Africa-Press – Benin. C’est la découverte la plus importante faite dans les tombes royales de Tanis depuis 1946. Dans la matinée du 9 octobre 2025, une équipe d’égyptologues de la Mission Française des Fouilles de Tanis (École pratique des Hauts Études – PSL) s’est vue émerveillée face à un ensemble de statuettes funéraires reposant, intactes, sur le sol d’une salle de la tombe du roi Osorkon II, pharaon de la 22e dynastie (vers 850 avant notre ère).
Appelées ouchebtis, ces petites statuettes de forme humaine, au nombre extraordinaire de 225, se trouvaient encore à leur emplacement d’origine, enfouies dans la boue salée accumulée depuis des millénaires et collées les unes aux autres, près d’un sarcophage anonyme en granit rose.
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Un défunt royal jusqu’ici anonyme
L’un des objectifs de la mission était notamment de découvrir l’identité de l’ancien occupant de ce sarcophage, un mystère persistant depuis sa mise au jour en 1939 par l’archéologue français Pierre Montet. « Cela fait des décennies que nous cherchons à savoir s’il s’agit d’un prince ou d’un roi, le pharaon Osorkon II et l’un de ses fils reposant tous les deux dans d’autres salles de la tombe », a expliqué lors d’une conférence de presse Frédéric Payraudeau, égyptologue à l’université Paris-Sorbonne et directeur de la Mission française des fouilles de Tanis. « Nous avons désormais la réponse grâce à ces statuettes. »
Les tout premiers ouchebtis lors de leur découverte, qui apparaissent ici encore collés les uns avec les autres. Crédits: Mission Française des Fouilles de Tanis de l’EPHE-PS/Simone Nannucci
Toutes portaient en effet le même cartouche contenant le nom du mort qu’elles accompagnaient: le pharaon Chéchonq III (830-791 avant notre ère), que l’on connaît pour les nombreuses constructions qu’il fit réaliser à Tanis. Une surprise pour les archéologues, puisque Chéchonq III possède déjà une tombe à son nom sur le site, répertoriée sous le nom de « tombe n°V ». « Il est donc possible qu’il n’ait finalement jamais été inhumé dans ce que l’on pensait jusqu’ici être son tombeau, au profit de cet enterrement dans la tombe de son prédécesseur Osorkon II », suppose Frédéric Payraudeau.
Tout comme l’identification des statuettes, de nouvelles inscriptions dans la chambre funéraire confirment par ailleurs que ce pharaon est bien le propriétaire du sarcophage et des vestiges du mobilier funéraire – des fragments de poteries et de perles, notamment – encore présents dans ce qui constitue une anti-chambre du tombeau d’Osorkon II.
Rien de tel « depuis Toutankhamon »
« En commençant les fouilles, nous n’avions même pas l’espoir de retrouver une breloque », a confié le chercheur avec le sourire. « Finalement, nous n’avons jamais rien trouvé d’aussi extraordinaire à Tanis depuis 1946. »
La découverte a été effectuée lors de travaux préliminaires du programme de conservation de la nécropole royale, qui comprend la construction d’un nouveau toit, le nettoyage des tombes et la restauration de leurs parois. Crédits: Mission Française des Fouilles de Tanis de l’EPHE-PS/Frédéric Payraudeau
Tanis, site du nord-est du delta du Nil, fut la capitale politique de l’Égypte durant les 21e et 22e (vers 1069–715 av. J.-C.), période dite Troisième Période intermédiaire, et jusqu’en 660 av. J.-C. environ. Fondée à l’image de Thèbes dans un souci de renouveau du pouvoir, elle comprenait un vaste complexe funéraire attenant au grand temple d’Amon qui avait pour vocation de « remplacer » la Vallée des rois, victimes de pillages bien trop fréquents à l’époque. Ainsi, les tombes royales de Tanis ont été découvertes au milieu du 20e siècle intactes ou presque, ce qui est exceptionnel en Égypte, où la plupart des sépultures royales ont été visitées et vidées de leurs objets précieux dès l’Antiquité.
Reposant dans des niveaux archéologiques inférieurs à ceux fouillés par Pierre Montet, elles avaient donc échappé à la vigilance des pilleurs venus dans le tombeau d’Osorkon II, « probablement à l’époque romaine », selon les chercheurs.
Des statuettes au service du roi
Un tel lot d’ouchebtis, qui servaient au défunt de « petits serviteurs » dans l’au-delà, n’a pas d’équivalent dans cet état et dans cette proportion « depuis Toutankhamon » , a assuré au micro Laurent Coulon, égyptologue spécialiste de la religion et des rites funéraires et membre du Collège de France. Et ce, même s’il est souvent admis que le pharaon disposait d’une statuette différente par jour, laissant entendre que 365 personnages étaient déposés dans sa tombe. « En réalité, on n’en a jamais trouvé autant », nuance Frédéric Payraudeau.
Un ouchebti après son nettoyage. Crédits: Mission Française des Fouilles de Tanis de l’EPHE-PS/Frédéric Payraudeau
Fait étonnant pour les chercheurs: la série retrouvée à Tanis compte une majorité de figures féminines, contre une plus petite proportion de figures masculines. « Les ouchebtis représentant des femmes n’apparaissent qu’à la fin du Nouvel Empire et sont assez rares. Ce fut donc une vraie surprise pour nous de constater qu’elles se trouvaient en plus grand nombre que les hommes. »
Actuellement stockées dans un entrepôt pour assurer, durant ces premiers jours hors du milieu dans lequel elles sont restées près de trois millénaires, leur bonne conservation, les statuettes devraient sans doute rejoindre à terme le musée égyptien du Caire, place Tahrir, au Caire.





