Africa-Press – Benin. Dopé par le rachat de 74 % des parts de Petronas dans le géant sud-africain Engen (en 2024, pour un montant de 1,4 milliard de dollars, selon Fitch Ratings), Vivo Energy entend bien devenir le leader de la distribution des produits pétroliers raffinés sur le continent. Créé en 2011, le groupe britannique – dont l’actionnaire majoritaire est Vitol, un poids lourd mondial du négoce de l’or noir – est présent dans 28 pays africains par le biais d’un réseau de 3 900 stations-service. Dans la dernière édition de notre classement exclusif des 500 champions africains, il occupe la troisième place, et mise sur de nouveaux investissements pour accélérer sa croissance.
Après avoir fait l’essentiel de sa carrière au sein de TotalEnergies (il a dirigé Total Marketing France ainsi que les opérations Afrique de l’Ouest de Total Marketing Services, puis a été senior vice-president Afrique de TotalEnergies Marketing & Services), Stan Mittelman a rejoint Vivo Energy, le grand rival de la major française, en mars 2022. Pour JA, celui qui est aujourd’hui PDG du groupe évoque son essor et ses ambitions.
Jeune Afrique: Vivo Energy a adopté une nouvelle identité visuelle. Que signifie-t-il pour la stratégie du groupe ?
Stan Mittelman: Il correspond au moment où Vivo Energy change très significativement de dimension. Depuis qu’il a acquis Engen, le groupe a doublé de taille et il assume de plus en plus ses ambitions en Afrique, en particulier celle de jouer le rôle de leader dans la distribution des produits pétroliers raffinés. Un leader sûr de ses valeurs: sécurité, excellence, bienveillance, respect et intégrité. Nous avons tenté de faire passer cette idée de dynamisme, de transparence et de modernisme dans notre nouveau logo.
L’acquisition d’Engin nous a ouvert deux marchés importants: celui de l’Afrique du Sud et celui de la RDC.
Êtes-vous parvenus à détrôner TotalEnergies, le leader historique en Afrique ?
Détrôner TotalEnergies, qui, selon tout apparence, poursuit son retrait du secteur de la distribution dans nombre de pays africains n’est pas un objectif en soi. Pour nous, l’essentiel est de nous renforcer. En acquérant Engen, nous avons fait un pas important. Certes, la concurrence est rude. Mais, comme le montrent certains indicateurs (le montant des investissements réalisés ces dernières années, la croissance de nos ventes…), Vivo Energy est aujourd’hui six fois plus important en termes de nombre de stations-service qu’il y a douze ans. Et le nombre d’emplois directs et indirects que nous créons, environ 100 000, nous fait penser que cette redistribution des rôles est en cours.
Pourtant, la major tricolore continue d’affirmer qu’elle est le numéro un…
Je ne commente pas les propos de mes concurrents.
L’une des clés du succès résidera dans notre capacité à nouer des partenariats avec des investisseurs et des entrepreneurs locaux.
Depuis l’acquisition d’Engen, Vivo Energy est présent sur 28 marchés africains. Comment comptez-vous renforcer votre présence ?
Cette transaction nous a ouvert deux marchés particulièrement importants: celui de l’Afrique du Sud et celui de la RDC. Nous devons d’abord intégrer les actifs que nous avons acquis, et, ensuite, poursuivre notre stratégie de croissance à partir d’une « plateforme » deux fois plus importante.
Dans le cadre de notre plan 2025-2029, nous prévoyons des investissements significatifs, à la hauteur de notre nouveau statut de leader. Nous construisons chaque année près de 150 stations-service, tout en diversifiant nos services de restauration et de convenience store avec nos partenaires (KFC, Hungry Lion, Wimpy, Woolworths…).
Enfin, je voudrais insister sur la notion de partenariat. L’une des clés du succès résidera en effet dans notre capacité à nouer des partenariats avec des investisseurs et des entrepreneurs locaux. Des actionnaires locaux sont présents dans dix de nos filiales, nous créons des sociétés communes dans la logistique ou dans la distribution au Mali, en Zambie, en Tanzanie, au Sénégal, au Maroc… C’est une tendance de fond, à laquelle nous souscrivons pleinement.
Votre entrée dans un nouveau pays se fera-t-elle essentiellement par le biais de rachats d’actifs, ou plutôt en tablant sur une croissance « organique » ?
Nous sommes à l’affût de toutes les opportunités, en particulier dans les grands pays du continent où nous ne sommes pas encore présents, comme l’Égypte ou le Nigeria, à la condition, bien évidemment, que cela ait un sens d’un point de vue économique.
