Philippe II de Macédoine Et La Tombe De Perséphone

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Philippe II de Macédoine Et La Tombe De Perséphone
Philippe II de Macédoine Et La Tombe De Perséphone

Africa-Press – Benin. Classé au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1996, le site de Vergina, dans le nord de la Grèce, comprend un gigantesque tumulus contenant quatre tombes, dont on présume qu’elles étaient occupées par des membres de la famille d’Alexandre le Grand. Mais qui se trouve où, voilà la question, car même si les sépultures ont été mises au jour en 1977 et 1978, seules des observations archéologiques et ostéologiques ont jusqu’à présent été menées – donnant lieu à diverses interprétations contradictoires.

En gros, deux « écoles » s’affrontent, les premiers supposant que le roi Philippe II de Macédoine (382-336 avant notre ère), père d’Alexandre le Grand, ne pouvait se trouver que dans la tombe II, tandis que d’autres ont plus récemment argumenté en faveur de la tombe I. Face à cette incertitude, c’est peu dire que l’on attendait des éléments plus probants. C’est aujourd’hui chose faite grâce à une étude publiée dans la revue Journal of Archaeological Science, qui réalise pour la première fois des analyses génétiques et isotopiques, ainsi que des datations au radiocarbone sur les restes de la première sépulture, surnommée « la tombe de Perséphone ». Ces données permettent d’exclure que Philippe II ait pu l’occuper.

Le père d’Alexandre le Grand, Philippe II de Macédoine, a-t-il été enterré dans la tombe de Perséphone?

C’est en 1977 que le professeur Manolis Andronikos, de l’université Aristote de Thessalonique, fouille le grand tumulus de Vergina, un village de Macédoine, qui au 4e siècle avant notre ère, aurait été l’antique Aigai, la première capitale de la dynastie des Argéades. Les dimensions imposantes du monticule, haut de 12 mètres pour un diamètre de 100, laissent entendre qu’il s’agissait du complexe funéraire des rois macédoniens. Les fouilles ont mis au jour quatre tombes et un heroon (un sanctuaire consacré à un héros) situé à proximité de la première sépulture. Dans la mesure où ce sanctuaire, ainsi que la tombe IV, sont presque entièrement détruits, les recherches se sont focalisées sur les trois premières tombes.

A: Schéma du Grand Tumulus de Vergina. B: Représentation des tombes et du Heroon dans le Grand Tumulus. Crédits: Maniatis et al. 2025 / JAS / Elsevier

Les deux premières tombes posent question

Surnommée la « tombe du Prince », la tombe III ne suscite aucune polémique. Découverte intacte, elle contenait les restes, incinérés dans un récipient en argent, d’un adolescent âgé de 13 à 15 ans, mort vers la fin du 4e siècle avant notre ère. La plupart des chercheurs supposent qu’il pourrait s’agir du fils d’Alexandre le Grand, Alexandre IV (323-309 avant notre ère).

Les deux tombes qui posent question sont donc les deux premières ; l’une a été retrouvée intacte, l’autre, vandalisée. La tombe II est surnommée « tombe de Philippe II » puisque les archéologues à l’origine de sa découverte ont d’emblée conclu qu’elle ne pouvait avoir accueilli que le roi lui-même, avec l’une de ses épouses. Elle contenait en effet les restes incinérés d’un homme et d’une femme déposés dans deux coffrets funéraires dorés, ainsi qu’une multitude de bijoux et d’objets précieux.

Philippe II ne serait-il pas plutôt dans la tombe I?

Cette identité a cependant été remise en cause par l’anthropologue Antonis Bartsiokas, de l’université Démocrite de Thrace, qui attribue cette sépulture au demi-frère d’Alexandre le Grand, Philippe III Arrhidée. Ce faisant, cette désignation impliquerait que Philippe II aurait été inhumé dans la tombe I, en même temps que sa femme, Cléopâtre, et leur nouveau-né, ces derniers ayant été assassinés peu après la mort du roi. Pour appuyer sa théorie, Bartsiokas a fait valoir la présence dans la tombe I de deux ossements (un fémur et un tibia) qui auraient appartenu à Philippe II.

L’analyse méticuleuse de tous les éléments retrouvés dans la tombe telle qu’elle est réalisée dans la présente étude vise en particulier à réfuter cet argument.

La tombe a été pillée au 3e siècle avant notre ère

Alors que les tombes II et III sont des chambres voûtées, la première est de construction plus simple puisqu’il s’agit d’une ciste – une structure rectangulaire en pierre. Sa particularité lui vaut son surnom, puisque les murs sont ornés de fresques représentant des épisodes de la mythologie, dont l’enlèvement de Perséphone par Hadès. Outre ces peintures, il ne reste plus grand-chose pour témoigner du faste de la sépulture puisqu’elle a été pillée, sans doute en 274 avant notre ère, par des mercenaires celtes recrutés par Pyrrhus lors de l’invasion de la Macédoine. Les historiens racontent en effet que les Galates ont alors profané les tombes royales, volé les objets de prix et dispersé les ossements. Heureusement, ils n’ont pas tout emporté de la tombe de Perséphone.

Deux moments funéraires distincts

Dans la chambre et sur son toit, les archéologues ont pu récupérer de nombreux ossements humains, mais aussi de petits récipients en céramique, des morceaux de bijoux comme des perles et des bouts de métaux précieux qui ont dû tomber dans la précipitation. Parmi les ossements, les chercheurs distinguent ceux d’un homme, d’une femme et de plusieurs nouveau-nés. Les datations radiocarbone indiquent une période comprise entre 400 et 350 pour tous les ossements adultes, tandis que les ossements d’enfants « datent de plus de deux siècles après. Leurs dates calibrées se situent au cours de la période romaine, entre 150 avant notre ère pour la plus ancienne et 130 de notre ère pour la plus récente », constatent les auteurs dans le Journal of Archaeological Science. Voilà donc qui indique deux moments funéraires complètement distincts.

