Africa-Press – Burkina Faso. Le président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a reçu le 3 août 2021, au palais présidentiel les meilleurs élèves des écoles primaires, post-primaire et secondaire du Burkina. Une sélection de 99 élèves méritants selon la moyenne obtenue aux diplômes nationaux du certificat d’études primaires (CEP), du brevet d’études du premier cycle (BEPC), du certificat d’aptitude professionnelle (CAP), du brevet d’études professionnelles (BEP), du baccalauréat de l’enseignement général, du baccalauréat technologique et professionnel.
C’est la 5e édition de cette distinction scolaire qui veut enseigner aux enfants que le travail paie, et que l’excellence est une valeur républicaine. Mais les palmarès de cette édition ne montrent-ils pas aussi certains défauts de notre système éducatif ? Pourquoi certaines régions du pays ne sont-elles pas arrivées à obtenir un seul lauréat ?
Y’ a-t-il une égalité des chances pour tous les enfants d’être un jour félicités par le président du Faso ? Quel est le nombre d’enfants de paysans analphabètes lauréats à cette cinquième édition ? Les écoles du public et du privé offrent-elles les mêmes chances aux candidats des diplômes nationaux ? Après les récompenses du 3 août, que fait le pays pour ses enfants méritants surtout ceux qui ont obtenu le bac ? La méritocratie n’a-t-elle pas sa place aussi dans le monde du travail, des affaires ?
Ce n’est pas anodin de récompenser les meilleurs, au cœur du pouvoir, au palais de Kossyam, et par le président lui-même, qui remet à chacun ses lauriers. C’est mettre en scène une République qui récompense chacun en fonction de ses efforts et de ses talents. C’est dire aux élus du jour que le palais où ils sont est celui des méritants. C’est l’antithèse d’un pouvoir « mouta mouta », où les dirigeants sont choisis par copinage, ou par les liens familiaux.
La journée de l’excellence scolaire a été instituée sous la présidence de Roch Marc Christian Kaboré, et c’est une bonne action que le pouvoir peut revendiquer. Il n’est pas superflu de dire aux politiciens que cette journée doit continuer et vivre longtemps quel que soit le pouvoir qui viendra, car l’école est attaquée. Les études, l’esprit scientifique, et les mérites individuels sont vilipendés par des sorciers de l’obscurantisme sur les réseaux sociaux. Nous ne gagnerons la bataille du développement que par l’éducation, l’instruction, et l’expansion de la culture scientifique. Un des outils pour avancer sur ce chemin est de mettre l’excellence dans le cœur et l’esprit des enfants.
Cette journée d’excellence scolaire a récompensé aussi les meilleurs élèves diplômés avec un handicap visuel, auditif, autiste. Au total, ce sont quinze élèves handicapés récompensés provenant d’établissements de la région des Hauts Bassins et du Centre. L’éducation inclusive est loin d’être présente partout au Burkina.
Quand on examine le nombre de personnes primées au CEP et leur région d’origine, on a une idée de l’injustice sociale et régionale de notre système éducatif. L’enseignement primaire est censé être celui qui existe dans toutes les 14 régions du pays. Dix régions du pays sont dans le noir, où les écoles n’ont pas pu avoir des élèves ayant une moyenne de 9,55. Seulement quatre régions du pays sont représentées au palmarès du CEP. Ce sont : les Cascades (01), le Centre ouest (01), le Plateau central (02), le Centre est (04) et le Centre (04) avec les deux premiers venant de la capitale.
En regardant les noms des écoles d’origine, les primés semblent provenir de l’enseignement privé. Il serait intéressant de savoir combien d’enfants il y avait dans les classes du privé où les enfants ont eu les meilleures moyennes. L’effectif par classe doit être inférieur à ceux des écoles publiques sans aucun doute. La surreprésentation des écoles primaires privées de 75 % de lauréats montre que l’argent est un facteur qui intervient dans le succès scolaire.