Pénétrer dans un nouveau pays en construisant à partir de zéro un réseau de stations-service est possible en théorie. Mais, en pratique et quand on observe plus précisément les pays cibles, cette stratégie se révèle difficile à mettre en œuvre. Les contraintes sont nombreuses, que ce soit pour créer une structure, pour sécuriser les terrains ou la logistique – sans parler de la complexité des réglementations en matière de permis de construire… Une croissance « organique », sans construction de réseaux de stations-service, est, en revanche, plus facile à envisager dans certaines spécialités, comme les lubrifiants (au Nigeria par exemple) ou le gaz de pétrole liquéfié (GPL).
Vitol est votre actionnaire majoritaire. Ce géant du négoce joue-t-il un rôle indispensable dans la sécurisation de votre chaîne d’approvisionnement ?
Notre relation avec Vitol repose sur trois éléments clés. Premièrement, l’alignement stratégique: nous partageons une vision optimiste de l’avenir de l’Afrique ainsi que de notre stratégie de croissance. Deuxièmement, nous avons beaucoup à apprendre de Vitol en matière d’approvisionnement, de logistique ou de gestion des risques. Troisièmement, dans certains pays, nous avons avec Vitol une relation de client à fournisseur, avec un peu moins de 50 % des approvisionnements de Vivo assurés par Vitol.
Au-delà de cette relation clients-fournisseurs, Vitol peut, dans les périodes de crise, nous aider à mettre sur pied très rapidement un système d’approvisionnement alternatif. Lors des accidents qui ont frappé le site de la Société guinéenne des pétroles (SGP), en 2023, ou un site de Sasol, en Afrique du Sud, en janvier 2025, il a fallu trouver de nouvelles solutions. Avec sa capacité à mobiliser très vite des moyens importants, Vitol nous a permis de répondre efficacement à ces situations critiques.
Aliko Dangote, la Société ivoirienne de raffinage (SIR) ou encore la Société africaine de raffinage (SAR), au Sénégal… Les raffineries africaines font-elles partie de vos fournisseurs ?
N’étant pas présents dans le secteur de la distribution au Nigeria, nous n’avons pas de relations commerciales avec la raffinerie de Dangote. Vitol peut en avoir, mais pas Vivo Energy pour le moment. À l’inverse, notre groupe reste un client très important de la SAR, de la SIR, de la Société tunisienne des industries de raffinage (STIR) ou encore de la Société gabonaise de raffinage (Sogara). Dans tous les pays où Vivo Energy est présent et où il y a des raffineries, nous nous positionnons comme un partenaire de choix.
Au Maroc, le Conseil de la concurrence s’apprête à analyser les marges bénéficiaires des distributeurs pétroliers au titre de l’exercice 2024. À la fin de 2023, au terme d’une longue procédure, le régulateur avait condamné neuf opérateurs à une amende transactionnelle de 1,8 milliard de dirhams (environ 160 millions d’euros) pour entente sur les prix. Craignez-vous de nouvelles sanctions ?
Nous ne craignons pas de nouvelles sanctions au Maroc: Vivo Energy respecte complètement la loi et l’ensemble des réglementations qui relèvent du droit de la concurrence.
L’utilisation du GPL réduira fortement les émissions de particules nocives, responsables, chaque année, de 4 millions de décès prématurés.
Vous avez l’intention d’investir plus de 550 millions de dollars d’ici à 2030 dans le secteur du GPL. Comment allez-vous répartir ces investissements ?
Il est clair à nos yeux qu’en Afrique le GPL assurera très efficacement une partie de la transition vers les énergies propres. Ces investissements permettront à environ 25 millions d’Africains d’accéder à une énergie bien plus propre que le bois, le charbon de bois ou le kérosène. Le GPL est, en outre, l’une des solutions les plus bénéfiques pour la santé publique, puisque son utilisation contribue à réduire fortement les émissions de particules nocives. Or, ces dernières sont, chaque année, responsables de 4 millions de décès prématurés dans le monde, qui touchent surtout les femmes et les enfants.
Est-ce une contribution suffisante à la transition énergétique ?
Au-delà du GPL, que nous déployons dans douze pays, nous soutenons, au Kenya, la société Koko Fuel, qui propose une solution de cuisson propre et originale: elle consiste à utiliser comme combustible l’éthanol avec zéro émission. Plus de 1 million de foyers y ont recours dans le pays.
Enfin, nous développons une offre dans l’énergie solaire, car celle-ci est particulièrement compétitive et bien adaptée au B2B et au secteur minier. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur ce type de projets. Mais, à plus long terme, nous ne nous interdisons pas de réfléchir à des projets de génération électrique à plus grande échelle, pour le compte de certains États.
Source: JeuneAfrique
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