Africa-Press – Burkina Faso. Au fait c’est quand la rentrée des classes au Burkina ? C’est en septembre ou en octobre ? Avec ces années Covid-19, le ministère de l’Éducation nationale et de la promotion des langues nationales nous en met plein la vue avec les changements, réformes et décisions : des années à deux trimestres, l’examen du BEPC sans sujets au choix dans les matières comme l’histoire-géographie et les sciences de la vie et de la terre.
Le ministère pilote en même temps un projet de vaste réforme dont la grande messe, les assises nationales sur l’éducation, n’est pas encore dite. Et enfin, en épilogue des mouvements de protestation du dernier trimestre de l’année scolaire 2021, la fermeture du plus grand lycée du pays. Pourquoi cette fermeture ? L’ouverture du lycée n’est pas envisagée pour l’instant.
Les élèves et leurs parents sont appelés à s’inscrire sur des sites près de chez eux, pour une affectation des élèves dans des établissements publics de leur zone de résidence. Que signifie ce chamboulement des effectifs d’élèves et de professeurs ? Le ministère de l’Éducation, n’est pas le champion de la communication, et l’on se demande quels sont les non-dits de cette mesure que personne n’a vu venir en mai 2021 ?
On ne peut pas reprocher au ministère de l’Éducation nationale, sous la direction du professeur Stanislas Ouaro, de passer inaperçu. Il est souvent sous les projecteurs de l’actualité pour diverses raisons. Le militantisme syndical est l’une des plus importantes.
Ce n’est pas la faute aux premiers responsables du département, les travailleurs de l’éducation sont les travailleurs de la fonction publique les plus nombreux, et peut-être les premiers à être syndiqués dans notre pays : un des syndicats s’appelle syndicat national des enseignants africains du Burkina. Les enseignants sont des militants et les élèves aussi. Sur ce plan, la pédagogie marche, ce qui ne veut pas dire que ce sont les professeurs qui manipulent les élèves comme du côté du pouvoir on aimerait nous voir le dire.
Le troisième acteur de l’éducation, le gouvernement, fait aussi beaucoup pour la popularité du département dans les médias. On a en mémoire, le feuilleton Bassolma Bazié, le responsable des travailleurs de la Confédération générale du travail du Burkina, qui s’est terminé en vaudeville où le conseil de discipline le condamne mais ne le punit pas.
Décision ubuesque qui dit qu’il est coupable, mais n’a fait aucune faute, puisqu’il n’y a pas de peine. S’en est suivi un échange entre le proviseur du Lycée Zinda et le syndicaliste sur les heures d’enseignement du délégué syndical qui a abouti à la démission de Bassolma Bazié de la fonction publique, abandonnant pour une fois une bataille au nom de l’honneur et de la dignité.
Le gouvernement a fait encore parler de lui en décidant, en conseil des ministres le 10 mars 2021, une réforme dans l’organisation des concours et examens scolaires. Cette réforme retire l’organisation du baccalauréat au ministère de l’Enseignement supérieur et supprime les sujets au choix dans les matières d’histoire géographie et sciences de la vie et de la terre au BEPC. Les élèves et certains syndicats d’enseignants ne partageaient pas cette réforme. Ce qui a entraîné des manifestations des élèves et des violences policières.
Des violences de la part des élèves dans certains établissements de Ouagadougou : Philippe Zinda Kaboré et Nelson Mandela. La violence des élèves aurait occasionné d’importants dégâts matériels dont le saccage du bureau et du véhicule du proviseur du Lycée Philippe Zinda Kaboré. Les images présentées aux chaînes de télévision montraient les dommages à l’administration, ordinateurs, documents, la voiture.
Peut-être n’avons-nous pas été assez observateurs, pas de tables bancs ni de tableaux ou de bureaux de professeur détruits. Pourquoi alors le lycée ne peut pas ouvrir à la rentrée prochaine puisque les salles de classes sont intactes avec leurs équipements. La violence policière n’a pas fait de morts côté enseignants, c’est plutôt des élèves qui ont perdu la vie (un à Ouagadougou et une à Kongoussi). La fermeture du lycée dans la foulée des évènements le 24 mai 2021 par le conseil des ministres est audible, mais qu’est ce qui empêche l’ouverture du lycée à la prochaine rentrée ?
La hantise des ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur, ce sont les grèves Le ministre Ouaro est peu disert sur la question et son embarras se voit quand il nous dit que la décision du conseil des ministres du 24 mai 2021 de la fermeture du lycée Zinda a été entérinée le 25 mai 2021 par la gouverneure du Centre. Quel est l’organe le plus important ? Mme la gouverneure du Centre ne répond plus du ministre de l’administration territoriale, mais décide si les décisions du gouvernement sont valables ou pas et les approuve au cas échéant.
Quand les techniciens sont en difficulté, ils ont recours aussi aux statistiques, et le ministre Ouaro, présente la fermeture du lycée comme quelque chose qui va rapprocher l’école des élèves, car plus de 90% des élèves du lycée viennent de la périphérie de Ouagadougou et avec cette décision ils pourront s’inscrire dans des établissements publics proches de leur quartier. Merveilleux, c’est pour réduire les distances à parcourir par les élèves et sûrement leur assurer une plus grande sécurité que le lycée Zinda ferme. C’est même une bonne chose pour tous les Ouagalais car il y’aura moins de vélos et de motocyclettes dans la circulation les matins.
Ce qui est bien avec les statistiques, c’est qu’ils peuvent se retourner contre vous. Le professeur Ouaro a reconnu que le lycée Philippe Zinda Kaboré a fait plus de 48% de succès au BEPC, contre une moyenne nationale de 28% et 49% de succès au baccalauréat, contre une moyenne nationale de 37%. Alors pourquoi fermer un lycée qui est loin d’être le dernier ? En affectant les élèves et les professeurs dans d’autres lycées, pourra-t-on obtenir cette « alchimie » qui fait 48% de succès au BEPC et 49% au baccalauréat ?
La hantise des ministres de l’éducation et de l’enseignement supérieur, ce sont les grèves et les manifestations. Vous avez un ministre heureux, si l’année se termine sans mouvements sociaux des syndicats d’élèves, d’étudiants, d’enseignants. La fermeture du lycée et les affectations des élèves et du personnel est un « traitement » de la grève.
Nos autorités pensent qu’en dispersant les élèves, on divisera le nombre de manifestations et de grèves. C’est un pari improbable si rien n’est fait sur les conditions d’études et de travail des élèves et des enseignants. Le ministère devrait améliorer aussi sa communication avec les enseignants et les élèves. Il devrait faire des efforts pour être sur la même longueur d’onde que les enseignants sur les décisions qu’il prend pour que ceux-ci soient des relais pour expliquer la justesse des décisions aux élèves.
Le ministère de l’Éducation nationale a pris ces dernières années de bonnes décisions comme l’ouverture des lycées scientifiques en internat. Si l’on faisait une étude sur la fermeture des internats et la suppression des bourses, on apprendrait des choses sur la fin de l’école comme ascenseur social dans notre pays. Et si l’école ne vaut rien, et ne mène à rien, n’est-ce pas que les marchands de terreur vont aussi avoir leurs chances auprès des enfants ? Souvenons-nous que les parents analphabètes fouettaient leurs enfants pour qu’ils aillent à l’école tant qu’elle offrait d’égales chances de promotion sociale. Sana Guy