tout cas, il est clair que la plupart de la contrebande d’or se font à partir de zones d’artisanat minier, qui ont proliféré ces dernières années en Afrique. Une grande partie de l’or africain artisanal – peut-être 80% – va vers Dubaï, qui est devenu depuis 20 ans maintenant la principale place de négoce de l’or dans le monde. Dubaï représente à peu près 25% du commerce de l’or dans le monde.

Qui sont les acteurs qui organisent ces filières de contrebande ?

La multiplication des zones d’artisanat aurifère en Afrique va de pair avec une évolution des acteurs du trafic. Au départ, il y a 10-15 ans, les acteurs du trafic étaient des groupes armés, des milices ou des groupes criminels qui faisaient du blanchiment et qui montaient des filières de contrebande d’or. Petit à petit, l’or a pris de plus en plus de valeur sur le marché international. Cette production d’or artisanal a donc attiré des acteurs étatiques. Ces derniers travaillaient auparavant avec les trafiquants d’or, dans le cadre d’un pacte de corruption, et touchaient un pourcentage sur l’exportation de la contrebande d’or. Au début, c’étaient surtout des gens des forces de sécurité qui travaillaient en complicité avec les trafiquants d’or. Mais on a observé que cela a monté dans la chaîne du système étatique. Maintenant, ces acteurs étatiques sont devenus non pas simplement des profiteurs des filières de contrebande, mais des organisateurs de filières de contrebande. Ils ne profitent pas seulement du trafic, mais ils l’organisent et sont à la tête de réseaux de contrebande d’or.

Et cela, pour leur profit personnel ?

Les acteurs politiques et étatiques haut placés ont évidemment rempli leurs coffres et se sont considérablement enrichis. Un des exemples les plus connus, c’est le général Hemetti au Soudan, qui est considéré comme le premier contrebandier d’or du pays et qui a amassé une fortune. Grâce à cette fortune, il a également amassé une capacité militaire très importante, qui lui permet actuellement de faire la guerre au Soudan. On a aussi vu un certain nombre de dirigeants s’enrichir sans raison. Il y a aussi maintenant une tentative de capter l’or artisanal de manière légale et officielle, dans un certain nombre d’États africains.

Vous pensez au Burkina Faso par exemple ?

Je pense par exemple à Madagascar, où l’on a interdit l’exportation d’or de 2020 à 2023 parce que justement, il y avait beaucoup de contrebande d’or qui se faisaient à partir de l’île et qui allait à Dubaï. Depuis, les autorités ont décidé de réglementer le secteur de l’or et son exportation, notamment en donnant quelques autorisations à des sociétés. Ils ont également décidé que les banques centrales d’un certain nombre de pays d’Afrique seraient autorisées à acheter de l’or artisanal. C’est une façon de capter cette production et de faire en sorte qu’elle n’aille pas sur le marché parallèle, mais qu’elle arrive plutôt dans les coffres de l’État. Évidemment, ce n’est pas simple. Il faut que la Banque centrale offre un prix attractif pour cet or artisanal. Il faut aussi que les vendeurs puissent l’atteindre. Et il faut évidemment avoir les liquidités pour absorber cet or. C’est une politique qui ne peut pas changer la donne immédiatement, mais qui va commencer petit à petit à être mise en œuvre. Quelques pays africains ont engagé ce genre de mesures et cela peut se généraliser.

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