Ces innovations pour rendre l’avion plus sobre

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Ces innovations pour rendre l'avion plus sobre
Ces innovations pour rendre l'avion plus sobre

Africa-Press – Benin. La prochaine révolution dans l’aviation civile viendra de l’hydrogène… Mais pas tout de suite… Celui qui le symbolise le plus, le programme ZEROe (pour zéro émission) d’Airbus, devait prendre son envol en 2035 mais il a été repoussé d’une dizaine d’années ! Le projet reste pour autant « au cœur de la feuille de route « , martèle l’avionneur, qui explique que si les cinq dernières années ont permis à ses ingénieurs de savoir comment fabriquer un avion à hydrogène qui fonctionne, le lancer trop vite reviendrait à faire un « Concorde de l’hydrogène » en proposant une solution commercialement non viable.

Ainsi, il a été décidé d’ajuster le calendrier hydrogène « à la maturité de l’écosystème et des technologies « , soit à un accès à la ressource en quantité et à un prix raisonnable – lequel ne se fera pas sans « une collaboration et des investissements à l’échelle mondiale « . Un dernier point sur lequel insiste Karim Mokaddem, responsable recherche et technologie des avions commerciaux de demain chez Airbus: « Si on veut réussir la décarbonation pour 2050, cela requiert un jeu collectif, incluant avionneurs mais aussi politiques et acteurs des différentes filières.  »

Dans l’immédiat, Airbus se recentre sur l’avion de demain, son futur monocouloir, le successeur de l’A320. Leader mondial du marché, l’avionneur joue gros et doit réussir à accoucher d’un modèle immédiatement fiable et rentable pour les compagnies clientes, sous peine de voir Boeing prendre les devants pour longtemps. Pour donner naissance à ce futur best-seller – qui devra notamment atteindre la neutralité carbone promise par le secteur aérien à l’horizon 2050 -, il explore différentes briques technologiques à la maturité variable. Propulsion, aérodynamisme, matériaux…

L’avion de demain aura-t-il des moteurs décarénés? Des ailes pliables? Une structure faite de composites inédits? Il est trop tôt pour l’affirmer: l’avionneur s’est donné jusque vers 2030 pour arrêter ses choix technologiques, tablant sur une entrée en service vers 2035 d’un appareil de 20 à 30 % plus économe en énergie que ses prédécesseurs. Revue de détails des solutions envisagées.

Propulsion: un moteur décaréné

C’est la brique technologique la plus avancée, déjà testée en soufflerie à échelle réduite et annoncée pour 2035. Compatible avec l’ensemble des carburants durables, il s’agit d’un rotor hybride et surtout décaréné. Pourquoi décaréné? Il faut avant tout se rappeler qu’avec le cycle thermodynamique, la taille de leur soufflante est le principal levier de l’efficience des turboréacteurs. Or, qui dit grande soufflante – déjà près de deux mètres de diamètre sur les moteurs de dernière génération -, dit inflation sur la taille des réacteurs eux-mêmes, dont certains touchent presque le sol aujourd’hui. La technologie « open fan » apparaît ainsi comme une solution prometteuse pour augmenter la taille des pales de la soufflante, jusqu’à la doubler, sans avoir besoin d’ajouter une nacelle élargie.

Au cœur de la recherche et développement en matière de propulsion sobre, ce turboréacteur disruptif pourrait faire la différence avec une réduction annoncée de 20 % de consommation de carburant et d’émissions de CO2 par rapport aux modèles actuels les plus vertueux. Développé dans le cadre du programme Rise (Revolutionary innovation for sustainable engines) de CFM (Safran et General Electric), il semble avoir les faveurs d’Airbus, comme en témoigne l’esquisse dévoilée lors du sommet annuel de l’avionneur, en avril. À noter que l’on ne le retrouve pas pour l’instant chez Boeing dans son projet X-plane appelé à succéder au 737.

L’idée d’un retour au décaréné n’est pas récente. Les premières études ont commencé dans les années 1980, mais un prix du pétrole relativement bas et des contraintes environnementales sans commune mesure avec les exigences actuelles n’avaient pas encouragé la commercialisation de tels moteurs. Car les « open fan » apportent leur lot de contraintes et, à l’image de toute innovation disruptive, de risques.