Au BEPC, les écoles privées sont représentées à 80%, et c’est le PMK qui sauve la mise du public. Ce n’est qu’au Bac C, que l’enseignement public relève la tête avec 80% de lauréats. Cela s’explique par le fait que les élèves ne sont pas nombreux à postuler pour la 1ère C, ce qui fait que les écoles privées n’ouvrent pas des classes de première et terminale C qui ne sont pas rentables à leurs yeux.
L’État a fait un effort avec l’ouverture des lycées scientifiques avec internat ces dernières années, qui font que l’enseignement public est en tête seulement dans cette série au baccalauréat de l’enseignement général. Dans les séries de baccalauréat technologique comme la F2 et la F1, et beaucoup de filières du baccalauréat professionnel industriel les lauréats sont du public. Pour des questions de rentabilité, l’enseignement privé est peu présent dans ces filières.
Élève méritant et parent pas pauvre
Les écoles privées ont des frais de scolarité plus élevés qu’au public, et tous les enfants n’y ont pas accès. Ce sont les parents de certaines classes sociales qui peuvent y envoyer leur progéniture. Des facteurs comme les avantages sociaux et culturels des parents influencent le succès scolaire des enfants dans notre pays, créant une certaine injustice. Ainsi, le mérite récompensé est le fruit de la chance d’être né de parents déjà alphabétisés, instruits, sachant l’importance de l’école et des diplômes obtenus avec de fortes moyennes.
Il y a donc, comme l’a montré Bourdieu, une reproduction sociale, que l’État devrait veiller à corriger, de manière à offrir les mêmes chances de réussite à tous les enfants talentueux. L’État devrait aussi penser à la formation supérieure de ces élèves brillants. Des bourses d’excellence devraient leur être proposées pour qu’ils puissent s’inscrire dans des écoles préparatoires et accéder aux meilleures écoles britanniques, américaines, françaises… Le CIOSP-B ne fait rien pour l’excellence, bien au contraire, il a refusé la bourse à un étudiant burkinabè qui a réussi le concours ultra sélectif de l’École polytechnique de France. Il y a urgence à revoir ce « machin » pour qu’il aide vraiment les étudiants à bien se former, et le pays à obtenir les meilleurs cadres dans les branches scientifiques.
La méritocratie est pour le monde
Bien travailler, exceller est une valeur positive qui vaut pour tout le monde. Ce n’est pas seulement demandé aux enfants. Quand les syndicats dénoncent les fraudes aux examens, concours et tests de recrutement, ils revendiquent la justice, la méritocratie. Quand les marchés publics sont attribués aux entreprises, par des pots de vin, c’est une entrave à la méritocratie qui a d’énormes conséquences. Enseigner aux enfants de cultiver leurs talents et à compter sur le travail est important, quand des marchands d’illusion leur mettent dans la tête que l’école ne sert à rien, ne forme que des chômeurs, et que les riches n’ont pas fait de longues études.
Ces apprentis sorciers qui vendent la paresse et des gris-gris veulent faire croire à nos jeunes que la fortune tombe du ciel, et qu’ils peuvent se vautrer sur un divan, à ne rien faire. C’est vrai, nous avons eu dans notre pays des milliardaires qui n’ont pas fait des études. Mais ils avaient des talents et ils ont travaillé jour et nuit pour devenir ce qu’ils sont. L’instruction vous offre des savoirs qu’on ne peut vous ôter. Vous pouvez perdre votre maison, votre voiture, mais pas ce que vous savez.
Le monde d’aujourd’hui est plus complexe et chacun doit se former davantage pour en tirer le meilleur bénéfice. Les paysans qui ont un sens pratique élevé ont compris que l’alphabétisation est un outil précieux pour manier soit même son téléphone sans recourir à quelqu’un pour composer les numéros. Augmenter la masse critique de scientifiques de haut vol de notre pays est un moyen pour le pays d’être de plus en plus maître de son destin.
Sana Guy