L’homme est mort plus jeune et avant Philippe II

La datation de l’inhumation de l’individu masculin invalide également la théorie selon laquelle il pourrait s’agir de Philippe II. D’autant qu’il était âgé de 25 à 35 ans au moment de son décès et qu’il mesurait environ 1,67 mètre – alors que le roi de Macédoine est mort vers 45 ans. Les analyses des isotopes du carbone et du strontium contenus dans ses os et l’émail de ses dents indiquent également qu’il est né à Vergina, mais s’est déplacé pendant son enfance. L’ensemble de ces résultats « excluent toute association de cette sépulture avec Philippe II de Macédoine, puisque cet individu est mort et a été enterré entre 388 et 356 avant J.-C., soit plusieurs décennies avant l’assassinat de Philippe II. Les trois dernières années de cette période se situent au début du règne de Philippe, qui a débuté en 359 avant J.-C., ce qui maintient la possibilité que Philippe II ait ordonné la construction de la tombe et les funérailles de cet individu », précisent les auteurs.

Et même s’ils ajoutent que leur étude n’a pas pour but de rechercher l’identité du défunt, ils semblent pencher pour l’un des frères de Philippe II, Alexandre II ou Perdiccas III qui sont tous les deux morts au cours de cette période.

Les ossements de la femme ont dû être emportés par les pilleurs

Pour ce qui est de la femme, qui était âgée entre 18 et 25 ans au moment de son décès, et qui a probablement passé toute sa vie dans la région de Vergina, les datations radiocarbone sont équivalentes à celles de l’homme, ce qui signifie qu’ils ont été inhumés en même temps. Cette date infirme également la théorie selon laquelle la défunte pourrait être Cléopâtre, la dernière épouse de Philippe II.

La parcimonie de ses restes intrigue cependant les chercheurs. En guise d’explication, ils supposent qu’ »elle portait très probablement beaucoup d’ornements, de l’or, de l’argent et d’autres bijoux sur tout son corps, comme on en trouve des descriptions pour d’autres sépultures dans cette même région, de sorte que les pilleurs ont pu, à la hâte, mettre tous ses os avec les ornements dans un sac qu’ils ont emporté avec eux, en laissant tomber certains dans le processus. S’ils n’ont pas fait de même pour l’homme, c’est sans doute parce que son corps n’était pas aussi richement décoré, à l’exception peut-être de la partie supérieure de son squelette, qu’ils ont jetée. »

Le sommet de la Tombe I pendant la fouille. A: Telle qu’elle a été trouvée avec l’ouverture des pilleurs délibérément recouverte d’un tas de pierres à une époque inconnue. B: Après l’enlèvement de la pile de pierres, montrant le trou ouvert par les voleurs dans le 4e bloc de couverture. Crédits: Maniatis et al. 2025 / JAS / Elsevier

La tombe a été réutilisée par les Romains

Les ossements de nouveau-nés, on l’a vu, ne datent pas de la même période que les défunts adultes, et donc ne correspondent pas non plus à l’enfant de Philippe et de Cléopâtre. Les chercheurs dénombrent d’ailleurs au moins six enfants, ce qui les amène à penser que la tombe de Perséphone a servi de caveau pour les morts en bas âge pendant la période romaine.

La sépulture avait en effet été ouverte en deux endroits par les pilleurs, mais sa réutilisation est un fait nouveau, car les fouilles ont révélé qu’elle avait été scellée par un amas de pierres, puis protégée par la construction du monticule de terre vers le milieu du 3e siècle avant notre ère. « Le terminus ante quem, date à laquelle toute activité humaine dans la tombe s’est arrêtée, date de 130, analysent les chercheurs. Il est très probable que la tombe I, située à la périphérie du Grand Tumulus, ait été partiellement exposée à l’époque romaine en raison de l’érosion du sol ou d’un autre événement environnemental, et qu’elle soit devenue accessible. Si l’on suppose que les occupants romains n’avaient aucune loyauté, aucun lien ancestral ni aucun intérêt à protéger une tombe pillée et vide, la question de savoir qui a finalement scellé ou rescellé les ouvertures de la tombe reste donc une énigme historique. »

Les soi-disant ossements de Philippe II viennent d’une autre fouille

Si les données recueillies ne nous disent pas l’identité des défunts, elles servent au moins à contrer l’hypothèse selon laquelle Philippe II serait inhumé dans la tombe de Perséphone. Mais qu’advient-il justement des deux os qui servaient à justifier sa présence? Les chercheurs sont très clairs à ce sujet: non seulement ils datent d’une période différente (entre 358 et 173 avant notre ère), mais ils sont « exceptionnellement grands », impliquant une stature d’environ 1,80 mètre, ce qui ne correspond pas aux restes de l’homme inhumé dans la tombe I.

Enfin, l’examen au microscope optique a révélé un numéro d’inventaire indiquant l’année de la fouille (1969), ce qui indique qu’ils proviendraient d’un autre contexte. D’ailleurs, ajoutent les chercheurs, « cette paire de grands os de jambe soudés n’a jamais été vue, photographiée, décrite ou enregistrée par aucun des fouilleurs de la tombe I, ni été observée ou mentionnée par les anthropologues ». Cette pièce rapportée est donc venue troubler le débat autour du tumulus de Vergina, mais peut-être est-ce finalement une bonne chose, puisque cette étude, en l’invalidant, fait avancer la recherche et taire les hypothèses basées sur du vent.

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