Ainsi, côté acoustique, Airbus a déjà prévu de s’appuyer sur une soufflante qui tournera trois fois moins rapidement que les modèles actuels, notamment pour compenser l’absence d’enveloppe dont l’un des mérites était d’atténuer le bruit. Côté sécurité, l’avionneur travaille à protéger les contacts accidentels avec les pales – sans préciser encore comment, mais probablement pas par un blindage qui aurait l’inconvénient d’ajouter de la masse. Si le choix de la technologie « open fan » est finalement confirmé, il aura aussi des conséquences sur l’architecture du futur monocouloir et pas des moindres: les avionneurs devront en effet trouver une place à ces moteurs d’une envergure inédite. Ils envisagent ainsi de les déplacer sous des ailes rehaussées ou bien carrément à l’arrière, comme on peut le voir sur les appareils de transport régionaux.

Les promesses des biocarburants

En attendant l’hydrogène, les avionneurs misent sur les carburants d’aviation durables (CAD ou SAF). Divisés en biocarburants et carburants de synthèse en fonction de la source du carbone et de l’hydrogène qui les composent, ils permettent de réduire jusqu’à 90 % des émissions de CO2 et devront remplacer 70 % du kérosène en 2050, selon le règlement européen ReFuel EU Aviation. Un défi de taille: aisément compatibles avec les moteurs actuels, ils représentent pour l’instant moins de 0,1 % de la consommation aérienne mondiale. La raison?

Un coût prohibitif – 3 à 4 fois le prix de la tonne de kérosène pour les biocarburants et 4 à 10 fois pour les carburants de synthèse -, une biomasse limitée pour les premiers et un manque de maîtrise des technologies pour les seconds empêchent les filières de passer à l’échelle industrielle. « On estime que les biocarburants pourront couvrir la moitié du kérosène à remplacer en 2050, soit 200 millions de tonnes, explique Nicolas Jeuland, expert en carburants innovants chez Safran. Il faudra donc jouer sur la complémentarité des filières pour le reste des besoins, notamment avec les carburants issus de l’électricité bas carbone (e-fioul et potentiellement hydrogène).  » Grâce aux batteries constituées d’un électrolyte solide à la densité énergétique prometteuse, l’électrification des fonctions essentiellement non propulsives pourrait aussi participer à la décarbonation – au mieux de 5 %.

Aérodynamisme: une voilure intelligente et rétractable

Inspirés par le vol des oiseaux, et par la théorie qui donne une traînée induite nulle sur une aile infinie, les ingénieurs voient long, toujours plus long ! Dans les équipes d’UpNext, le laboratoire d’innovation d’Airbus, ils travaillent à concevoir une voilure allongée afin de jouer sur le ratio entre la largeur (ou corde) moyenne et la longueur (l’envergure) pour obtenir une meilleure portance et réduire la traînée que celle-ci induit. « Sur un Airbus conventionnel, ce ratio varie de 10 à 11, explique Sébastien Blanc, directeur technique du projet. Avec le démonstrateur eXtra performance Wing, il pourrait atteindre 17.  » Soit, pour un A320, un allongement de l’ordre de 14 mètres pour une aile actuelle de 36 mètres ! Bien au-delà des bouts d’aile recourbés (winglets) déjà présents sur les modèles actuels.

Mais pour tenir la promesse de gagner de 5 % à 10 % sur la consommation de carburant, il faudra encore relever quelques défis, à commencer par la gestion du surplus de charge aérodynamique induit par une structure alourdie. Les ingénieurs ont ainsi prévu une charnière intelligente à la jonction, capable de se relâcher au besoin pour faire oublier la présence de la voilure additionnelle en ne transmettant pas au reste de la structure les efforts qui s’exercent sur elle.

Pour optimiser les phases de vol et résister aux turbulences, ils ont par ailleurs équipé les ailes de nouvelles surfaces de contrôle à même de réagir de manière autonome à des capteurs de rafales. Comme des sur-volets ou encore des aérofreins de type pop-up capables de se déployer en temps réel, à la manière dont un oiseau adapterait la surface de ses plumes au vent. Placés sur le nez de l’avion, d’autres capteurs, de type lidar, viendront également sonder l’atmosphère jusqu’à 200 mètres en amont de l’appareil afin de détecter les turbulences (cisaillement du vent, tourbillons de sillage, etc.) avant que l’avion ne les traverse. Transmises au calculateur, ces informations permettront aux pilotes d’adapter leur voilure ou trajectoire en temps réel.

