Africa-Press – Benin. Coronavirus, digitalisation des banques, fermeture de la frontière avec le Nigeria… Rencontre avec le président de la Banque internationale pour l’industrie et le commerce (BIIC) du Bénin.
Acteur du secteur bancaire africain depuis de nombreuses années, Rizwan Haider est, depuis juin, le président du conseil d’administration de la toute nouvelle Banque internationale pour l’industrie et le commerce (BIIC).
Cette dernière est née, à la mi-2020, de la fusion de la Banque africaine pour l’industrie et le commerce (BAIC) et la Banque internationale du Bénin (BIBE). La première, agréée en 2014, comptait à la fin de l’année dernière, 81 milliards de F CFA d’actifs (2,1 % du total de bilan des banques au Bénin). La seconde, parmi les plus anciennes banques du pays avec un agrément obtenu en 1990, comptait 46 milliards de F CFA au bilan.
L’aventure BIIC – qui succède à deux des plus petits établissements de la place de Cotonou – constitue un nouveau périple pour ce Béninois d’origine canadienne. Ce dernier préside aussi le conseil d’administration de la Société immobilière et d’aménagement urbain (SImAU), créée en 2016 et chargée de réaliser plusieurs grands projets du programme d’action du gouvernement. Parmi eux : la construction de 20 000 logements, de la Cité ministérielle ou encore du pôle agroalimentaire du Grand Nokoué à Abomey-Calavi.
L’ancien président de l’Association professionnelle des banques du Bénin – qui conseille aussi le chef de l’État béninois, Patrice Talon, sur les questions financières et bancaires – revient pour Jeune Afrique sur les challenges du secteur financier dans le pays et la sous-région ouest-africaine.
Jeune Afrique : Depuis juin dernier, vous êtes à la tête du conseil d’administration de la BIIC. Quels sont vos challenges aujourd’hui ?
Rizwan Haider :
Le métier de banque est actuellement en pleine mutation. Et si la BIIC est à ce jour la seule et unique banque béninoise dédiée au soutien du secteur industriel et commercial du pays, notre challenge est aussi la conquête du marché, pour offrir à terme une gamme large de services à la clientèle des particuliers.
Le tout en synchronisant nos efforts avec les projets et les initiatives du Bénin dans les secteurs agro-industriels, le tourisme, les infrastructures, les énergies renouvelables et bien sûr les petites et moyennes entreprises.
Pour y arriver, nous allons compter sur un déploiement important de la technologie la plus adaptée pour servir nos clients. Nous allons très rapidement devenir une banque digitale en intégrant le eBanking, la monétique, le mobile-money et les systèmes de paiements en ligne.
Le Bénin est confronté depuis plus d’un an à la fermeture de ses frontières avec le Nigeria. Quelles en sont les conséquences sur l’économie béninoise ?
L’impact de ce blocage a été nettement moins dramatique que ce qu’on craignait. Le commerce transfrontalier des produits importés n’était pas la véritable base de l’économie du Bénin. En réalité, cette activité profitait à un nombre limité de commerçants et malgré les volumes importants réalisés sur plusieurs décennies, sa contribution dans les investissements productifs et la création d’emplois de qualité est restée faible.
Aujourd’hui, le Bénin est arrivé à la conclusion qu’il faut créer de la valeur ajoutée par la transformation de sa production agricole et développer le tourisme et des services de qualité pour atteindre les objectifs du développement.
Est-ce qu’on peut dire la même chose de l’impact de la Covid-19 sur l’économie béninoise en général et les banques en particulier ?
Même s’il s’agit d’une crise mondiale qui frappe tous les pays, dont le Bénin, le pays a mis en place un dispositif impressionnant pour protéger sa population et assurer la continuité des activités économiques et sociales. Il reste économiquement stable, selon les appréciations des institutions financières internationales et les agences de rating.
Dans le secteur bancaire, la BCEAO a pris des dispositions pour protéger les débiteurs vulnérables tout en sauvegardant la solidité des banques. Les banques béninoises ont profité de ces mesures pour soulager leurs clients. La situation est bien maîtrisée et nous espérons un retour rapide à la normale dès la fin de la pandémie.
Dans le cadre de cette pandémie, le Bénin a pris l’option de ne pas demander la suspension de sa dette. Selon vous, est-ce tenable pour le pays ?
Il était important de conserver les accords de financement et de donner confiance aux bailleurs de fonds. Le Bénin est un pays en chantier, avec d’importants chantiers d’infrastructures en cours et en projet. Mais, malgré la crise, la situation des finances reste saine et stable.
Quelles sont selon vous les grandes leçons de la crise ?
Tout le monde a fait le constat d’une complémentarité nécessaire entre présence physique de proximité et capacité à traiter les opérations à distance. Les banques, tenues de poursuivre leur activité, ont ainsi réussi à s’organiser pour préserver une présence en agence. La crise devra donner une impulsion supplémentaire aux stratégies digitales qui ont démarré depuis quelque temps. Le taux de croissance de la bancarisation est satisfaisant et la plupart des banques ont affiché une bonne résilience face à la crise sanitaire.
Qu’en est-il de la digitalisation des banques ?
Malgré les progrès, elle reste assez faible au Bénin. Les produits offerts par la plupart des banques restent lourds et peu adaptés aux particularités de la clientèle. En outre, le coût des services demeure élevé. Nous devons proposer des produits simples, faciles d’accès, à un prix abordable et dans un environnement totalement intégré et sécurisé, dans l’idéal accessibles depuis un simple téléphone.
S’il n’y a pas eu d’incidents significatifs en ce qui concerne la sécurité numérique au Bénin la vigilance sera de mise dans l’avenir. En effet, l’accroissement des produits et du nombre d’utilisateurs et d’opérations augmentera les risques.