Coton : le Bénin maintient le cap

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Coton : le Bénin maintient le cap
Coton : le Bénin maintient le cap

Africa-Press – Benin. Première filière économique du Bénin, le coton représente et génère plus de 40 % des emplois en milieu rural et fait vivre environ 50 % de la population. La filière représente également 45 % des recettes fiscales du pays. Du rang de quatrième producteur africain de coton qu’il occupait encore en 2016, le Bénin, à la suite de quelques ajustements, avait réussi l’exploit de devenir numéro un des producteurs de l’or blanc en Afrique, et ce, devant l’ex-champion : le Mali. « Avec un parc industriel de 23 usines d’égrenage, le secteur cotonnier représente 60 % du tissu industriel du Bénin », a indiqué la ministre du Commerce, Shadiya Alimatou Assouman, lors du lancement de la campagne 2021-2022 de commercialisation du coton. Il faut dire que la transformation de fibre du coton reste un des défis majeurs pour les autorités béninoises, et ce, en vue d’obtenir plus de valeur ajoutée pour la consommation locale mais aussi pour maintenir le bon niveau d’exportation qui permet au pays d’engranger 40 % de ses rentrées de devises et d’assurer 13 % du produit intérieur brut.

Une forte volonté de créer de la valeur ajoutée sur place

À Parakou, une des grandes villes du nord du Bénin, le coton produit localement était transformé au niveau du Complexe textile du Bénin en tissus kaki, en serviettes et en quelques modèles de vêtements purement « made in Bénin ». Vu ses installations vétustes et ses pertes régulières, la structure a été liquidée quand le président Talon a été élu. À quelques encablures des vestiges de cette unité de production a été installée la Société pour le développement du coton (Sodeco). À l’une des entrées des usines d’égrenage de la Sodeco, on aperçoit plusieurs centaines de gros camions et de gigantesques bâches posées sur des montagnes de coton.

« Dans l’espace de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), l’agro-industrie, qui est la voie pour une meilleure exploitation des chaînes de valeur de la filière coton, est pratiquement inexistante. Pour bâtir un secteur cotonnier productif, compétitif et résilient, il importe d’y ajouter de la valeur sur place. Le gouvernement du Bénin ne veut pas des investissements hasardeux dans le secteur », fait remarquer le ministre de l’Agriculture, Gaston Dossouhoui. En amont, le gouvernement s’est employé à assurer des conditions d’exonération fiscale attractives parallèlement à la garantie de conditions énergétiques correctes aux potentiels investisseurs. C’est ainsi que le projet de la Glo-Djigbé Industrial Zone a vu le jour.

Une zone mise en place pour s’armer industriellement

Un partenariat public-privé conclu entre le Bénin et ARISE Integrated Industrial Platforms (ARISE IIP), du cofondateur et promoteur d’écosystème industriel indien Gagan Gupta, a mis en place un programme pilote de traçabilité de la chaîne de production des vêtements et des filatures des unités de production textile à la Glo-Djigbé Zone Industrielle (GDIZ).

Prévue pour être opérationnelle en 2022, la zone industrielle de Glo Djigbé (GDIZ) est sise à 45 kilomètres de Cotonou. « Cette zone économique spéciale est conçue pour être un parc industriel moderne respectant les normes environnementales et sociales les plus élevées. Elle est destinée à fournir des services à différentes industries, ce qui en fait une‌ ‌zone‌ ‌multisectorielle‌ ‌intégrée‌ ‌axée‌ ‌sur‌ ‌l’industrie‌ ‌agroalimentaire autour de la transformation locale de la noix de cajou, de l’ananas, de la noix de karité et du soja,‌ ‌ainsi que du‌ ‌coton‌ ‌local‌ ‌en‌ ‌textile », a expliqué Laurent Gangbes, directeur général de l’Agence de promotion des investissements et des exportations (APIEx) Bénin.‌

Cette zone devrait attirer un investissement d’au moins 1,4 milliard de dollars pendant la première phase et créer plus de 12 000 emplois. L’objectif visé à travers ce projet, le premier du genre au Bénin, selon les autorités, est de maximiser le potentiel économique des richesses naturelles telles que les cultures de rente précitées. Elle s’inscrit dans le catalogue des 342 projets de la seconde phase du Programme d’actions du gouvernement 2021-2026, un programme de 20,8 milliards de dollars conçu pour soutenir le développement économique et social du Bénin avec des impacts positifs sur les conditions de vie des populations.

