Africa-Press – Benin. « Il ne faut pas laisser croire que les personnes atteintes de SOPK sont condamnées ». Principale cause d’infertilité féminine, le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) touche près d’une femme sur dix dans le monde. Paolo Giacobini, directeur de recherche Inserm au sein du Centre de recherche Lille Neurosciences et Cognition, souhaite leur redonner espoir. Dans une publication disponible dans la revue Cell Metabolism, son équipe démontre qu’une exposition à de forts taux d’hormone anti-müllérienne (AMH) juste après la naissance augmente le risque de développer un SOPK à l’âge adulte. En bloquant les récepteurs de l’hormone AMH chez des souris durant ce laps de temps, ils parviennent à empêcher l’apparition du syndrome.
Un ensemble de symptômes variés
Aujourd’hui, l’origine du SOPK est encore débattue par la communauté scientifique. En 2016, Paolo Giacobini et son équipe sont les premiers à mentionner une activité de l’hormone AMH en dehors de l’ovaire. L’une des fonctions de cette hormone est notamment de réguler la croissance des follicules ovariens: ces petits amas de cellules qui contiennent les ovules. « En 2016, on a montré que l’AMH remonte aussi au niveau de l’hypothalamus, dans le cerveau, pour stimuler les neurones producteurs d’hormones GnRH (pour Gonadotropin Releasing Hormone) qui sont les véritables chefs d’orchestre de la fonction de la reproduction”, rappelle le chercheur.
Schéma de l’appareil génital féminin présentant un ovaire à l’aspect polykystique. Crédits: VERONIKA ZAKHAROVA / SCIENCE PHOTO / VZA / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP
La GnRH stimule la production et sécrétion des hormones hypophysaires LH (hormone lutéinisante) et FSH (hormone folliculostimulante) qui contrôlent la fonction de l’ovaire et la production d’hormones sexuelles. Lorsque la LH est libérée en excès, elle peut entrainer une forte production d’hormones androgènes, à l’origine de plusieurs symptômes du SOPK.
Pour être diagnostiquée d’un SOPK, il faut reconnaitre au moins deux symptômes. La présence d’un ovaire avec une morphologie polykystique, bien qu’il ne s’agisse pas de véritables kystes, mais d’une accumulation de follicules immatures sur l’ovaire. Le malnommé SOPK est souvent à l’origine de troubles du cycle menstruel, voire d’une aménorrhée (absence de règles), un trouble de l’ovulation qui provoque de l’infertilité. La surproduction d’hormones androgènes, en particulier la testostérone, peut entrainer une hyperpilosité, voire de l’hirsutisme, de l’acné et de l’alopécie (chute de cheveux). Ou encore la surproduction d’AMH par l’ovaire.
Mis à part ces critères diagnostiques, des symptômes métaboliques tels qu’une obésité ou un surpoids, une insulinorésistance et des taux élevés d’insuline sont souvent associés au SOPK.
Un excès d’hormones qui peut reprogrammer le fœtus
Entre 2018 et aujourd’hui, les recherches de l’équipe lilloise ont montré les premiers résultats montrent qu’une exposition prénatale à un fort taux d’hormone AMH prédispose à une descendance féminine susceptible de développer un SOPK à l’âge adulte. Dans leur dernière publication, l’équipe conclut que chez la souris, même après la naissance, une exposition excessive à l’hormone AMH peut programmer la petite femelle à développer le syndrome à l’âge adulte.
« Cette période est appelée mini-puberté, explique Paolo Giacobini. C’est une phase transitoire clé dans la croissance de tous les mammifères (y compris l’être humain). Elle survient dans les premiers jours ou les mois suivant la naissance, selon les espèces. Pendant cette période, on observe une stimulation des neurones qui produisent l’hormone GnRH. Cela entraîne une augmentation de la production d’hormones sexuelles. »
Les chercheurs ont administré trois injections d’AMH aux souris durant cette période pour simuler une exposition anormalement élevée à cette hormone. Ces souris ont développé un SOPK à l’âge adulte. Ils émettent alors l’hypothèse qu’en bloquant cette hyperproduction d’AMH, il serait possible de prévenir voire de traiter des symptômes du SOPK.
Pour cela, ils ont développé un nouvel anticorps, nommé Ha13, afin d’obstruer les récepteurs de l’hormone AMH dans les ovaires et sur les neurones qui produisent la GnRH. Ce traitement a ensuite été administré à deux groupes de souris, les unes durant leurs mini-puberté, les autres à l’âge adulte.
Résultat: « Administrés lors de la mini-puberté, ces bloqueurs de l’action de l’hormone AMH ont eu un effet préventif: les souris du premier groupe n’ont pas développé les principaux symptômes du SOPK plus tard dans leur vie. Et chez les souris adultes qui en souffraient déjà, les anticorps ont permis de les faire reculer: les cycles, l’ovulation et les taux d’androgènes sont revenus à la normale, ce qui suggère très probablement que la fertilité est améliorée », raconte Paolo Giacobini.
Prévenir et atténuer le SOPK chez la souris
Efficace chez les souris, cette perspective de traitement est prometteuse pour les personnes atteintes d’un SOPK. Un obstacle persiste néanmoins, « en ce qui concerne les êtres humains, l’administration du traitement lors de la mini-puberté n’est pas possible dans l’immédiat, puisque le diagnostic du SOPK survient seulement après les premières règles”. De plus, les chercheurs n’ont aucune idée de ce que fera le blocage de l’hormone AMH à long terme. Si ses récepteurs ne se trouvent finalement pas seulement dans l’ovaire mais aussi dans le cerveau, elle pourrait aussi agir sur d’autres organes. « On ne veut pas risquer de soigner un trouble et en induire un autre !”, précise Paolo Giacobini.
« Le SOPK a une cause héréditaire mais cela ne suffit pas à expliquer sa fréquence”
Le SOPK reste encore très mal connu. « Le SOPK n’est pas une maladie, mais il s’agit d’un syndrome, c’est-à-dire un ensemble de symptômes avec des manifestations diverses et variées selon les individus, rappelle Paolo Giacobini. Le spectre phénotypique est très différent d’une personne à l’autre.”
Ce faisceau de symptômes multifactoriels rend la recherche d’une origine unique à ce syndrome difficile. Pour le chercheur, cet ensemble de facteurs hormonaux, métaboliques entrent en jeu en synergie avec des prédispositions génétiques et des expositions environnementales: « Le SOPK a une cause héréditaire mais cela ne suffit pas à expliquer sa fréquence, puisqu’il touche une femme sur dix. »
De plus en plus de services hospitaliers proposent un suivi de ce syndrome. Paolo Giacobini et son équipe invitent les personnes qui en souffrent à s’y faire suivre par des spécialistes qui vont être à l’écoute des patientes et proposer des solutions pour chaque symptôme, même l’infertilité.
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