Manon Laplace
Africa-Press – Burkina Faso. Les représentants de Bamako et de Ouagadougou ont témoigné leur soutien à la junte nigérienne, empêchée de prendre la parole à l’Assemblée générale de l’ONU. Ils ont également enchaîné les coups contre la France, accusée d’être complice du terrorisme.
L’exercice est peu commun. Lors de sa prise de parole aux Nations unies, ce 23 septembre, Abdoulaye Diop s’est exprimé au nom du gouvernement de transition malien, dont il est le ministre des Affaires étrangères. Mais aussi « au nom du général de brigade Abdourahamane Tiani », président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), la junte au pouvoir à Niamey, « empêché de s’exprimer » lors de cette 78e Assemblée générale.
La veille, les putschistes nigériens avaient annoncé ne pas pouvoir participer aux travaux de cette réunion multilatérale de haut niveau, pointant « les agissements perfides » du secrétaire général des Nations unies, António Guterres.
La France dans le viseur
Depuis plusieurs jours, le clan des soutiens du président déchu Mohamed Bazoum et celui des putschistes se faisaient face afin de savoir qui prendrait la parole à New York. Ce ne sera finalement ni l’un ni l’autre. Le 23 septembre, « l’Alliance des États du Sahel », signée une semaine plus tôt entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, a donc pris le relais.
Quelques minutes avant Abdoulaye Diop, Bassolma Bazié, ministre d’État de la Fonction publique du Burkina Faso, avait déjà donné le ton, dénonçant une « manœuvre sordide qui relève de pratiques moyenâgeuses » pour empêcher le Niger de s’exprimer.
Respectivement au nom du colonel Assimi Goïta et de celui du capitaine Ibrahim Traoré, au pouvoir à Bamako et à Ouagadougou depuis leurs putschs respectifs, en 2020 et 2022, ils ont surtout multiplié les attaques en direction de la France.
« Ingérence » visant à empêcher les demandes de financements du Mali auprès des institutions financières internationales, « instrumentalisation des organisations régionales africaines opposant des pays frères les uns aux autres uniquement pour ses intérêts géopolitiques » : les coups des orateurs maliens et burkinabè contre l’ancienne puissance coloniale ont plu.
« Complicité » avec les jihadistes
« Nous ne resterons pas les bras croisés », a mis en garde Abdoulaye Diop au sujet d’une éventuelle intervention militaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) au Niger – laquelle serait considérée « comme une agression », ont déjà prévenu Bamako et Ouagadougou.
Les représentants malien et burkinabè ont surtout accusé Paris de « complicité » avec les groupes jihadistes qui sévissent au Sahel. Une accusation déjà portée en août 2022 par Abdoulaye Diop, qui réclamait au Conseil de sécurité de l’ONU l’organisation d’une réunion d’urgence afin d’apporter des « preuves » de la complicité de la France. Preuves qui n’ont toujours pas été rendues publiques un an plus tard.
La France « continue, en toute impunité, ses manœuvres de déstabilisation du Mali, comme en témoigne la récente libération de terroristes dans la région des trois frontières [entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger] », a cette fois professé le chef de la diplomatie malienne, sans donner davantage de précisions sur lesdites libérations.
Nelson Mandela et Malcolm X
Avant le Malien, Bassolma Bazié a accusé la France des mêmes maux. Il s’est ainsi interrogé sur l’équipement des « colonnes de terroristes ». « Au Mali, au Niger, au Burkina Faso, il n’y a ni usine de fabrique d’armes, ni de munitions. Qui recrute les terroristes ? Qui les entraîne ? Qui les nourrit et avec quels moyens ? Croyez-vous à cette philanthropie au nom de laquelle des Occidentaux vont envoyer leurs militaires au Sahel mourir pour les beaux yeux des Sahéliens. Si oui, qu’est-ce qui justifie les gesticulations quand on dit à la France de déguerpir militairement ? », a-t-il martelé.
Invoquant Fidel Castro, Patrice Lumumba, Modibo Keïta, Nelson Mandela, Amilcar Cabral, Malcolm X, Martin Luther King ou encore George Floyd, morts ou emprisonnés pour avoir été « l’incarnation des rêves, des ambitions, de l’espoir des peuples meurtris », le représentant de Ouagadougou a mis en garde la communauté internationale avec virulence.
Sur la question du Niger, notamment, qui a été au cœur de nombreuses rencontres bilatérales au cours de la semaine. « Je lance un appel vibrant aux peuples sénégalais, béninois, nigérian, ghanéen, tchadien, bissau-guinéen à se mobiliser davantage afin d’éviter que les impérialistes ne mettent le feu au Niger comme ce fut le cas en Libye« , a-t-il scandé.
Bassolma Bazié s’est par ailleurs aventuré à une courte digression contre l’homosexualité et a appelé les Africains à « reconquérir leur culture ».
Souveraineté
Comme le Guinéen Mamadi Doumbouya avant eux, les représentants de Bamako et de Ouagadougou ont rappelé leur souveraineté en matière de choix de leurs partenaires. « Le Mali ne souhaite pas devenir un théâtre de confrontation ou de compétition entre les intérêts géopolitiques de puissances étrangères », a fait savoir Abdoulaye Diop, se disant « prêt à coopérer avec tous les partenaires respectueux de [leur] souveraineté et de [leurs] choix de partenariats ».
LE BURKINA FASO CHOISIRA SES PARTENAIRES SANS DEMANDER « L’AUTORISATION DE QUI QUE CE SOIT »
Le chef de la diplomatie malienne a adressé « une mention spéciale » à la Russie pour son partenariat « sincère [valorisant] les relations d’égal à égal dans le respect mutuel ». Dans le même registre, Bassolma Bazié a fait savoir que le Burkina Faso choisirait ses partenaires comme il l’entendrait, qu’il s’agisse de « la Russie [ou de] la Corée du Nord », sans demander « l’autorisation de qui que ce soit ».
Source: JeuneAfrique
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