Come-back sur le putsch militaire au Burkina Faso et ses répercussions sur la région

Come-back sur le putsch militaire au Burkina Faso et ses répercussions sur la région
Le président déchu / L’auteur du putsch militaire

Africa-Press – Burkina Faso. Suite aux sentiments croissants de colère et de congestion contre la présence française en Afrique, qui est de plus en plus rejetée, des protestations et des affrontements armés ont éclaté au cours de la période récente dans plusieurs régions et pays africains, dont certains ont exigé le retrait des forces militaires françaises et la fin du « colonialisme », qui a commencé à y prendre des formes diverses, drainer ses richesses pendant des décennies, et s’y approfondir, sans toutefois mettre fin au danger des groupes djihadistes armés et de leurs attentats sanglants, principal argument invoqué par Paris pour justifier sa présence dans ces zones.

Mais il semble qu’aujourd’hui, l’étau se resserre sérieusement sur la France, dans sa zone d’influence traditionnelle, et qu’elle soit devenue confrontée à de nombreux défis et troubles qui empêchent la réussite de ses plans stratégiques dans les pays du Sahel et du Sahara.

Le Putsch burkinabé

Alors que la Guinée Conakry et le Mali ont, à des degrés divers, surmonté les écueils de l’expérience du « putsch » et les défis d’une reconfiguration radicale de leurs relations extérieures (internationales et régionales) et d’imposer le fait accompli sur la voie des réformes politiques et du retour au « processus constitutionnel », des militaires du Burkina Faso, voisin frontalier du Mali, conduits par le nouvel homme fort le colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, n’ont pas hésité à arrêter le président Roch Marc Christian Kaboré, dans la soirée du dimanche 23 janvier 2022, à son domicile, après une série de rébellions dans plusieurs casernes pour exiger le limogeage des chefs militaires et l’allocation de plus de moyens aux efforts de la lutte contre les groupes terroristes.

Des témoins oculaires à Ouagadougou, la capitale burkinabé, ont confirmé avoir vu un hélicoptère au-dessus de la maison du président renversé, après des tirs sporadiques dans plusieurs bases militaires, ce qui a immédiatement fait craindre un coup d’État militaire dans le pays, qui souffre déjà de conditions économiques et sécuritaires extrêmement difficiles.

Ces craintes sur le terrain ont également été renforcées par le déploiement de soldats burkinabés tout autour du bâtiment de la télévision publique, avec la suspension de tous les services de téléphonie mobile et Internet, depuis dimanche soir.

Si l’on revenait sur le contexte de la crise au Burkina Faso !

Depuis qu’il avait pris le pouvoir à la tête du pays en 2015, le président « destitué », Roch Marc Kaboré, n’a pas concrétisé de réalisations tangibles pour le citoyen burkinabé dans les domaines politique, social, économique et sécuritaire, alors que l’état d’insécurité s’est accru.

Burkina Faso, est un pays à faible revenu et des ressources naturelles limitées, dont l’économie est basée principalement sur le secteur agricole, lequel emploie 80% de la main-d’œuvre locale, depuis le début de l’année 2019, et le déplacement interne de la population a augmenté vertigineusement depuis lors, passant de 50 mille personnes à 1,4 million personnes, en août 2021, représentant ainsi plus de 6% de la population totale du pays.

A noter que cette crise sécuritaire a également entraîné la perturbation de la dynamique de travail de l’État, comme la fermeture d’environ 2.250 écoles (environ 11% de la taille des établissements d’enseignement au Burkina Faso).

Bien que Kaboré ait remporté un nouveau mandat présidentiel à la fin de l’année 2020, il n’a pas engagé de véritables réformes, d’autant plus que le parti au pouvoir, le Mouvement du Peuple pour le Progrès*, et ses alliés, dominait une majorité confortable à l’Assemblée nationale.

• Le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) est un parti politique du Burkina Faso, fondé en janvier 2014 et se réclamant de la social-démocratie, il est issu du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le parti de l’ancien président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir en 2014 lors de la deuxième révolution burkinabé. Ce parti fût fondé par Roch Marc Christian Kaboré, Salif Diallo et Simon Compaoré, d’anciens piliers du CDP.

Sur le plan économique, la croissance au Burkina Faso n’a pas dépassé 1,9% en 2020 en raison des répercussions de la pandémie de Covid-19, et les niveaux de production du secteur agricole sont restés relativement élevés grâce à l’accent mis sur les cultures vivrières et le coton, tandis que le secteur secondaire, représenté dans les mines, a connu une augmentation grâce à l’expansion majeure des mines d’or.

Néanmoins, au cours des derniers mois de 2021 et au début de cette année, le Burkina Faso a connu une vague de protestations populaires, renforcée par de graves répercussions sociales et économiques à la suite de la crise des déplacements internes, qui reste l’une des plus grandes crises similaires aujourd’hui en Afrique, et une alliance des groupes d’opposition au régime, ce qui a imposé une pression croissante et étouffante à l’encontre de ce dernier pour introduire des réformes, y compris la formation d’un nouveau gouvernement et le changement de la direction des armées.

Cependant, le régime de Kaboré n’a pas tenu compte de ces demandes croissantes, se sentant en sécurité du fait du soutien important et permanent dont il bénéficiait de la France, ce qui a approfondi la colère populaire contre le président lui-même et la présence militaire française dans le pays, et dans le contexte d’un sentiment général d’hostilité dans la région du Sahel contre cette présence, ces dernières années, malgré la contribution des forces françaises dans la guerre contre les groupes terroristes.

Ainsi, les conditions sécuritaires, et l’incapacité du régime de Roch Marc Kaboré à avancer dans le dossier de « la lutte contre le terrorisme », parallèlement à la réforme institutionnelle et au renforcement des capacités des forces armées burkinabé, ont incité la situation à se détériorer actuellement d’une manière quasiment identique au « scénario du Mali », tant en interne qu’en externe.

Les militaires et la politique !

L’armée burkinabé a très vite resserré son emprise sur l’administration du pays, le 23 janvier dernier, et a réussi à semer la confusion chez les autorités gouvernementales de l’époque du régime.

Il est à noter que le gouvernement n’a pas répondu sérieusement à une liste de demandes visant à exhorter le régime à travailler sérieusement pour améliorer sa stratégie anti-terroriste, fournir plus de soutien aux forces armées et soigner les blessés et leurs familles.

A noter que les événements récents sont survenus une semaine après l’arrestation de 12 personnes, dont un éminent responsable militaire, accusées d’avoir comploté pour déstabiliser les institutions de l’État, et environ deux mois après que Kaboré ait limogé un grand nombre de hauts responsables militaires, en novembre 2021.

Il s’avère entre-autres que le président Kaboré a également fait face, depuis sa réélection à la présidence pour un second mandat en novembre 2020, à des protestations et à une escalade des appels à sa démission, l’obligeant à changer le Premier ministre et les commandants de l’armée, mais les opposants à sa politique ont souligné l’insuffisance de ces mesures.

Et finalement, dans la soirée du lundi 24 janvier 2022, l’armée burkinabé a résolu la polémique qui avait éclaté tôt en confirmant la destitution du président Kaboré, la suspension de la constitution, la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale ainsi que la fermeture des frontières du pays.

La confirmation était venue dans le contexte de ce que l’armée considérait comme une détérioration de la situation sécuritaire dans le pays et de l’incapacité du président à l’unifier et à répondre efficacement aux défis, notamment terroristes.

Verra-t-on bientôt le pouvoir remis aux civils au Burkina Faso, ou bien la junte militaire va-t-elle s’y agripper de toutes ses forces ?

Anouar CHENNOUFI

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