Burkina Faso fixe un ultimatum d’1 MOIS aux forces françaises pour quitter le pays

Burkina Faso fixe un ultimatum d’1 MOIS aux forces françaises pour quitter le pays
Burkina Faso fixe un ultimatum d’1 MOIS aux forces françaises pour quitter le pays

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Alors que l’insécurité est toujours inquiétante et certaines zones du pays sont toujours assiégées par des groupes armés au Burkina Faso, qui vit actuellement « une période critique d’insécurité croissante et où les blocus dans de nombreuses régions ont laissé les communautés coupées du reste du pays et confrontées à une faim croissante », le pays connait un nouveau tournant, sachant que dans certaines zones septentrionales, comme Djibo, les travailleurs humanitaires ont du mal à atteindre les personnes qui ont besoin d’aide.

Dans tout le pays, les besoins humanitaires augmentent rapidement selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), qui précise qu’un quart de la population, soit prés de 5 millions de personnes, qui ont besoin d’une aide d’urgence. Il s’agit de 40% de plus qu’au début de l’année qui vivent dans de très mauvaises conditions : « un Burkinabé sur dix est déplacé de chez lui par des conflits dévastateurs et des chocs climatiques ».

Quand le Burkina Faso exige le départ des forces françaises

Il nous est parvenu, le samedi 21 Janvier 2023, que le gouvernement du Burkina Faso a officiellement demandé aux forces françaises présentes sur son territoire de quitter le pays « au bout d’un délai d’un mois ».

Quelques jours avant, les autorités burkinabés ont dénoncé l’accord signé en 2018, qui encadre la présence d’unités de l’armée française dans le pays.

Cette demande intervient à un moment où le pays connaît depuis plusieurs mois des manifestations régulières pour exiger le départ des soldats français stationnés dans le nord-est de la capitale, Ouagadougou, lors desquelles les manifestants ont accusé la France de ne pas en faire assez pour aider le Burkina Faso à faire face aux attentats terroristes, et parfois d’être complice des agresseurs.

• Des relations franco-burkinabé super-tendues

Nous avons constaté que les relations entre le Burkina Faso et son ancienne colonie (la France) ont été brouillées à la suite de deux coups d’État militaires commis l’année dernière, et en partie à cause de l’incapacité des autorités à protéger les civils contre l’activité des groupes armés opérant dans le nord aride du pays.

Les observateurs estiment qu’une partie de la tension provient de la perception que la présence militaire française au Burkina Faso n’a pas conduit à une amélioration de la sécurité, sachant que des foules en colère avaient auparavant ciblé l’ambassade de France et le Centre culturel français, en plus d’une base militaire française dans le pays.

• Radio France Internationale suspendue d’émettre au Burkina Faso

Les autorités burkinabé ont suspendu « Radio France International » d’émettre, depuis le 3 Décembre 2022, à cause d’informations qu’elles jugeaient fausses et pour avoir permis à des membres des groupes armés extrémistes de s’exprimer sur ses antennes.

En effet, le Burkina Faso a emboité le pas au Mali, huit mois après, en ordonnant à son tour « la suspension immédiate et jusqu’à nouvel ordre » de Radio France internationale (RFI). Les autorités locales reprochent notamment au média français d’avoir relayé un « message d’intimidation » attribué à un « chef terroriste », selon le porte-parole du gouvernement burkinabé.

Par cette diffusion, RFI aurait contribué à « une manœuvre désespérée des groupes terroristes en vue de dissuader les milliers de Burkinabés mobilisés pour la défense de la patrie », a indiqué un communiqué signé du porte-parole, Jean-Emmanuel Ouédraogo.

Plus tôt dans la semaine, le groupe جماعة نصرة الإسلام والمسلمين (Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn, JNIM affilié à Al-Qaida), aurait diffusé une vidéo dans laquelle l’un de ses chefs au Burkina Faso menaçait de s’attaquer à des villages défendus par les « Volontaires pour la défense de la patrie (VDP) », supplétifs civils de l’armée, qui vient d’en recruter 90.000 en trois semaines pour faire face à la recrudescence des attaques djihadistes.

Par ailleurs, le gouvernement reproche également à la radio publique française « RFI », d’avoir repris dans sa revue de presse, un jour avant, « une information mensongère », indiquant que « le président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, a assuré qu’une tentative de coup d’Etat avait visé son pouvoir ».