Reste à s’assurer que ces avions d’une envergure inédite restent compatibles avec les infrastructures aéroportuaires existantes. « Le but est de conserver l’empreinte au sol actuelle en rabattant le bout de voilure à 90° grâce à la charnière « , explique l’ingénieur. Ces ailes d’un genre nouveau seront testées en vol à l’échelle 1/3 sur un démonstrateur, un Cessna modifié, d’ici moins d’un an.

Matériaux: des plastiques à la place du métal

Dans la chasse au gain de poids, l’aéronautique remplace depuis longtemps une partie des pièces métalliques de ses appareils par des plastiques renforcés de fibres de carbone (PRFC) – jusqu’à 50 % de la masse des structures principales déjà aujourd’hui. Thermodurcissables ou thermoplastiques selon la résine employée, leur excellent rapport résistance/poids participe à l’amélioration des performances des avions mais aussi de leur rendement énergétique, avec une réduction de 20 % de la consommation de carburant par rapport aux générations précédentes. Le premier long-courrier à avoir adopté cette solution est le Boeing 787, mis en service en 2009.

Mais, en raison de processus de fabrication encore essentiellement manuels et de temps de durcissement très longs, la production des pièces aéronautiques issues de ces matériaux composites est loin du rendement industriel attendu. Ainsi, les services de recherche et technologie mettent l’accent sur de nouveaux procédés à même d’accélérer les cadences. Le français Daher teste par exemple de nouvelles résines thermodurcissables « fast-cure » avec la promesse d' »une pièce toutes les 25 minutes contre 7 heures avec les résines actuelles « .

Quant aux thermoplastiques, pour l’instant cantonnés aux pièces non critiques et peu chargées, ils devraient être majoritaires sur l’avion de demain. Au nombre de leurs atouts dans la quête d’un avion plus durable, une production moins énergivore – stockés à température ambiante alors que les thermodurcissables nécessitent d’être congelés -, ils sont aussi plus rapides à mettre en forme et d’une recyclabilité élevée. Alors que les thermodurcissables durcissent définitivement, les thermoplastiques peuvent en effet être réchauffés pour être réparés ou remodelés. Mieux encore, les pièces issues de ces composites peuvent être assemblées par soudure par induction, une solution prometteuse qui permettrait notamment de se passer du traditionnel assemblage par rivets, avec gain de poids et de budget à la clé.

Ne manque plus que la maturité nécessaire pour produire des pièces complexes ou de grande taille afin d’envisager ces thermoplastiques au-delà de la voilure, pour des pièces plus structurelles, par exemple pour le mât moteur ou même le fuselage de l’avion de demain. Parmi les pièces réalisées grâce à cette technologie figure le cadre d’admission d’air d’un démonstrateur de moteur développé en partenariat avec Airbus. D’une circonférence de plusieurs mètres, cette pièce, composée de quatre profilés assemblés, est l’une des plus grandes jamais réalisées en thermoplastique.

En matière de composites, le développement de l’impression 3D constitue également une piste pour contribuer à réduire la masse des pièces. Les processus de cette fabrication additive consistent à ajouter la quantité de matière seulement nécessaire au lieu d’en retirer d’une forme préexistante, ce qui génère en sus moins de déchets à la source. Tout un fuselage a ainsi été réalisé par Airbus dans le cadre de la plateforme Large Aircraft de Clean Sky 2. Et l’avionneur explore également des alternatives aux PRFC plus durables, comme des fibres issues de la biomasse et des résines provenant du sucre de canne, ou encore des manières de séparer les fibres de carbone des résines pour mieux les recycler. Enfin, au-delà de ces challenges technologiques, reste un défi de taille: faire baisser des coûts de production qui demeurent élevés.

Optimiser les opérations en vol et au sol

Outre les briques technologiques, l’amélioration des opérations en vol et au sol est une carte à jouer significative puisqu’elle peut participer à la décarbonation du transport aérien à hauteur de 5 à 10 %. En vol, les ingénieurs explorent une adaptation plus fine du pilotage aux conditions météorologiques et à la masse de l’appareil, une approche plus fluide lors des phases de décollage et d’atterrissage, une gestion plus globale pour fluidifier le trafic aérien… Au sol, c’est notamment la part de l’alimentation électrique croissante qui pourrait changer la donne: durant le stationnement (pour la climatisation ou le chauffage) ou lors des phases de roulage – jusqu’à 40 minutes pour les « méga hubs ».

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