Minéraux Critiques: L’Europe Renforce Sa Position En Afrique

Minéraux Critiques: L'Europe Renforce Sa Position En Afrique
Minéraux Critiques: L'Europe Renforce Sa Position En Afrique

Emiliano Tossou

 

Africa-Press – Burkina Faso. 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques se trouvent en Afrique. Ce potentiel vaut au continent l’intérêt de plusieurs grandes puissances. Si la Chine reste encore un acteur dominant dans la région, de nouveaux acteurs émergent avec plus ou moins de succès.

La Commission européenne a inscrit la semaine dernière 13 nouveaux projets à sa liste d’initiatives stratégiques pour diversifier l’approvisionnement de l’Union en minéraux critiques. Parmi les 60 projets figurant désormais sur cette liste, quatre sont situés en Afrique. Si Bruxelles affiche ainsi un intérêt croissant pour le continent, elle doit s’investir davantage pour espérer faire du continent un allié dans son approvisionnement en métaux.

Ce que l’Europe met sur la table

Sur les quatre projets africains figurant sur la liste des projets stratégiques en vertu de la Loi européenne sur les matières premières critiques (CRMA), deux concernent les terres rares. Il s’agit de la future mine Songwe Hill (Mkango Resources) au Malawi et celle de Zandkopsdrift (Frontier Rare Earths) en Afrique du Sud. Songwe Hill peut livrer annuellement 8425 tonnes de carbonate de terres rares sur 18 ans. Quant à Zandkopsdrift, son propriétaire Frontier Rare Earths veut produire 17 000 tonnes de terres rares par an, dont 4 000 tonnes de terres rares magnétiques.

À Madagascar, Evion Group développe le projet Maniry et vise une production de 35 à 45 000 tonnes de graphite au cours des trois premières années, puis 50 à 60 000 tonnes par an par la suite. Le dernier projet retenu est une raffinerie de cobalt en gestation en Zambie. Kobaloni Energy veut y produire annuellement 6000 tonnes de cobalt sous forme de sulfate, composant clé des batteries électriques, avec la possibilité de doubler cette capacité à terme.

Ces projets, désormais inscrits sur la liste stratégique de l’UE en vertu de la CRMA, peuvent solliciter un appui financier auprès d’un sous-groupe dédié. Ce dernier réunit des institutions comme la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), des banques nationales de développement et des acteurs privés.

L’UE estime que l’ensemble des projets figurant actuellement sur la liste nécessiterait un investissement global de 5,5 milliards d’euros, soit 6,3 milliards $. En échange de son soutien à leur développement, Bruxelles table sur des engagements contractuels assurant que tout ou partie de la production de ces projets soit prioritairement destiné au marché européen.

Proposer davantage pour devenir moins marginal

L’Afrique héberge environ 30 % des réserves mondiales de minéraux critiques et l’UE y voit une opportunité pour réduire sa dépendance et diversifier ses fournisseurs. Mais Bruxelles doit non seulement composer avec d’autres acteurs comme la Chine, les États-Unis et les États du Golfe, mais aussi des attentes grandissantes des pays africains en matière de contenu local.

Qu’il s’agisse de la RDC avec le cobalt et le cuivre, du Zimbabwe avec le lithium, ou de la Namibie avec le lithium et les terres rares, les pays miniers africains accordent de plus en plus d’attention à la transformation locale et au contenu local en général. Ces dernières années, plusieurs pays du continent ont ainsi interdit l’exportation de minéraux non transformés et cherchent activement des investissements et partenariats pour développer des raffineries et usines de traitement. Dans ce contexte, l’European Council on Foreign Relations (ECFR) estime que Bruxelles devra adapter son approche pour atteindre ses objectifs.

Pour l’économiste Theophilus Acheampong, auteur d’un rapport de l’ECFR paru en décembre 2024, « le respect des réglementations en matière de contenu local est non négociable », si les acteurs européens veulent accéder aux minéraux critiques africains. Cette question est reprise dans un second rapport publié en mai 2025, où l’auteur invite Bruxelles à repenser ses outils.

Intitulé Too Clean to Compete: Why Strict Standards Keep Europeans Out of African Minerals, le document recommande en priorité d’intégrer l’extraction de minéraux critiques dans la taxonomie de la finance durable européenne. Aujourd’hui, le fait que l’extraction minière soit exclue de ce cadre limite l’accès aux financements publics et privés, alors même que la transition énergétique européenne dépend de ces matières premières.

Le rapport critique aussi l’effet dissuasif du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM) sur la transformation locale. En pénalisant les exportations africaines de produits miniers transformés, l’UE décourage les investissements africains et européens dans la valeur ajoutée locale. Pour gagner en importance sur le continent, l’Union devra donc non seulement financer davantage, mais aussi mieux écouter.

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