Africa-Press – Burkina Faso. C’est un tableau étrange et pourtant si familier. Quelque part sous l’eau des côtes de la Méditerranée, deux alcynes chevalines (Actinia equina) se battent à grands coups de tentacules urticants ; de l’autre côté du rocher où s’affronte les deux anémones rouge vif, une zone riche en nourriture que les deux animaux se disputent. Une situation qui se répète chaque seconde dans le monde entier, des rapaces aux fourmis en passant par les crevettes et les fauves.
Mais que comprend-on réellement des conflits entre animaux? Telles sont les questions posées par une nouvelle étude de l’Université de Minas Gerais (Brésil), publiée le 16 juillet 2025 dans la revue Trends in Ecology and Evolution, en se penchant sur la méthodologie des études de conflits entre animaux.
« Nous avons longtemps travaillé avec d’autres spécialistes, et à chaque fois qu’il était question de conflits entre animaux, il était toujours uniquement question de la durée des combats, raconte auprès de Sciences et Avenir Paulo Enrique Cardoso Peixoto, biologiste comportementaliste à l’Université de Minas Gerais (Brésil) et co-auteur de l’étude. Cela n’avait pas beaucoup de sens pour nous, et en examinant les différentes études déjà effectuées, nous avons réalisé qu’il n’y avait tout simplement pas de définition du coût d’un affrontement.”
Des mêmes blessures négligeables pour les uns, dramatiques pour les autres
Ressources, défense, abris, reproduction, territoire… Dans la nature, les raisons de se battre sont bien connues et ne manquent pas. Mais au-delà des gains, c’est souvent le coût d’un affrontement qui pousse un animal à choisir de combattre ou non.
Mais qu’est-ce qu’un coût, exactement? De la simple perte d’énergie à la mort en passant par diverses blessures, les coûts d’une altercation rassemblent toutes les conséquences métaboliques qu’un animal risque de subir en se battant (perte d’énergie, blessures, perte de ressources…). Mais si cette définition peut sembler simple au premier abord, elle rassemble en réalité des paramètres parfois très différents selon les espèces et le type de conflit concernés.
Par exemple, si les papillons mâles Heliconius charithonia s’affrontent pendant des jours sans jamais se toucher pour espérer se reproduire, les femelles hyènes tachetées (Crocuta crocuta) doivent, quant à elles, régulièrement défendre leur place dans leur groupe à coups de crocs.
De même, si certaines blessures sont considérées comme négligeables pour la plupart des espèces, elles peuvent devenir dramatiques pour certaines espèces si elles impactent leurs capacités à se reproduire. Comment chanter, danser ou affronter ses rivaux, si un précédent combat vous a coupé une patte, une corne, ou privé d’une partie de votre plumage? Car si perdre une pince ou des bois est l’affaire d’une saison gâchée pour une crevette ou un cerf, la blessure sera autrement plus grave pour un scarabée brisant sa corne ou un oiseau de paradis estropiés.
Encore vivants mais incapables d’effectuer leur parade nuptiale, ils perdront définitivement toute chance de transmettre leurs gènes. « Ce qui est considéré comme un coût intéressant à mesurer pour une espèce ne le sera pas forcément pour une autre, souligne Paulo Enrique Cardoso Peixoto, donc la première étape d’une étude est d’abord de déterminer quel est le meilleur coût à mesurer, et c’est très difficile ! »
« Différents individus appartenant à une même espèce peuvent employer des stratégies diverses »
En plus de l’absence de définition des coûts, l’étude de l’Université de Minas Gerais a également souligné l’absence de protocoles standardisés par espèce. Ainsi, plusieurs études concernant une même espèce vont parfois utiliser des mesures très différentes, rendant difficile la comparaison des résultats.
“Il y a une grande variation dans les mesures prises par les chercheurs, explique Paulo Enrique Cardoso Peixoto. La variabilité n’est pas forcément un mal, mais le manque de standardisation de nos méthodes nous empêche de savoir s’il existe un coût moyen (des conflits, ndlr) entre plusieurs espèces ou d’étudier les variations chez une seule espèce.”
De même, la majeure partie des études se focalisant sur les coûts de conflits isolés, peu d’informations sont disponibles pour connaître leur impact à travers le temps. Car si certains coûts peuvent avoir des conséquences temporaires, d’autres peuvent mettre plus longtemps à se résorber ou même entraîner des handicaps irréversibles.
Cependant, en identifiant les coups spécifiques d’une espèce et en mettant en place des protocoles standardisés, l’étude suppose que les chercheurs pourraient étudier les conséquences de conflit à plus long terme.
« On a récemment compris que différents individus appartenant à une même espèce peuvent employer des stratégies diverses. Certains deviennent plus agressifs avec le temps, ou au contraire, commencent leur vie en étant très offensifs, mais deviennent plus prudents, explique Paulo Enrique Cardoso Peixoto. C’est en comprenant comment différents facteurs ont affecté ces sujets (au cours de leur vie, ndlr) que nous pourrons mieux comprendre comment la pression de sélection (le contexte environnemental dans lequel l’animal a évolué, ndlr) a affecté leurs choix de stratégie. »
“En reliant les impacts de plusieurs conflits au succès reproductif, nous pourrions comprendre comment différents contextes et environnements favorisent les décisions stratégiques de plusieurs espèces, a-t-il précisé dans un communiqué. Cette connexion nous permettrait d’obtenir une meilleure idée de la dynamique évolutive des conflits entre animaux et des compromis que les individus ont à faire.”
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