Un effort particulier mis sur la traçabilité

En achetant un vêtement fait en coton à Londres par exemple, on sera en mesure de dire que le coton utilisé pour sa fabrication vient de telle commune du Bénin. Cette traçabilité fera augmenter la valeur du coton béninois sur le marché international du textile. « Grâce à ce partenariat avec ARISE Integrated Industrial Platforms (ARISE IIP), le Bénin sera positionné à l’avant-garde des innovations et technologies textiles, dans l’amélioration de la visibilité, de la résilience, de la compétitivité et de la création d’une chaîne de valeur florissante pour l’agriculture », a indiqué la firme. D’ici la fin de 2023, le pays, qui disposera d’usines de filature et de teinture, aura une capacité de traitement de 98 000 tonnes de coton fibre par an.

Tracer, vérifier et auditer le cycle de vie des vêtements, de la filature au magasin, et partager l’ensemble du parcours du coton béninois de haute qualité avec le consommateur final, c’est ce que vise ce programme qui va créer la première chaîne d’approvisionnement de coton entièrement traçable. « Bientôt, il y aura de quoi faire bouger les lignes en matière de développement de l’industrie textile. Le développement de cette industrie vise à améliorer les résultats dans la chaîne de valeur du coton et à bonifier les valeurs non encore révélées des sous-produits du coton », indique Shadiya Assouman, la ministre du Commerce. Désormais, ARISE IIP ambitionne, d’après ses responsables, de ‌faire‌ ‌passer‌ ‌l’Afrique‌ ‌de l’état de ‌fournisseur‌ ‌mondial‌ ‌de‌ ‌matières‌ ‌premières‌ ‌à‌ ‌une‌ ‌puissance‌ ‌manufacturière‌ ‌globale. De quoi rendre le coton cultivé en Afrique plus visible à l’industrie textile mondiale. Pour info, ARISE IIP est déjà présent au Gabon avec la Zone économique spéciale du Gabon (GSEZ), au Togo avec le projet de construction d’une usine de coton sur le site de la Plateforme industrielle Adétikopé (PIA), mais aussi en Côte d’Ivoire et au Tchad.

Des réformes qui ont fait la différence

Les différents acteurs du secteur de l’or blanc soutiennent tous que l’État ne met plus assez de moyens dans la campagne cotonnière depuis 2016. Quel est alors le secret des prouesses enregistrées au niveau continental ? Plus de 700 000 tonnes de coton graine ont été produites depuis 2019. Cet exploit confirme que les autorités ne s’étaient pas trompées en confiant à l’Association interprofessionnelle du coton (AIC) la gestion de ce secteur qui a bondi de 123 % depuis 2015. Les réformes faites dans le secteur ont débuté par la rétrocession de la gestion du coton aux spécialistes privés dès l’avènement du président Patrice Talon, à travers la remise en vigueur de l’accord-cadre entre le gouvernement et l’AIC. Et pourtant, le coton béninois vient de très loin.

« Après des années de maltraitance politique où les vrais acteurs étaient écartés, le coton était plongé dans une sorte de coma. Grâce à un médecin spécialiste, l’actuel président qui connaît bien la filière, l’or blanc a connu son salut et reprend des couleurs », a fait savoir Mathieu Adjovi, président de l’AIC. Les responsables de l’AIC, composés des producteurs et des égreneurs, se sont employés, une fois réhabilités, à remonter le temps en parant au plus pressé. Il s’agit de contenir voire d’annihiler les effets des retards qui menaçaient la campagne 2016-2017. Des tournées ont été faites dans les bassins cotonniers du pays.