Du point de vue médiatique, des médias locaux et internationaux ont rapporté le 2 décembre 2022 que les forces gouvernementales avaient déjoué un complot de coup d’État, néanmoins, le gouvernement par intérim au Burkina Faso a immédiatement démenti l’allégation et c’est pour cette raison qu’il a suspendu le lendemain le média français RFI pour avoir diffusé des « informations trompeuses », disent-ils sur une prétendue tentative de coup d’État.

En plus, le 30 décembre, les autorités auraient renforcé la présence militaire autour du siège présidentiel en réponse à une « alerte de sécurité ».

• Mouvements réactifs au Burkina Faso contre la présence française

Plusieurs médias locaux ont confirmé que des manifestants se sont rassemblés à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, pour protester contre la présence française dans le pays, coïncidant avec les appels à une action majeure le 12 août 2022, un rassemblement qui s’est déroulé effectivement devant le monument érigé à la mémoire de Thomas Sankara, l’ancien président du Burkina Faso, assassiné en 1987 lors d’un coup d’État dirigé par Blaise Compaoré, un proche de la France renversé à son tour par un soulèvement en 2014.

Les manifestations à et autour de Ouagadougou contre la présence française vont-elles avoir un impact sur la nouvelle stratégie militaire de la France au Sahel ?

Une coalition nouvellement formée, appelée le M30 Naaba Wogbo, a également appelé à la fin des accords de coopération avec la France. Les manifestants portaient ce jour-là des banderoles sur lesquelles on pouvait lire « La France, marraine du terrorisme, dégagez », « Nous sommes tous pour la libération du Burkina Faso », « La France est impérialiste, tyran, parasitaire…dégagez » et « Non aux accords de coopération avec la France ».

À la tête de ce nouveau mouvement, porté sur les fonds baptismaux fin juillet dernier et qui réclame la remise à plat complète des accords qui lient la France au Burkina Faso, on retrouve une certaine « Yéli Monique Kam ».

Il s’agit de l’unique femme à s’être lancée dans la course politique en 2020, la presque quinquagénaire s’affiche désormais en porte-étendard du combat pour une souveraineté « totale » de son pays, avec, en ligne de mire, une cible principale : Paris.

Usant de mots souvent très durs à l’égard de la France qui, selon elle, « s’agrippe de façon misérable à son ancien empire colonial africain dont elle pille, exploite à souhait les ressources, où elle allume des foyers de terrorisme et alimente des guerres et des génocides », lâchait-elle fin juillet dernier en marge d’un premier rassemblement organisé par le M30 près du mémorial érigé à la mémoire de Thomas Sankara.

Un autre membre de ladite coalition, se nommant Sayoba Kindo, a confié quant à lui « Nous sommes une nouvelle génération qui a pris conscience de notre histoire et qui est déterminée à prendre le pouvoir et à mériter notre indépendance grâce à plus de liberté et de vérité ».

Il importe de noter que la France, ancienne puissance coloniale au Burkina Faso, dispose d’une base militaire à Ouagadougou et ses forces aériennes interviennent régulièrement, depuis le Niger voisin, pour soutenir les opérations militaires du Burkina Faso contre les terroristes.

Tout le monde sait que, comme de nombreux pays voisins, le pays souffre de la violence des groupes djihadistes armés affiliés à Al-Qaïda et à Daech, qui a causé la mort de milliers de personnes depuis 2015 et le déplacement d’environ deux millions de personnes.

Et tout récemment, des centaines de personnes ont manifesté également, dans la journée du vendredi 21 Janvier 2023, dans le centre de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, scandant des slogans anti-français et brandissant des banderoles appelant l’armée française à quitter le pays, sachant que certains manifestants auraient même incendié des drapeaux français ou encore les auraient utilisés pour ramasser des ordures.

Rappelons entre-autres que la France compte environ 400 soldats des forces spéciales au Burkina Faso, dont la mission principale est d’aider les forces locales à combattre les groupes armés qui se sont répandus dans la région du Sahel, depuis le Mali, au cours de la dernière décennie.

Pour rappel, le 24 janvier 2022, l’armée nationale du Burkina Faso avait pris le pouvoir, renversant l’ancien président Roch Marc Christian Kaboré, sous le commandement du lieutenant-colonel Paul-Henri Damiba, installé en tant que nouveau chef du pays ouest-africain, prononçant à l’occasion la dissolution du gouvernement, du parlement, ainsi que la suspension de la constitution, tout en décrétant la fermeture des frontières.

Seulement, le temps de Damiba au pouvoir s’est toutefois avéré de courte durée, car il fût évincé de la tête du pays lors d’un coup d’État perpétré le 30 septembre 2022 par le capitaine de l’armée Ibrahim Traoré, qui a ensuite été nommé nouveau président du pays.

