Yssif Bara, auteur de feux tricolores solaires : « L’Etat ne m’a jamais approché pour un partenariat »

Yssif Bara, auteur de feux tricolores solaires : « L'Etat ne m'a jamais approché pour un partenariat »
Yssif Bara, auteur de feux tricolores solaires : « L'Etat ne m'a jamais approché pour un partenariat »

Africa-PressBurkina Faso. Yssif Bara est titulaire d’un DUT en génie électrique (option électronique) de l’Université Nazi-Boni de Bobo-Dioulasso, et professeur d’électronique au lycée professionnel régional Guimbi-Ouattara. Ce jeune burkinabè d’une trentaine d’années est l’inventeur de feux tricolores solaires. Cette trouvaille lui a valu le premier prix de la 3e édition de la médaille Thomas-Sankara de l’innovation et de l’invention, le 11 mai 2019. Cependant, malgré les multiples avantages de ces feux, la trouvaille de Yssif Bara n’est toujours pas valorisée par l’Etat. L’innovateur dénonce même une concurrence déloyale.

: Qu’est-ce qui vous a motivé à concevoir des deux tricolores solaires ?

Yssif Bara : D’abord, on peut partir de la définition de feu tricolore. Un feu tricolore est un dispositif lumineux qui permet de réguler la circulation routière. Il est essentiellement composé de trois couleurs : le vert, le jaune ou l’orange, et le rouge.

La tendance de ces couleurs est réalisée grâce à ce qu’on appelle, en électronique, le contrôleur. Ce contrôleur doit être programmé avec un logiciel qui permet de gérer cette alternance de couleurs. C’est ce contrôleur qui détermine les différents voyants. On peut par exemple mettre à 15 secondes pour le vert et ainsi de suite.

Donc le travail principal ici, c’est le contrôleur qui est ma trouvaille et non le foyer lumineux ou les ampoules. Les lanternes lumineuses ont été 100% importées. Elles représentent environ 10% du coût d’un feu tricolore. Donc l’élément capital, qui est le contrôleur, est ce que moi j’ai eu à fabriquer ici au Burkina Faso avec mon ordinateur et mes équipements électroniques. Ce feu tricolore solaire fonctionne sans convertisseur de tension avec 12V au lieu de 220V pour l’électrique. Ces feux sont autonomes et peuvent tenir durant 10 jours, même sans soleil.

Donc la vraie motivation de ma recherche, c’est la cherté et aussi le fait que les feux qui existent actuellement fonctionnent avec le réseau électrique. Ce qui fait que lorsqu’il y a délestage, ces feux s’éteignent et passent au noir. Donc il fallait penser à l’alternative de l’énergie solaire qui consiste à alimenter les feux tricolores de manière permanente et aussi à réduire considérablement le coût de l’installation d’un feu tricolore pour des carrefours et des ronds-points.

Quels sont les avantages des deux tricolores solaires par rapport à ceux électriques ?

Ces feux fonctionnent de façon permanente et sans convertisseur de tension, ce qui fait que ça ne consomme pas. De plus, les feux électriques qu’on voit, la municipalité paie la facture de ces feux chaque fin du mois à la SONABEL. Avec ces feux tricolores solaires, il ne serait plus question de payer la facture ; une fois que c’est installé, c’est fini.

A l’annonce de votre trouvaille, l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE) avait exprimé son intérêt en s’approchant de vous. Il était d’ailleurs question d’un partenariat. Qu’en est-il aujourd’hui ? Expliquez-nous les péripéties de cette affaire avec l’ANEREE.

Ce partenariat n’a pas eu lieu. Il consistait à ce que j’envoie tout ce que j’avais réalisé ici à Bobo-Dioulasso dans leur show-room à Ouagadougou. J’ai trouvé cela un peu suspect et je n’ai pas accepté cette sorte de partenariat. Ils sont venus en août 2019 mais jusque-là, ça n’a pas eu lieu et ils ont plutôt traité avec un importateur de feux tricolores solaires à Ouagadougou. Je n’ai pas eu confiance du fait qu’ils m’ont proposé d’emmener ce que j’ai fait dans leur show-room pour une exposition avec le contrôleur là-bas, alors que moi j’habite Bobo-Dioulasso. J’ai trouvé cela suspect parce que je n’ai pas encore terminé la protection de l’œuvre à l’OAPI [Organisation africaine de la propriété intellectuelle]. Et dans ce cas, si on copie mon œuvre, je serais évidemment perdant. Donc j’ai refusé, par peur de copie.

Chose étonnante, quelques temps après votre entrevue avec l’ANEREE, le ministre s’affiche avec un importateur d’équipements de montage de feux tricolores solaires. Comment vous avez compris cela ?

J’ai compris que ce n’était pas pour faire la promotion des chercheurs et innovateurs, parce que si quelque chose peut être fait ici et qu’on continue d’importer, je crois que c’est pour décourager la science. J’ai tout simplement compris qu’ils sont de mèche. L’État ne m’a jamais approché pour un partenariat ; c’est plutôt la mairie centrale de Bobo-Dioulasso qui m’a permis d’installer, dans un carrefour, pour une expérimentation et qui a jusque-là montré sa satisfaction. Et là, il est prévu d’autres carrefours pour très bientôt. Je n’ai pas pour l’instant essayé d’approcher le ministère de l’Energie, mais je compte bien le faire autrement parce que la clientèle principale, ce sont les mairies ; donc c’est plutôt avec elles que je compte traiter.

Quelle est la différence entre vos équipements et ceux importés ?

La différence entre les deux est que celui-ci marche avec des fils, tandis que celui électrique marche avec le wifi, ce qui revient plus cher. Donc en cas de panne, étant donné que ces feux n’ont pas été fabriqués ici, on ne pourra rien faire. Il y a aussi le coût : l’importateur est au minimum entre 18 et 40 millions de F CFA, selon les directives des carrefours.

Avez-vous l’impression que l’autorité et les partenaires ont eu peu d’égard envers votre invention ?

Si si. J’ai l’impression que mon innovation n’est pas considérée à juste titre, car c’est juste après la visite de l’ANEREE que le ministre a inauguré les feux tricolores solaires de Ouagadougou. Si leur acte avait été posé avant, je pouvais dire qu’ils n’étaient pas au courant de mon invention. Mais c’est après leur départ de chez moi que j’ai vu sur la toile et aussi sur la RTB, les feux tricolores solaires de Ouaga inaugurés.

Avez-vous entrepris vous-même de faire la publicité de votre invention ?

Si ! J’ai commencé la promotion à travers les municipalités. Il y a les autorités de la mairie de Banfora qui m’ont bien reçu et qui sont prêtes à me rappeler pour les mois à venir. Lors de la célébration du 11-Décembre, on s’est entretenu sur le sujet, et ça leur a beaucoup plu.

Quelles sont vos perspectives ?

C’est toujours continuer à faire la promotion de mes feux tricolores solaires, les faire connaître là où ça n’existe pas.

Interview réalisée par Haoua Touré

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