Renforcer les chaînes de valeur

D’Akplahoué à Banikoara en passant par Klouékanmè, Djakotomey, Dogbo, Kétou, Adja-Ouèrè, Dassa-Zoumè, Djidja, Parakou, Djougou, Kandi et bien d’autres communes productrices de l’or blanc, les cotonculteurs, qui étaient découragés, ont dû être remobilisés par les responsables du coton. Avec 451 209 tonnes de coton produites en 2017, le Bénin venait ainsi de battre son propre record de production au niveau national, notamment celui de 427 153 tonnes de la campagne cotonnière 2004-2005. C’est la première performance enregistrée dès la reprise en main du coton par l’Interprofession. Les énormes avancées notées sont surtout le fruit de la rigueur dans la gestion du coton avec la mise à disposition à temps et en quantité suffisante des semences et des engrais aux producteurs de coton avec des rendements de 1,073 tonne en 2020 à 1,200 tonne en 2021 à l’hectare. Toute chose qui améliore le revenu du producteur.

L’organisation professionnelle du coton a également veillé à l’encadrement des producteurs sur les itinéraires techniques, à la réfection de certaines pistes rurales pour faciliter la commercialisation du produit et à l’homologation du prix de cession des intrants et du prix d’achat du coton graine aux producteurs, bref à la satisfaction des exigences des producteurs de coton. Le ministre de l’Agriculture, Gaston Dossouhoui, parle de la mise en place de bonnes qualités d’intrants : « D’abord les semences sont issues de notre sélection. Nous avons fait des choix qui, en termes de fibre, de poids capsulaire, de qualité, de blancheur, de longueur et de ténacité de la soie, donnent de bonnes performances que les égreneurs, les filateurs aussi ont appréciées. »

« Le gouvernement a réhabilité l’Association interprofessionnelle du coton, qui a repris les rênes du coton en faisant travailler les familles de l’interprofession », indique le responsable de l’Agriculture au Bénin. « Aujourd’hui, les paysans ont compris mieux que quiconque qu’il faut mieux se gérer, se prendre en charge. Les cotonculteurs et organisations de producteurs ont tous été réglés. Conséquence : les conditions de vie des cotonculteurs se sont améliorées », poursuit-il. Cela dit, il a fallu aller plus loin.

Atténuer la concurrence déloyale

Rien qu’en 2017, on estimait jusqu’à 117 milliards de francs CFA déjà payés par l’Interprofession aux plus de 300 000 familles produisant le coton soit environ deux millions de personnes directement ou indirectement impactées par la filière. Alou Djoulé, cotonculteur de Kandi, une des communes productrices de coton au Nord-Est Bénin, témoigne de l’évolution de sa production. « Lors de la campagne 2015-2016, j’avais réalisé environ 500 tonnes et pour la campagne 2017-2018, j’avais réalisé 2 142 tonnes. »

La satisfaction des cotonculteurs est grande depuis la campagne de 2016-2017, selon le président des cotonculteurs, Gani Badou Tamou. « Nous recevons régulièrement l’argent de nos ventes. Les retards de paiement ne durent pas plus de 10 jours », précise-t-il. Boostés par les chiffres records enregistrés depuis trois ans dans le secteur, les acteurs mettent la barre encore plus haut pour cette nouvelle campagne agricole. L’AIC mise sur une augmentation de 5 % par rapport à la production précédente et annonce une production de 766 000 tonnes en 2022.

Du côté des autorités, on reste optimiste. « Nous n’avons pas la plus grande emblavure en matière de production de coton, mais nous avons les meilleures technologies, une meilleure approche de suivi de nos plantations de coton. Les autres pays ont décidé de nous ravir la vedette en augmentant les prix du kilo. Tout ça, c’est de bonne guerre », confie le ministre Dossouhoui.

Compte tenu de son importance dans la vie socio-économique du pays, les autorités pensent qu’il faudra s’unir avec les autres pays africains producteurs afin de tenir face à la concurrence déloyale des pays développés du fait des subventions apportées à leurs producteurs. La capacité nationale d’égrenage du coton graine a évolué, passant de 612 500 tonnes à 832 500 tonnes au titre de la campagne 2021-2022. L’objectif actuel des acteurs de la filière du coton au Bénin, c’est d’atteindre une nouvelle production record d’un million de tonnes de coton graine au cours des campagnes 2023-2024. De quoi garder le cap et le bon.

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