Africa-Press – Burkina Faso. À Paris, le salon à ciel ouvert, Parcours des mondes, a réuni une soixantaine de galeries spécialisées dans les arts des cinq continents.
La rentrée dans le quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés se fait sous le signe des arts premiers. Du 5 au 10 septembre, cette foire à ciel ouvert a mis en avant les objets anciens, africains, asiatiques, océaniens, aborigènes… Au fil du temps, depuis 2002, cet événement, joliment appelé Parcours des mondes, est devenu le plus grand rendez-vous au monde dédié aux arts premiers d’Afrique, d’Océanie, d’Asie et des Amériques. Collectionneurs, marchands d’art, amateurs éclairés, mais aussi badauds se croisent et échangent, achètent aussi. « L’Afrique classique reste notre ADN », précise Yves-Bertrand Debie, directeur du salon. Autour de cet axe central viennent graviter les arts des autres régions du monde, de l’Océanie, à la Polynésie, à l’Australie, de l’Amérique du Nord à l’Asie et bien d’autres, proposant ainsi un beau voyage dans le temps et l’espace.
Pour cette 22e édition, 58 galeries participaient, contre 42 l’an dernier. On se rapproche des chiffres de 2019, avant la crise sanitaire. Yves-Bertrand Debie y voit un rebond du marché après une période de creux. Des galeries allemandes, américaines, anglaises, australiennes, belges, espagnoles, italiennes, suisses investissent le quartier parisien aux côtés de leurs consœurs parisiennes mais aussi du reste de la France.
Parmi les expositions thématiques portant sur l’art africain, les « Masques » sont à l’honneur à la galerie Abla & Alain Lecomte. Plus de deux décennies ont été nécessaires, à la galerie Olivier Castellano, pour réunir les œuvres du Mali et du Burkina Faso présentées au sein de l’exposition « Nyama, l’art des savanes d’Afrique de l’Ouest ». De son côté, la galerie Philippe Ratton célèbre un demi-siècle de métier au sein d’une exposition où seront réunis objets de collection, photographies et archives personnelles. Enfin, Duende Art Projects présente « Savoir-faire » par et Pablo Touchaleaume « Ancêtres M’Bembé », du Nigeria.
« Paris est une place forte du marché de l’art sur un plan international, notamment pour les arts d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques. Une grande partie des galeries sont aujourd’hui installées à Paris ou à Bruxelles, et dans une moindre mesure à San Francisco pour certaines spécialités », souligne Stéphane Marchand, président d’honneur du Parcours des mondes, qui fut pendant 20 ans à la tête du Quai Branly. « L’idée géniale du Parcours des mondes est d’utiliser les autres galeries de ce quartier pour accueillir des marchands étrangers le temps du salon. En quelques années, le Parcours est devenu un lieu de rencontre incontournable. Contrairement aux autres foires, cela se déroule à ciel ouvert, en pleine rue », se réjouit-il.
La météo va probablement jouer en faveur de l’affluence. Les gens passent et repassent, arpentent les rues du quartier des beaux arts, entrent dans les galeries dont les portes sont ouvertes. « C’est un moment convivial, chaleureux, moins encadré que dans un lieu fermé. En bref, il est sans équivalent dans l’univers des arts non européens. On ne voit jamais autant d’objets à vendre », s’enthousiasme Stéphane Marchand.
Parmi les nouvelles galeries présentes cette année, Claes Contemporary and Modern offre une très belle exposition intitulée « Passion partagée », qui présente les objets d’art africain de la collection de Michel Vandenkerckhove et de son épouse. La mise en scène et la sélection des pièces plongent le visiteur dans un monde fascinant. Masques, statues, fétiches, objets témoignent de la diversité et de la richesse artistique du continent africain. Pour accompagner cette exposition, Didier Claes publie avec Bruno Claessens un ouvrage illustré par des photographies d’Hughes Dubois, et accompagnées d’une analyse approfondie des pièces présentées.
Marguerite de Sabran, grande spécialiste, qui a fait une grande partie de son parcours chez Sotheby’s, ouvre pour la première fois son espace au public, une cour intérieur avec des objets choisis autour du thème du double, dont un très beau masque cimier Janus. Ce masque à deux têtes provient d’une chefferie camerounaise dans les grassland (Bangwa, société de Troh). Ce masque traduit l’idée d’un pouvoir, celui de tout voir, le visible et l’invisible. Trop imposant en taille, il n’était pas porté sur le visage mais sur l’épaule. Placé au-dessus d’une porte, il s’est imprégné des suies qui ont patiné l’objet. L’idée est aussi de discuter avec les marchands pour apprendre l’histoire de ces objets qui ont voyagé et de mieux comprendre leurs usages.
Autre exposition à ne manquer, celle de Jacques Billen, connu pour son expertise en égyptologie. Ce dernier dévoile une autre facette de ses passions de collectionneur : son goût pour les armes africaines. Il présente Unû, un terme en langue Teke (Afrique centrale) faisant référence aussi bien aux armes de prestige qu’aux parures. Ainsi pour cette exposition, Jacques Billen a sélectionné une centaine d’armes africaines d’Angola, de Côte d’Ivoire, du Gabon, République centrafricaine, mais aussi de République du Congo, République démocratique du Congo, du Soudan ou encore du Zimbabwe. Couteaux, épées, haches témoignent de la virtuosité des sculpteurs et des forgerons africains.
Depuis plusieurs années, le Parcours des mondes construit des ponts entre le passé et le présent, tisse des liens entre art classique et contemporain. « Il y a une formidable continuité entre les créations anciennes et la production des artistes contemporains actuels. De plus en plus de galeristes souhaitent ouvrir ce dialogue entre les pratiques d’hier et d’aujourd’hui », constate Yves-Bernard Debie. La galerie Vallois 35 présente deux jeunes artistes béninois, Youss Atacora, peintre autodidacte et Achille Adonon, lauréat du prix Sculpture lors de la dernière Biennale de Dakar en 2022, tous les deux exposés pour la première fois à Paris. Juste à côté, au 41 de la rue de Seine, la galerie Vallois propose les dernières créations du céramiste King Houndekpinkou ainsi que les œuvres de Franck Zanfanhouédé, tatoueur qui transcrit sa pratique body art dans des sculptures féminines traversées de clous, comme sur ses tableaux sur bois dont les personnages se dessinent grâce aux clous. De son côté, la galerie Claes Contemporary & Modern propose une sélection d’œuvres de l’artiste congolais Vitshois Mwilambwe Bondo.
Ce salon, « c’est un moment de partage entre les marchands, les collectionneurs, les conservateurs, les étudiants venus du monde entier », s’enthousiasme Marguerite de Sabran. Souvent présenté comme une visite gratuite d’un musée à ciel ouvert, il propose « un dialogue des cultures », affirme Yves-Bertrand Debie. En tout cas, le marché des arts premiers reste concentré entre les galeries et les maisons de ventes européennes et américaines. À quand des galeries africaines sur cette spécialité ?
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press