Achat de drones dans la lutte contre l’insécurité : « Avoir de l’argent ne suffit pas », soutient l’expert Younoussa Sanfo

Achat de drones dans la lutte contre l’insécurité : « Avoir de l’argent ne suffit pas », soutient l’expert Younoussa Sanfo
Achat de drones dans la lutte contre l’insécurité : « Avoir de l’argent ne suffit pas », soutient l’expert Younoussa Sanfo

Africa-Press – Burkina Faso. La journée internationale des drones est célébrée chaque premier samedi du mois de mai, depuis 2015. L’événement sera célébré le 7 mai 2022. A l’occasion, nous avons donné la parole à un mordu des drones, connu notamment dans le domaine de la sécurité informatique mais aussi dans la formation et l’éveil des plus jeunes pour les technologies. Installez-vous confortablement et découvrez l’univers du drone avec Younoussa Sanfo, dans cet entretien réalisé à distance ce vendredi 6 mai 2022. Un entretien dans lequel il lance un appel aux autorités.
: Qu’est-ce qu’un drone ?
Younoussa Sanfo :

Un drone ou UAV est un aéronef sans passager ni pilote à bord qui peut voler de façon autonome ou être contrôlé à distance depuis le sol. Le mot « drone » est une extrapolation d’un terme anglais qui signifie « faux-bourdon ». Le nom a été donné dans les années 1930 au Royaume-Uni par dérision à certains avions anglais afin de servir d’avions-cibles pour l’entraînement de l’artillerie. Leur vol bruyant, lent et paresseux ressemblait plus à celui du bourdon à la vie éphémère qu’à celui d’une reine abeille. Le nom drone est alors resté et actuellement utilisé dans quasiment toutes les langues.

Qui a inventé le premier drone ?

Le drone est avant tout une invention à but militaire. Plusieurs tentatives ont été menées de par le monde. Le 2 juillet 1917, le français Max Boucher réussit à faire décoller un avion sans pilote. Il survolera une distance de 500 mètres, à 50 mètres au-dessus du sol. L’enjeu à l’époque est de taille : créer un engin capable d’effectuer des missions de reconnaissance sans engager la vie des pilotes. Mais la France n’était pas le seul pays à développer des projets similaires.

En Angleterre, c’est l’ingénieur Archibald Low qui tente de développer un avion cible pilotable par télégraphie sans fil. Aux États-Unis, on travaille sur le Hewitt-Sperry Automatic Airplane capable de lancer des torpilles aériennes. Au fil des années, la technologie évoluant, les modèles se sont perfectionnés. De plus en plus de pays s’équipent de drones militaires pour effectuer des missions de surveillance ou même éliminer des cibles stratégiques.

Fabrique-t-on des drones au Burkina ?

Notre laboratoire HORUSLABS effectue des recherches dans ce sens. Nous avons déjà assemblé des appareils qui volent. Mais hormis le corps du drone appelé frame, tous les composants ont été importés. Difficile de dire de ces drones qu’ils sont “Made in Burkina” puisque nous importons plus de 60% des composants. Je pense que d’autres personnes ou structures ont assemblé des drones mais nous sommes loin de la fabrication de drones au Burkina. Mais à HORUSLABS, nous adaptons des drones pour une utilisation efficace sur notre territoire. Tout dépend du cahier des charges du commanditaire.

Quels sont les types de drones et les usages faits dans le monde et particulièrement au Burkina ?

Le Burkina Faso n’est pas encore avancé en matière de drones même si on constate une utilisation de plus en plus fréquente de ces appareils. Il en existe plusieurs types dont voici quelques-uns :

-Le drone militaire :

utilisé notamment pour des missions de reconnaissance ou d’espionnage. Certains modèles peuvent même servir de lance-missiles.

-Le drone civil :

utilisé notamment à des fins de loisirs, pour se divertir. Son prix peut aller de quelques centaines de milliers à plusieurs millions de francs CFA. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve les drones utilisés par des photographes et les professionnels du cinéma.

-Le drone éducatif :

Ce sont des petits drones utilisés dans un cadre pédagogiques et conçus pour être utilisés par des enfants dans une salle de classe. La portée et l’autonomie de ces drones sont limitées. L’altitude est en général bridée à 10 ou 15 mètres.

-Le drone professionnel :

Ces appareils peuvent remplir différentes missions dans de nombreux secteurs, tels que l’agriculture, l’inspection des bâtiments, le cinéma, la sécurité, l’architecture, etc.

Le drone ambulancier : il aide les sauveteurs en transportant des équipements, tels que le défibrillateur. Certains drones peuvent aider les pompiers à rechercher des victimes voire aider à éteindre un feu.

Comment devenir pilote de drone au Burkina ?

Le Burkina Faso a légiféré sur l’utilisation des drones au Burkina Faso. La loi est stricte, les règles sont contraignantes. Autant il vous faut un permis de conduire pour une voiture, il est désormais exigé un permis de piloter un drone. Pour obtenir cet agrément fourni par l’Etat à travers l’ANAC, l’Agence nationale de l’aviation civile et un centre de formation agréé par l’Etat, le postulant doit suivre une formation et réussir un examen prouvant ses capacités à piloter un drone.

