à Ouagadougou, une seconde Biennale de sculpture toute en vitalité

Burkina Faso : à Ouagadougou, une seconde Biennale de sculpture toute en vitalité
Burkina Faso : à Ouagadougou, une seconde Biennale de sculpture toute en vitalité

Africa-Press – Burkina Faso. Bronze, céramiques, textiles, perles, écrans cathodiques, plantes vertes… Il y a abondance de matières exposées à la Biennale internationale de sculpture de Ouagadougou (BISO), au Burkina Faso. De la statuaire en métal bien sûr, mais également des œuvres en bois, en tissu, en plastique, des installations réalisées avec divers matériaux…

Dix-huit artistes représentant dix pays ont été sélectionnés pour cette seconde édition dont les réalisations sont exposées jusqu’au 6 novembre à l’Institut français. Des sculpteurs et plasticiens confirmés, comme Turiya Magadlela et Buhlebezwe Siwani (Afrique du Sud), Pedro Pires (Angola), Mehdi-Georges Lahlou et Mehryl Levisse (Maroc), Ouadiata Traoré (Burkina Faso) ou encore Charly d’Almeida (Bénin), selon Nyaba Léon Ouédraogo, photographe et cofondateur de la BISO.

Avec sa Chimère, le jeune Mauritanien Oumar Ball a remporté le premier prix du jury, qui rentrera dans l’imposante collection de la Fondation Blachère. Une œuvre dont « la scénographie est magnifique et dynamise l’espace, avec un matériau étrange et inattendu » (plaques de métal oxydé, fil de fer…), relève l’artiste internationalement reconnu Barthélémy Toguo, membre du jury.

La hyène tachetée et le vautour

Né dans le village de Bababé sur le fleuve Sénégal, dans le Fouta-Toro, tout au sud de la Mauritanie, Oumar Ball a été élevé par sa grand-mère paternelle car ses parents vivaient à Nouakchott, la capitale. Dès l’enfance, il a été bercé par des contes animaliers que lui racontait son aïeule. Des histoires où la hyène était omniprésente.

« Symbole d’un animal farfelu, gourmand et opportuniste, la hyène tachetée est devenue mon animal préféré avec le vautour, alors qu’ils n’ont jamais été amis depuis que l’histoire existe »

, énonce le trentenaire. Grâce à son père Issa, sculpteur, peintre et photographe amateur qui lui fabriquait ses jouets, Oumar Ball a commencé à faire de même pour les enfants du village, avec des « morceaux de métal, du fil de fer aplati comme des écritures, des cartons et des plastiques colorés ».

Et l’artiste de souligner : « Je n’ai pas fait d’école des beaux-arts, mais j’ai eu la chance de participer à des résidences en Espagne, en France, échanger avec d’autres artistes, apprendre des techniques différentes… Je suis arrivé à Ouagadougou un mois avant l’ouverture de la biennale. Cela m’a permis d’aller dans les marchés récupérer de la tôle rouillée, de la ferraille abîmée par le temps et la vie, afin de jouer sur les nuances. »

« L’idée est arrivée dans un songe »

Kader Kaboré, lui, travaille le bois et les nattes. Ces dernières sont très présentes dans les foyers car elles sont les premiers matelas pour ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir des lits. Le lauréat du prix d’encouragement les tresse, les détresse, les dessine. Passé par l’école Boulle puis l’Ecole nationale supérieure de création industrielle (Ensci), à Paris, le jeune trentenaire natif de Ouagadougou est inspiré par les sculpteurs burkinabé Ky Siriki et sénégalais Ousmane Sow, le plasticien camerounais Barthélémy Toguo, les grands peintres surréalistes (Salvador Dali, Max Ernst, René Magritte, Joan Miró…).

« L’idée de travailler les nattes est arrivée dans un songe. Et dès le lendemain, je suis parti en acheter une au marché. J’aime tout ce qui peut m’emmener en voyage, éveillé ou non. Je suis aussi sculpteur sur bois. Je récupère des pièces dans la nature et les entrepose dans l’atelier. Puis quand elles me parlent, je commence à les travailler »

, relate Kader Kaboré.

Son œuvre, comme la Chimère d’Oumar Ball, illustre cette « aventure ambiguë » qu’ont voulu mettre en scène les organisateurs. Le thème de cette biennale est une référence au roman éponyme de l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane. Dans ce grand classique de la littérature africaine paru en 1961, le héros, Samba Diallo, est envoyé à l’école des Blancs et se retrouve ébranlé entre son héritage peul et la culture européenne. A travers ce thème, les artistes étaient invités à sonder la complexité des identités africaines dans un monde globalisé.

« Il a fallu préparer cette deuxième édition dans un contexte international lourd, tant du point de vue sanitaire que politique et sociétal. Nous voulions exhorter les artistes à explorer ce qu’ils ont dans le ventre »

, souligne Christophe Person, directeur du département d’art contemporain africain au sein de la maison de vente aux enchères Artcurial et cofondateur de la BISO.

« L’art permet d’entrer dans une meilleure compréhension de l’autre. C’est complètement illustré par ce qui se passe dans cette biennale »

, se félicite Anne-Marie Harster, présidente de l’association française Solidarité laïque, très investie dans les domaines de l’éducation, de la citoyenneté et des droits humains, et partenaire engagé de l’événement.

« Une famille s’est créée »

L’un des moments forts de la BISO fut les résidences où les artistes ont préparé leurs œuvres avant l’ouverture de la biennale. « Les séjours s’étalaient d’une semaine à un mois, selon la nature des œuvres réalisées. Parmi les dix-huit artistes sélectionnés, seize ont été en résidence à Ouagadougou : dans leurs ateliers pour les Ouagalais, à l’Institut français, au studio Hamed Ouattara, au Centre national des arts pour les internationaux », précise Louise Thurin, responsable des résidences d’artistes.

« La sculpture est une forme d’expression qui vient avec ses contraintes. De façon un peu contre-intuitive, c’est par souci de praticité que nous avons envisagé d’offrir aux artistes la possibilité de concevoir et de produire les œuvres sur place. Pendant une ou plusieurs semaines, des personnes qui ne se connaissaient pas ont créé ensemble. Elles ont été confrontées au pays, à ses richesses et à ses difficultés. Une famille s’est créée »

, détaille Christophe Person.

Enfin, la biennale off, coordonnée par le designer et plasticien Hamed Ouattara, a été un catalyseur pour stimuler les énergies locales qui se sont mobilisées pour présenter plus d’une centaine d’artistes dans quinze lieux de création et d’exposition. Une présence qui renforce le dynamisme des réseaux d’artistes de la ville et leur visibilité au niveau national et international.

Suite à la première édition de la BISO en 2019, quelques artistes du off sont entrés dans le in cette année. C’est le cas d’Yveline Tropéa, de Sahab Koanda, de Kader Kaboré ou d’Abou Sidibé. D’autres ont été repérés et ont eu accès à des galeries parisiennes.

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