Africa-Press – Benin. La présente requête est introduite conformément aux articles 114, 117, 118 et 124 de la Constitution béninoise. Elle vise à faire constater par la Cour constitutionnelle l’inconstitutionnalité de l’ordonnance N°288/2025 rendue le 13 octobre 2025 par le Tribunal de première instance de Cotonou, en ce qu’elle viole:
L’autorité de la chose jugée des décisions de la Cour constitutionnelle ;
Le principe de sécurité juridique ;
Le principe de séparation des pouvoirs ;
Le principe de légalité en matière électorale ;
La hiérarchie des normes juridiques en République du Bénin.
II. EXPOSÉ DES FAITS
Le 13 octobre 2025, le Tribunal de première instance de Cotonou a rendu, à la requête de Monsieur Michel François Oloutoyé SODJINOU, député élu sous la bannière du parti politique Les Démocrates, une ordonnance à pied de requête portant le numéro 288/2025.
Par cette ordonnance, le tribunal:
Enjoint au président du parti Les Démocrates de restituer au député Michel François Oloutoyé SODJINOU son formulaire de parrainage, au motif que ce dernier refuse de parrainer le candidat désigné par son parti ;
Enjoint également à la Commission électorale nationale autonome (CENA) d’invalider le premier formulaire et d’en délivrer un nouveau à l’intéressé ;
Ordonne l’exécution provisoire de la décision nonobstant toute voie de recours.
Cette décision a été rendue sans débat contradictoire, en violation du droit électoral en vigueur, et à l’encontre de décisions antérieures de la Cour constitutionnelle sur le même sujet.
III. MOYENS DU RECOURS
L’article 124 alinéa 3 de la Constitution béninoise dispose sans ambiguïté: « Les décisions de la Cour constitutionnelle s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles. »
Cette disposition confère aux décisions de la Cour constitutionnelle une autorité absolue, y compris dans l’interprétation des normes constitutionnelles ou législatives.
Dans sa décision DCC 24-040 du 14 mars 2024, la Cour a clairement affirmé que:
« Le parti politique est doté d’une ligne constituée par l’ensemble des règles à l’effet de conquérir et d’exercer le pouvoir politique ;
Acte politique grave, destiné à avaliser un candidat à la candidature, le parrainage est, non seulement un filtre destiné à réduire les dépenses électorales, mais à permettre aux seuls candidats méritants et qualifiés de briguer le suffrage des électeurs ;
Il contribue à l’avènement de formations politiques fortes, durables et favorise des débats sereins sur la vision et les projets de sociétés ;
La ligne du parti doit l’emporter sur les ambitions individuelles ;
Le détenteur du pouvoir de parrainer, étant d’abord le militant d’un parti politique, il conserve certes sa liberté, mais ne peut en jouir dans le cadre du parrainage, qu’en conformité avec la vision et les valeurs de sa formation politique ; »
Le député ou maire détenteur d’un parrainage ne peut en user que dans le respect des valeurs, choix et positionnements de son parti politique.
Cette jurisprudence est définitive, obligatoire et irrévocable. Elle s’impose à toutes les juridictions, y compris au juge du Tribunal de première instance de Cotonou, qui ne pouvait donc ni l’ignorer, ni la contredire.
Pourtant, l’ordonnance n°288/2025:
Remet en cause cette décision de la Cour constitutionnelle, en autorisant un député à récupérer et utiliser librement une fiche de parrainage contre la volonté de son parti ;
Substitue l’interprétation d’un juge ordinaire à celle de la Cour constitutionnelle, usurpant ainsi une compétence exclusive de cette dernière.
Va jusqu’à ordonner à un parti politique de déroger à ses propres décisions internes, contrevenant ainsi également à la jurisprudence EP 21-014 du 17 février 2021, selon laquelle la Cour ne saurait s’immiscer dans les relations internes entre les partis et leurs élus.
Il s’agit donc d’une violation grave, frontale et inacceptable de l’autorité de la chose jugée constitutionnelle, qui:
Affaiblit l’État de droit ;
Crée une jurisprudence parallèle, mettant en péril l’unité et la cohérence de l’ordre juridique ;
Et sape le fondement même de la suprématie de la Constitution.
L’article 132 stipule expressément que: « Un député ne peut parrainer qu’un candidat membre ou désigné du parti sur la liste duquel il a été élu. » L’ordonnance attaquée méconnaît cette disposition en permettant à un député de se détacher de son parti. Cela constitue une violation manifeste du principe de légalité électorale.
Le principe de sécurité juridique impose des normes claires, stables et prévisibles. En introduisant une exception arbitraire à l’encadrement légal du parrainage, le tribunal crée une insécurité qui nuit à la régularité du processus électoral et à la confiance des citoyens.
Le tribunal, en s’immisçant dans la gestion interne d’un parti politique, outrepasse les compétences de l’autorité judiciaire. La jurisprudence EP 21-014 rappelle expressément que les relations entre partis et élus échappent à l’ingérence des juridictions ordinaires.
La Constitution, au sommet de la hiérarchie des normes, s’impose à toutes les juridictions. En rendant une ordonnance contraire à une décision constitutionnelle, le tribunal viole le fondement même de l’État de droit.
IV. DEMANDE
Par ces motifs, et tous autres à développer en cours d’instruction, il est demandé à la Cour constitutionnelle de:
1- Constater l’inconstitutionnalité de l’ordonnance N°288/2025 du 13 octobre 2025 rendue par le Tribunal de première instance de Cotonou ;
2- Dire et juger que ladite ordonnance viole:
L’article 124 alinéa 3 de la Constitution (autorité des décisions de la Cour constitutionnelle) ;
Le principe de sécurité juridique ;
Le principe de la légalité en matière électorale ;
Le principe de la séparation des pouvoirs ;
La hiérarchie des normes en République du Bénin ;
3- Rappeler que toute autorité judiciaire est tenue de respecter la Constitution et les décisions de la Cour constitutionnelle ;
4- Ordonner l’invalidation de toute conséquence juridique découlant de l’ordonnance incriminée.
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