Africa-Press – Benin. Le lundi 28 juillet 2025, à la veille de la célébration du 65e anniversaire de l’indépendance du Bénin, le président Patrice Talon a convié plusieurs jeunes béninois au palais de la République pour un échange direct, sans protocole, sur l’avenir du pays. L’exercice, inédit dans sa forme, s’est voulu interactif, transparent et introspectif. Entre bilan de gouvernance, réflexions économiques, aspirations sociales et perspectives politiques, la jeunesse a trouvé une oreille attentive chez le chef de l’État, qui n’a pas hésité à livrer sa pensée sans détour.
Dès l’ouverture des échanges, les jeunes ont mis sur la table leurs préoccupations majeures à savoir l’emploi, le coût élevé de l’électricité et de l’internet, et la loi sur l’embauche jugée peu protectrice. Patrice Talon a saisi l’opportunité pour défendre sa vision libérale du développement économique. Selon lui, la priorité doit être donnée à la création massive d’emplois via l’investissement privé, quitte à assouplir certaines protections pour les salariés. Pour le président, « il vaut mieux déréguler l’emploi pour créer des emplois, que de réguler l’emploi pour n’en créer aucun ». Il a reconnu cependant que la sécurité des employés passe aussi par la qualité de leurs prestations et la concurrence entre employeurs dans un environnement dynamique.
Le chef de l’État a également abordé la question des infrastructures. Il a rappelé que l’État travaille avec des ressources limitées, principalement issues des impôts et taxes, ce qui restreint la capacité d’investissement. Il a insisté sur le fait que « même si c’est cher, le Bénin doit avoir l’eau, l’électricité, l’internet ». Cette logique s’inscrit, selon lui, dans une quête de souveraineté assumée car, affirme t-il, « l’indépendance, c’est payer de sa poche. »
Une frustration assumée et question de démocratie
Parmi les points de déception exprimés, Patrice Talon a reconnu n’avoir pas pu mener à terme l’un des projets qui lui tenaient le plus à cœur, celle de la mise en place d’un système performant de formation technique et professionnelle. Il a regretté que cette ambition n’ait pas été priorisée plus tôt dans ses mandats, même si, a-t-il rassuré, « tout est prêt aujourd’hui » pour la construction d’une soixantaine d’écoles techniques dans tout le pays. Une réforme qu’il espère voir se déployer dans les 18 à 24 mois à venir, avec pour objectif d’ici 2035 que 7 jeunes sur 10 soient formés à un métier pratique.
Sur les questions de démocratie, de gouvernance et de participation des jeunes à la vie publique, Patrice Talon a appelé à dépasser les clivages partisans. Il a proposé la création d’un cadre formel de dialogue permanent entre la jeunesse et les gouvernants, tout en réaffirmant son souhait de voir émerger une nouvelle classe politique capable de transcender les logiques de division.
Le chef de l’État a profité de l’occasion pour faire une confidence sur Candide Azannaï, son ancien allié devenu opposant. « C’est un frère, j’espère qu’on se reverra et qu’on s’embrassera à nouveau une fois que j’aurai quitté la charge », a-t-il confié en évoquant avec émotion leur différend politique. Une manière de souligner la complexité des relations dans l’arène politique, mais aussi sa volonté personnelle de réconciliation.
Interpellé aussi sur l’identité de son successeur en 2026, Patrice Talon a réitéré qu’il soutiendra « celui qui sera capable de faire mieux », indépendamment de son appartenance politique. « Même s’il passe son temps à m’insulter, s’il est le plus compétent, je ferai campagne pour lui », a-t-il assuré, ajoutant même qu’« il pourrait être démocrate, pourquoi pas? » Une phrase forte, perçue par plusieurs observateurs comme une main tendue, voire une allusion implicite à Boni Yayi et son parti, Les Démocrates, avec qui les tensions ont marqué l’histoire politique récente du Bénin.
Enfin, la question sensible des détenus politiques a été évoquée. S’il s’est montré ouvert à l’idée de la clémence, Talon a rappelé qu’elle ne devait pas se faire au détriment de la responsabilité et de la justice. « Gouverner, ce n’est pas rechercher la popularité à tout prix », a-t-il conclu.
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