Africa-Press – Benin. Dans le cas d’une parthénogenèse (ou naissance vierge), un gamète non fécondé par un mâle se divise et devient un embryon. Des femelles peuvent ainsi donner naissance à des bébés sans fécondation.
Ce phénomène très particulier et intrigant se produit chaque année dans un aquarium italien chez des femelles requins issues d’une espèce fortement menacée. Et si cette nouvelle peut à priori paraître positive, elle ne l’est en réalité pas tant que cela…
Des requins qui se reproduisent sans fécondation en Italie
Si la parthénogenèse obligatoire (un mode de reproduction asexuée où les femelles produisent des descendants sans fécondation par un mâle et est la seule méthode de reproduction pour l’espèce) est extrêmement rare dans la nature (environ 100 vertébrés et environ 1000 invertébrés répertoriés), il en existe d’autres types qui ont été décrits dans tous les taxons de vertébrés à l’exception de chez les mammifères, notamment une quinzaine chez les requins et les raies.
Malgré cela, des chercheurs ont tout de même été surpris de découvrir pour la première fois ce phénomène chez deux émissoles lisses (Mustelus mustelus), des requines de dix-huit ans issues de cette espèce fortement menacée par la pêche illégale (et notamment les prises accessoires de juvéniles) qui évolue habituellement dans des eaux chaudes telles que la Méditerranée et qui vivent dans l’aquarium de Cala Gonone (Sardaigne, Italie) depuis 2010.
On parle ici de parthénogenèse facultative, ce qui signifie que ces femelles peuvent aussi bien avoir recours à une reproduction asexuée que s’en remettre à un mâle pour la fécondation lorsque l’un d’eux est disponible. Ce phénomène est courant en cas d’environnement stressant ou changeant. Et « bien que les mécanismes à l’origine de la parthénogenèse restent flous, il est suggéré que la réduction de la population de mâles pourrait être un facteur déterminant », affirment les scientifiques. Ces deux requins ont ainsi donné naissance à trois bébés à elles seules en 2020, en 2021 et en 2023 sans entrer en présence du moindre mâle en treize ans.
Une incertitude rapidement levée sur les requins
Les scientifiques n’ont pas été tout de suite convaincus qu’il s’agissait de naissances sans fécondation. En effet, les requins peuvent parfois conserver du sperme longtemps dans leur tractus génital (trois mois habituellement pour cette espèce, mais d’autres requins et raies peuvent le faire jusqu’à 45 mois). L’équipe a donc préféré mener des tests génétiques pour lever tout doute sur une potentielle fécondation. Elle a alors découvert l’absence de gènes non maternels chez les requineaux.
« Ce qui est remarquable, c’est que cette découverte révèle que la parthénogenèse peut se produire annuellement chez ces requins en alternance entre deux femelles et exclut le stockage à long terme du sperme comme cause. En conséquence, cela améliore notre compréhension de la parthénogenèse chez les Elasmobranchii [la sous-classe de Chondrichthyes qui regroupe les requins et les raies, NDLR] et souligne la souplesse reproductive de M. mustelus », rapportent les chercheurs dans leur étude publiée dans Scientific Reports le 26 juillet 2024.
La parthénogenèse chez cette espèce rare: pas une si bonne nouvelle qu’on pourrait le croire
Comme le rappelle le rapport, certains reptiles, requins ou raies « peuvent modifier leur stratégie adaptative » de reproduction « en fonction des circonstances environnantes ». On a ainsi déjà pu découvrir ce phénomène chez des animaux en captivité, en particulier chez le requin-zèbre, l’holbiche ventrue ou encore la raie léopard. Cependant, dans la nature, les naissances vierges se retrouvent surtout chez les espèces dont la population est en déclin. Cela permet donc de facilement comprendre la découverte de parthénogenèses chez les émissoles lisses dont les populations ont été réduites de plus de moitié sur les cinquante dernières années.
L’étude de cas comme ceux en Italie est en tout cas essentielle pour mieux comprendre les dynamiques au sein de populations en danger pour les aider à survivre, surtout que le suivi est moins aisé dans la nature. « Comprendre les paramètres reproductifs tels que la fécondité, la maturité sexuelle et la longévité est très important pour la gestion et la conservation des espèces. Les aquariums jouent donc un rôle crucial pour faire avancer notre connaissance des normes de la parthénogenèse chez les élasmobranches, autrement plus difficile chez les animaux en liberté », expliquent les chercheurs qui insistent sur l’importance des requins pour l’équilibre et la stabilité à long terme des écosystèmes marins.
L’équipe se garde toutefois de se réjouir de la découverte de naissances vierges chez ces animaux. En effet, bien que ces naissances puissent paraître avantageuses au prime abord chez des animaux qui se raréfient, cela peut « conduire à une réduction de la diversité génétique, ce qui exacerbe les défis rencontrés par les requins entre les pressions exercées par la pêche et les longues périodes de gestation. »
En outre, des trois bébés nés par parthénogenèse dans l’aquarium italien, seule la requine née en 2021 est encore en vie. Toutes présentaient des difformités ainsi que des marques de morsures partout sur le corps infligées par les femelles adultes pendant ou après la naissance, potentiellement influencées par leur environnement ou d’autres facteurs. Les chercheurs estiment donc que des recherches supplémentaires seront nécessaires pour mieux comprendre ce comportement.
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