Quelles sont les grandes lignes de cette loi portant régime juridique applicable aux drones civils au Burkina Faso a été adoptée le 17 mai 2021 ?

La loi fait la différence entre un drone civil de loisir et un drone civil professionnel. La notion de poids du drone est très importante aux vues de la loi. Tout drone, même de loisir, doit être enregistré auprès de l’ANAC et posséder un certificat d’identification.

Le drone ne doit surtout pas survoler des zones interdites tels les camps militaires, les hôpitaux, les écoles. Le survol des agglomérations doit faire l’objet d’une demande spécifique au ministère de la Sécurité

L’importation de drones est également règlementée, il faut posséder une autorisation du ministère de la Sécurité. Les centres de formations sont également soumis à cette règlementation pour effectuer des formations de pilotes et délivrer des certificats reconnus par l’Etat.

Quelle analyse faites-vous de l’application de cette loi depuis son adoption ?

Nous avons discuté au sein de l’Association nationale des spécialistes du drone et autres appareils volants (ANSDAV). Cette association a été impliquée par l’Assemblée nationale pour la validation avant promulgation de la loi sur les aéronefs télépilotés. Nous avons donc amendé la loi avant qu’elle ne soit officielle. Certains de nos amendements ont été pris en compte.

Nous pensons que cette loi est nécessaire pour règlementer l’activité et avoir des gardes fous pour éviter des dérives. Mais nous avons insisté sur le fait que l’Etat devra demeurer sage dans l’application de la loi pour ne pas brider la créativité des jeunes avec une application de la loi inutilement restrictive.

Dans un Burkina en lutte contre le terrorisme, d’aucuns ne comprennent pas pourquoi le Burkina ne disposent pas de drones militaires. En tant qu’ancien inspecteur de police et expert en sécurité informatique, comprenez-vous leurs inquiétudes ?

Je lis comme tout le monde des interventions de personnes s’offusquant du fait que l’armée n’acquiert pas des drones militaires pour lutter contre le terrorisme. Je lis aussi des affirmations selon lesquelles notre armée ne dispose pas de drones militaires. A mon avis c’est aux autorités militaires de juger de l’opportunité de communiquer sur la question. Un drone militaire n’est pas un jouet. S’il est armé de missiles ou de bombes, il peut raser un village. Je crois qu’il faut mûrir la question avant d’agir, ce qui ne veut pas dire que l’armée ne dispose pas de drones à but militaire.

Qui dit drone militaire dit souvent victimes collatérales du côté des civils lorsque les frappes ne sont pas précises. On l’a vu en Afghanistan et au Pakistan avec les drones américains.

Je suis d’accord avec vous. On ne met pas ce type d’armement entre les mains du premier venu, fut-il militaire.

Combien peut coûter un drone militaire ?

Les drones de reconnaissance efficaces en terme de portée et d’autonomie, embarquant des addons de visibilité diurne et nocturne coutent environ 100 millions de FCFA entrée de gamme et peuvent aller jusqu’à 150 millions FCFA.

Les drones de renseignement, embarquant des modules d’intelligence artificielle, efficace en terme d’autonomie et de portée peuvent couter jusqu’à 200 millions. Les drones armés évolués coutent très cher. Ils coutent 12 milliards de FCFA et à chaque sortie il faut compter 500 millions minimum.

Il existe des drones armés moins chers, de l’ordre de un milliard le drone, sachant qu’il est conseillé d’avoir au minimum quatre de ces drones pour plus d’efficacité sur le champ de bataille.

Un pays comme le Burkina doit-il avoir l’autorisation d’un autre pays pour commander des drones ?

Ça c’est de la politique ou de la géostratégie. Je préfère ne pas y répondre. Mais parfois, il nous manque des paramètres pour comprendre pourquoi les pays africains ne se dotent pas des technologies efficaces pour mener la guerre. Avoir de l’argent ne suffit pas.

En attendant des drones militaires, les drones civils qui ont une faible autonomie peuvent-ils apporter un plus dans la lutte contre le terrorisme ?

Oui, les drones professionnels peuvent être utilisés par les unités opérationnelles mais également par des analystes des services de renseignements.

Un mot à l’occasion de cette journée internationale des drones célébrée le 7 mai ?

Nous faisons appel à tous les utilisateurs et à tous les spécialistes du drone et des autres appareils volant de type ULM ou autres à adhérer à l’association ANSDAV. Nombreux et organisés, nous serons plus forts pour influencer les décideurs politiques à notre avantage. Pour tous ceux qui possèdent des drones de loisirs ou professionnels, nous les invitons à se conformer aux lois de notre pays. Aux autorités, nous leur demandons d’arrêter de faire appel à des étrangers pour gérer nos projets sensibles, car les compétences existent au Burkina. Nous exportons notre savoir-faire partout, il est temps de nous faire confiance. Propos recueillis par Fredo Bassolé

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