
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Burkina Faso. Les médias officiels du Burkina Faso ont rapporté ces derniers jours que le Dialogue national avait approuvé la prolongation de la période de transition dans le pays pour une période de cinq ans, et ce à compter du 2 juillet prochain, et qu’à l’issue de ce nouveau délai, le chef de l’Etat deviendra éligible aux élections ».
• Déclaration d’Ibrahim Traoré 8 mois plutôt
A ce propos, il importe de rappeler que, dans la soirée du vendredi 29 septembre 2023, le président de transition au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, avait annoncé, lors d’une interview diffusée par la télévision nationale, que les élections dans son pays ne constituaient pas une « priorité », contrairement au secteur de la « sécurité ».
Ainsi, près d’un an après son arrivée au pouvoir à la suite d’un coup d’État, Traoré a évoqué les élections théoriquement prévues pour juillet 2024, déclarant aux journalistes: « Ce n’est pas une priorité, je vous le dis clairement, c’est plutôt la sécurité qui est la priorité » dans ce pays fragilisé par la violence des groupes armés extrémistes.
Traoré a déclaré également que: « Les textes actuels de la Constitution ne nous permettent pas de nous développer de manière pacifique », poursuivant dans le même contexte: « Un amendement partiel doit être apporté à la constitution », estimant que le texte actuellement approuvé « reflète l’opinion d’une poignée de personnes éclairées aux dépens des masses populaires ».
A noter que, plus tôt, le président par intérim du Burkina Faso avait confirmé que son pays a commencé à emprunter le chemin de l’indépendance à tous les niveaux, notamment après son retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
• Signature d’une charte adoptée par le Dialogue national
Une charte adoptée le samedi 25 mai 2024, par les participants à un dialogue national au Burkina Faso, stipulait la prolongation de cinq ans supplémentaires du régime militaire de transition dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré.
Le colonel Moussa Diallo, président du Comité d’organisation du dialogue national, qui a déclaré à l’issue de ses travaux: « La durée de la phase transitoire a été fixée à 60 mois, à compter du 2 juillet 2024 », a mis également l’accent sur le fait que le président Traoré pourra se présenter « aux élections présidentielles, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la phase de transition ».
Dans la nouvelle charte, les « quotas » parlementaires accordés aux partis politiques au sein de l’Assemblée législative de transition ont été supprimés.
Pour rappel, le dialogue national comprenait des représentants de la société civile et des forces de défense et de sécurité, outre des représentants de l’Assemblée de transition, et a été boycotté par la majorité des partis politiques traditionnels, car il visait à élaborer une feuille de route pour un retour à un régime civil dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
Il est utile de noter entre-autres que le texte de la charte, qui entre en vigueur immédiatement, précise que « les élections marquant la fin de la phase de transition pourront avoir lieu avant l’échéance fixée par le Dialogue national, si la situation sécuritaire le permet ».
Dans le même contexte, l’agence de presse burkinabè a souligné que « le chef de la période de transition deviendra président du pays conformément à la charte amendée, et les membres du gouvernement et les représentants seront choisis sur la base du critère du patriotisme », notant également que le Dialogue national a recommandé d’augmenter le nombre de représentants et de ministres « pour tenir compte de toutes les composantes de la nation », appelant toutes les couches de la population à surmonter leurs divergences et à ne considérer que l’intérêt de la nation, comme l’a souligné le ministre chargé de l’Administration régionale, Emile Zerbo, qui représentait le président de la période de transition, Ibrahim Traoré, durant ce dialogue national.
• Violences et menaces pour la sécurité
Ne faudrait-il pas rappeler que la violence dans la région du Sahel en Afrique de l’Ouest, alimentée par une lutte de dix ans contre des groupes extrémistes liés à Al-Qaïda et à Daech, s’est aggravée depuis que les autorités militaires ont pris le pouvoir au Burkina Faso, au Mali et au Niger voisins ?
Cet important et inquiétant retard ne risque-t-il pas d’aggraver les inquiétudes quant au déclin de la démocratie en Afrique de l’Ouest et centrale, où huit coups d’État ont eu lieu au cours des quatre dernières années ?
• Voix discordantes et craintes légitimes face au regard de la communauté internationale
Toute cette situation le moins que l’on puisse qualifier de « burlesque » ne met-elle pas en danger le Burkina Faso, car si les autorités burkinabè justifient la prolongation de la transition par la nécessité de mener à bien ces chantiers titanesques, des voix discordantes s’élèvent au sein de la société civile et de l’opposition politique.
Certains craignent déjà que cette prolongation ne servira qu’à perpétuer l’instabilité et à maintenir les militaires au pouvoir, retardant d’autant l’avènement d’élections véritablement démocratiques.
De l’autre côté, on constate aussi que la communauté internationale, attentive à la situation au Burkina Faso, n’a pas hésité à appeler les autorités à respecter leur engagement d’organiser des élections libres et transparentes en 2025. Un soutien financier et technique est également apporté pour accompagner le processus de transition.
Cependant, la communauté internationale n’a pas manqué de souligner l’importance d’une transition inclusive et respectueuse des aspirations du peuple burkinabè qui, las des crises et des divisions en son sein, aspire certainement à un avenir de paix.
Toutefois, officiellement motivée par la nécessité de restaurer la sécurité, d’engager des réformes et de panser les blessures d’une nation meurtrie, cette prolongation suscite des débats houleux, dont ce que nous relatons ci-après.
• Mégarde et accusation touchant le Burkina Faso: pourquoi la junte militaire cherche-t-elle les problèmes ?
Guillaume Soro
Dernièrement, une affaire vient de voir le jour suite à des révélations émanant des services de renseignement ivoiriens, qui ont affirmé avoir découvert un réseau composé d’une cinquantaine de jeunes recrutés par des proches de Guillaume Soro, un ancien Premier ministre d’Alassane Ouattara, pour mener des opérations depuis le Burkina Faso, dans le but de déstabiliser la Côte d’Ivoire.
Selon les infos relayées par certains médias, il semble que depuis l’arrestation, en janvier 2024, à Abidjan, d’un ex-rebelle des Forces nouvelles, une nouvelle histoire d’opérations clandestines et illégales, mêle la junte d’Ibrahim Traoré, les services de renseignement ivoiriens, l’entourage le plus proche d’Alassane Ouattara et celui qui, malgré les récentes tentatives de décrispation, demeure l’ennemi le plus redouté des autorités ivoiriennes, Guillaume Soro, sachant qu’Alassane Ouattara et son ancien Premier ministre se seraient entretenus pour la première fois depuis cinq longues années
C’est dans ce contexte pour le moins mouvementé que Guillaume Soro laisse planer l’idée d’un retour en Côte d’Ivoire, à un moment où celui-ci enchaine les déplacements dans plusieurs pays du Sahel tels que le Burkina Faso ou le Niger, s’affichant même auprès du général Tchiani
Pour ceux qui ne le connaissent pas assez, Soro qui est soupçonné d’avoir fomenté une « insurrection » fin 2019, est toujours sous le coup d’une condamnation à la prison à vie pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ».
Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press