Burkina Faso: Pourquoi le Président Traoré A-T-Il Limogé Son Premier Ministre ?

Burkina Faso: Pourquoi le Président Traoré A-T-Il Limogé Son Premier Ministre ?
Burkina Faso: Pourquoi le Président Traoré A-T-Il Limogé Son Premier Ministre ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Le chef de la junte militaire au pouvoir au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a limogé son Premier ministre « Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla », et dissous le gouvernement qu’il dirigeait, et ce, suite à un décret présidentiel décrété à cet effet, le vendredi 6 décembre.

Ce décret signé par le Chef de l’État, qui précise que « les fonctions du Premier ministre ont pris fin et que les membres du gouvernement dissous assureront l’intérim jusqu’à ce qu’un un nouveau gouvernement soit formé, est tombé comme un couperet.

Une annonce brutale qui marque donc un tournant dans la gestion politique du pays, dont les raisons n’ont pas été annoncées, dans ce pays africain pris depuis une longue période dans les filets du terrorisme.

• Pourquoi Traoré a-t-il révoqué un compagnon de ses premiers pas de « Président » ?

Le PM limogé

Jusqu’à cet instant, rien n’a exfiltré des raisons ayant poussé Ibrahim Traoré à mettre fin aux fonctions de son Premier ministre Apollinaire Joachim Kyélem de Tambèla, qui occupait ce poste depuis le 21 octobre 2022, soit trois semaines exactement après le coup d’Etat perpétré par le Capitaine Traoré, sachant qu’il a dirigé trois gouvernements successifs.

On peut dire qu’à Ouagadougou, cette décision était surprenante, même si « de Tambèla », avocat de nature, avait essuyé de sévères critiques de la part des chefs traditionnels, en octobre 2024, pour avoir remis en question l’efficacité des idoles face à la menace terroriste et son appel à valoriser les connaissances scientifiques.

En cette période, le Premier ministre du Burkina Faso s’était rendu à Moscou dans le cadre de la tenue de la 8e édition des journées économiques du Burkina Faso qui se tient dans la capitale russe du 8 au 11 octobre. Le chef du gouvernement de transition avait notamment rencontré des partenaires économiques pour évoquer des projets de développement au Burkina Faso, invitant en cette occasion leurs partenaires russes à multiplier les investissements et les transactions entre les deux pays, tout en réaffirmant la volonté de son pays de rejoindre la communauté économique des BRICS.

Toutefois, et face à cette polémique, le Premier ministre (limogé), qui était en voyage officiel en Russie, a été contraint de s’excuser « auprès de ceux qui se sont sentis blessés » par ses propos concernant les (Idoles).

• Qui est le nouveau Premier ministre nommé par Traoré en remplacement de « de Tambèla » ?

Le nouveau PM burkinabé: de la télé au premier ministère

Deux jours après avoir dissous le précédent, le chef de la junte au pouvoir au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a nommé le 8 décembre un nouveau gouvernement, semblable au précédent, sur proposition du nouveau Premier ministre « Jean Emmanuel Ouédraogo ».

Rimtalba Jean Emmanuel Ouédraogo, un membre du cercle proche d’Ibrahim Traoré, journaliste, présentateur et homme politique, était l’ex-ministre de la Communication et le porte-parole du gouvernement, et également ancien ministre de la communication, de la culture, des arts et du tourisme du 25 octobre 2022 au 6 décembre 2024.

Depuis le mois de septembre 2022, il rejoignit la politique avec l’avènement du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration II (MPSR II).

C’est d’ailleurs lui, en sa qualité de ministre de la Communication, qui avait signé la décision de suspension de Radio France internationale au Burkina Faso en 2022.

• A propos des relations et accords conclus avec la Russie

Ibrahim Traoré s’est trop rapproché de la Russie optant pour une coopération technique et financière dans tous les domaines militaires entre les deux pays, ainsi que coopération économique et énergétique nucléaire.

Les relations du Burkina Faso avec la Russie, dirigée par la junte militaire, sont sous le feu des projecteurs depuis que Ouagadougou a expulsé les forces françaises en février dernier, une décision qui a alimenté les spéculations selon lesquelles le pays renforcerait ses relations de sécurité avec Moscou, à l’instar du Mali voisin, où l’armée privée russe le groupe ex-Wagner est actif.

Tout indique que les moyens de coopération qui concernent principalement le domaine militaire, comme la formation des conscrits et des officiers au Burkina Faso à tous les niveaux, y compris la formation des pilotes en Russie sont dans tous les ordres du jour.

D’ailleurs, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Sergueï Lavrov, a déclaré que les relations entre les deux pays « sont en plein essor » depuis le deuxième sommet Russie-Afrique tenu l’année dernière.

« Nos relations ont une bonne histoire et se fondent sur la confiance, la sympathie réciproque et le respect. Les contacts à tous les niveaux sont très intenses. Il est évident que nos négociations contribueront à concrétiser les objectifs fixés par nos présidents et à donner une nouvelle impulsion à nos relations amicales », a-t-il indiqué.

• Violences au Burkina Faso

Il importe de rappeler que le Burkina Faso combat les insurgés, certains liés aux deux plus importantes organisations terroristes, Al-Qaïda et Daech, depuis qu’ils se sont répandus sur son territoire depuis le Mali voisin il y a près de dix ans.