Y avait-il une division au sein de l’armée burkinabé ?

Le deuxième coup d’État au Burkina Faso qui a renversé Damiba, a révélé l’existence d’une division au sein de l’armée dans la hiérarchie militaire, car les soldats se trouvant sur le front, notamment en premières lignes pour combattre les groupes terroristes se sont sentis abandonnés et sans approvisionnement adéquat pour y faire face.

A cela s’est ajouté la méfiance d’une grande partie de l’opinion publique, surtout après le retour au pays, en juillet 2022, du président déchu Blaise Compaoré, alors que Paul-Henri Sandaogo Damiba prévoyait de consolider une « réconciliation nationale » pour mieux combattre les violences des extrémistes.

Les partisans de Blaise Compaoré avaient quant à eux salué cette initiative, estimant qu’elle visait à apaiser les tensions politiques, mais beaucoup y ont vu un déni de justice au « pays des honnêtes gens », car Compaoré, qui vit en exil en Côte d’Ivoire, a été condamné par contumace à la réclusion à perpétuité pour son rôle dans l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara, qui reste l’icône insurpassable et la figure inspirante du pays.

Donc, le non-respect de la loi a été probablement la plus grande erreur stratégique commise par Damiba et a contribué à la rébellion des officiers subalternes menés par Ibrahim Traoré, d’autant plus que des personnalités de l’ancien régime, renversé lors du soulèvement de 2014, avaient été nommés à des postes clés après le coup d’État de janvier.

Des drapeaux russes flottent dans les airs du Burkina

Face aux sentiments anti-français dans la région du Sahel africain, les autres partenaires de l’Afrique trouvent donc dans tout cela une opportunité pour eux de renforcer leur position dans la région, et au premier rang de ceux-ci se trouve évidemment la Russie.

Pourtant, cette nouvelle coopération a été souhaitée par une partie de la population, comme en témoignent les drapeaux russes hissés lors des manifestations à Ouagadougou, tout en saluant le dernier putsch militaire.

Revenant également sur cette situation, le militant de la société civile burkinabé, Alassane Sanfo, a confié que « Le Burkina Faso doit établir des partenariats avec d’autres puissances plus crédibles et s’appuyer sur son armée pour éradiquer le terrorisme ».

Téméraire audace du Président Traoré

Dans toute cette mêlée plus ou moins « floue », le peuple burkinabé a certainement bien digéré le discours adressé à la nation, le samedi 10 décembre dernier, par le président de transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, à l’occasion du 62e anniversaire de l’indépendance du pays, lors duquel il avait déclaré que « la lutte pour l’indépendance complète a commencé » dans son pays, qui connaît des violences depuis 2015, en assurant que : « Ce n’est pas le moment de célébrer les festivités alors que notre indépendance n’est pas acquise car nos terres sont occupées, notre économie chancelle et nos mains sont liées ».

« Cette lutte ne passera pas forcément par les armes, mais plutôt par nos valeurs, nos comportements et la relance de notre économie », a souligné Traoré, qui n’a pas hésité à demander à ses compatriotes de « faire plus de sacrifices » pour « libérer les terres du Burkina Faso », appelant entre-autres à l’unité nationale et au ralliement des forces de défense et de sécurité.

Le Chef d’État du Burkina Faso depuis le 30 septembre 2022, a souligné également que : « il y a de l’espoir parce que nous ne nous rendrons pas, et nous irons jusqu’au bout de cette lutte pour l’indépendance complète de notre patrie ».

Cependant, les analystes et observateurs craignent que si le Conseil militaire actuel au Burkina Faso adopte une approche financière et met fin à tous les accords de sécurité avec la France, il deviendra probable que les groupes armés élargiront la portée de leurs opérations et leur influence régionale, car la France est la plus forte en termes de force militaire présente dans le pays et la région.

Cela est susceptible d’augmenter par la suite les niveaux de menace terroriste sur la côte ouest de l’Afrique, qui a connu une recrudescence des attaques l’année dernière, notamment dans le nord du Ghana, au Togo et au Bénin.


Nouvelle opportunité pour Wagner ?

Fin juillet dernier, le bimestriel américain « Foreign Policy » affirmait que les services de renseignements américains redoutaient que le Burkina Faso constitue une étape supplémentaire dans la progression de la force Wagner en Afrique.

Sur place, le cocktail semble idéal pour voir émerger cette milice militaire privée russe proche du Kremlin : des mines d’or, deux coups d’Etat en moins d’un an, l’insécurité en plus de la présence des mercenaires au Mali voisin ! Nous y reviendrons encore…

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

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