A noter également que Traoré a annoncé à plusieurs reprises que les tentatives de coup d’État qui le visaient avaient été déjouées et que, depuis son arrivée au pouvoir, les relations du pays avec la France, l’ancienne puissance coloniale, étaient devenues tendues, ses forces militaires ayant été expulsées, et le Burkina Faso s’est rapproché de la Russie et est devenu son allié, comme les pays du Mali et du Niger.

Par ailleurs, le Burkina Faso a été frappé également par des violences qui ont opposé les militants aux forces soutenues par l’État pendant près d’une décennie, tuant plus de 20 000 personnes, selon des révélations faites par l’Armed Conflict Location and Event Data Project, une organisation à but non lucratif basée aux États-Unis, indiquant dans son rapport que les deux camps ont été accusés d’avoir pris pour cible des civils pris entre deux feux, entraînant le déplacement de plus de deux millions de personnes, dont plus de la moitié sont des enfants.

On relève entre-autres qu’un groupe armé affilié à al-Qaïda aurait tué pas moins de 200 habitants dans la commune rurale de la province du Sanmatenga, notamment Barsalogho, située dans la région Centre-Nord au Burkina Faso, une région conflictuelle, et ce le 24 août 2024. La pire tuerie de l’histoire du pays dit-on, et le lendemain, 26 fidèles furent tués dans une église.

Dans ce contexte, le président de Transition Ibrahim Traoré s’est engagé à être meilleur que ses prédécesseurs lorsqu’il a pris ses fonctions en 2022, mais il semble que la situation sécuritaire s’est encore détériorée sous son régime, qui, selon les analystes, les groupes de défense des droits et les travailleurs humanitaires ont réprimé également la dissidence.

• Le conseil militaire prolonge la période de transition de 60 mois

Le 25 mai dernier, une nouvelle charte au Burkina Faso a approuvé le maintien de la junte militaire au pouvoir pendant cinq ans supplémentaires après que les participants au dialogue national ont proposé de prolonger la période de transition vers la démocratie pour une période de 60 mois, à compter de juillet 2024, en argumentant que les considérations de sécurité sont prioritaires.

Selon cette nouvelle charte signée des mains du commandant militaire Ibrahim Traoré, la période de transition a été fixée à 60 mois, à compter du 2 juillet de l’année en cours.

Le texte de la charte précise également que « les élections marquant la fin de la phase de transition pourront avoir lieu avant cette échéance si la situation sécuritaire le permettrait ».

Pour rappel, avec le Mali et le Niger, également dirigés par des juntes militaires, le Burkina a notamment tourné le dos à la France pour former une confédération, l’Alliance des États du Sahel (AES).

• Serait-on face à un « règne contrarié du Président Traoré » ?

Alors qu’il s’apprêtait à fêter les deux ans de son putsch en septembre 2024, le capitaine Ibrahim Traoré semble de moins en moins serein. Des rumeurs annoncent sa chute assez régulièrement, et le 12 juin 2024, une roquette antichar fût tirée depuis la présidence pour atterrir au beau milieu de la cour de l’immeuble abritant la Radio télévision du Burkina (RTB).

Des blessés légers et quelques voitures percées avaient été enregistrés, ce qui a suffit à créer un début de psychose surtout sur les réseaux sociaux qui se sont emballés pour jeter de l’huile sur le feu.

Ainsi va la vie au Burkina Faso, qui semble s’enfoncer dans un autoritarisme de plus en plus brusque, dit-on, depuis le putsch du jeune capitaine Ibrahim Traoré, en septembre 2022.

Beaucoup prétendent que ceux qui oublient la règle du silence ou refusent de plier s’exposent à être arrêtés, de manière plus ou moins légale.

• A propos de radiation d’officiers de l’armée: pour simple absence irrégulière

On croit savoir que deux commandants de l’armée ont été radiés pour absence irrégulière, selon un décret signé par le Président de Transition, dans lequel l’on apprend que deux commandants ont été radiés des forces armées nationales, à la date du le vendredi 6 décembre 2024.

La même source précise qu’il s’agit du commandant « Boumbéwenné Hermann Zongo » et du commandant « Wendyam kouni Joanny Compaoré ». Leur radiation serait consécutive à une absence irrégulière de plus de 6 jours, ce qui semblerait tout de même un peu « absurde » comme décision.

• Y-aurait-il un lien ou un point commun entre le limogeage des deux « Premier ministre » du Burkina et du Mali ?

Certes le Burkina Faso et le Mali sont deux pays voisins du Sahel africain, membres de l’Alliance des Etats du Sahel avec le Niger, et les deux pays viennent étonnamment de limoger chacun son Premier ministre, d’abord le Mali, puis Burkina Faso.

C’est ainsi que dans une démarche qui a aggravé l’incertitude politique, la junte militaire du Mali a limogé le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga, le mercredi 20 novembre 2024, dans un contexte d’escalade des tensions et de report de la transition vers l’autorité civile.

Son limogeage intervient quelques jours après qu’il ait adressé samedi dernier une rare critique publique du conseil militaire, dans laquelle il a exprimé son mécontentement face à son exclusion du processus décisionnel et a parlé de l’état d’incertitude qui entoure la période de transition dans le pays.

L’étrange, c’est le limogeage du Premier ministre du Burkina Faso, qui intervient également pour des critiques faites (au sujet de la transition), alors qu’il était en voyage officiel à Moscou.

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