Covid-19 : pourquoi l’Afrique doit être considérée comme un partenaire

Covid-19 : pourquoi l’Afrique doit être considérée comme un partenaire
Covid-19 : pourquoi l’Afrique doit être considérée comme un partenaire

Africa-Press – Burkina Faso. Le mois dernier, le Cap a accueilli l’une des plus grandes usines de vaccins du monde, qui devrait produire chaque année 1 milliard de doses de vaccin contre la Covid-19 d’ici à 2025. Pour beaucoup, il s’agit d’une étape importante dans les efforts visant à réduire les besoins en vaccins de l’Afrique vis-à-vis de l’Occident. Cela montre également que l’expertise médicale de l’Afrique du Sud, qui a permis au monde de prendre conscience de l’existence des variants Beta et Omicron, en fait l’une des meilleures plaques tournantes pour fournir au continent les doses dont il a tant besoin.

Démarche d’autosuffisance

Cette initiative, ainsi que d’autres efforts visant à développer la production de vaccins au Maroc, au Rwanda, au Sénégal et dans d’autres pays, est considérée comme des mesures d’autosuffisance en réponse à une crise mondiale qui a vu les pays riches accumuler des doses, bloquer les propositions de partager le droit de propriété intellectuelle sur les vaccins et ne pas respecter leurs engagements d’aide étrangère, de sorte que seul un Africain sur dix est complètement vacciné.

Un potentiel à ne pas sous-estimer

Ainsi, les pays de l’UA disposent d’un énorme potentiel pour devenir de véritables acteurs dans la lutte mondiale contre le Covid : une philosophie qui doit être au premier plan lors de la rencontre des dirigeants mondiaux pour le sommet UA-UE, cette semaine. Le président français Emmanuel Macron, dans son rôle à la tête de l’Union européenne, a une occasion unique lors de ce sommet de faire preuve de son aptitude à diriger et d’aider à mettre fin à cette pandémie en encourageant les autres États membres à cesser de bloquer la dérogation ADPIC – une proposition de suspendre les règles de propriété intellectuelle pour tous les vaccins, tests et traitements contre le Covid-19, soutenue par plus de 120 pays – à l’Organisation mondiale du commerce. Il est grand temps que les pays de l’UA soient considérés comme des partenaires dans la lutte contre le Covid-19 et non comme des assistés. Les idées fausses sur la réponse des pays africains à la pandémie abondent, perpétuant le récit néfaste du continent comme un cas de charité. Toutefois, la réalité est tout autre. Par exemple, selon le groupe à but non lucratif Development Reimagined, les pays africains, malgré les contraintes, réalisent des investissements responsables dans la santé publique.

Des investissements responsables en santé publique

Cette ONG estime que les pays du continent ont prévu dans leurs budgets nationaux 63 milliards de dollars pour lutter contre le Covid-19 pour le seul exercice 2020-2021, soit 2,3 % du PIB africain. Dans le même temps, les pays africains sont pénalisés dans leurs dépenses, même si ces dépenses sont nécessaires en vue de répondre à la crise sanitaire mondiale. Par exemple, les agences de notation viennent de rétrograder la note souveraine du Ghana en raison de sa dette, qui a atteint 82 % du PIB.

En outre, malgré les difficultés liées à la réception de doses en quantité imprévisible avec un délai de préavis très court, la plupart des gouvernements africains font d’énormes efforts pour assurer l’injection des vaccins et éviter de gaspiller les doses. Selon le Dr John Nkengasong, directeur des Centres africains pour le contrôle et la prévention des maladies, seulement 0,5 % du total des vaccins reçus est périmé sur tout le continent africain, soit bien moins que dans d’autres régions du monde, y compris en France. Lorsque des doses sont périmées, c’est en grande partie parce que de nombreuses livraisons de vaccins donnés en 2021 ne sont parvenues dans les pays qu’à quelques semaines de leur date d’expiration.

Penser la santé publique comme un bien mondial

Ces faits soulignent pourquoi la réponse sanitaire mondiale axée sur la charité, qui a vu l’Afrique continuer à dépendre de l’aide étrangère au compte-gouttes et dont le modèle même a conduit à des systèmes de santé inexistants ou fragiles dans de nombreux pays africains, doit cesser. Nous devons plutôt repenser la santé publique comme un bien mondial dont les effets et les avantages transcendent les frontières. Il est temps de repenser les activités de recherche, de développement et de production de vaccins comme une science publique, dont les résultats devraient être partagés pour le bien public.

En prévision du prochain sommet UA-UE, le président français Emmanuel Macron a déclaré qu’il serait en faveur d’une licence mondiale pour les vaccins contre le coronavirus qui supprimerait les barrières de propriété intellectuelle. Tout au moins, les dirigeants européens doivent accepter de lever les obstacles à l’acquisition des capacités, de la propriété intellectuelle et des technologies dont l’Afrique a besoin pour fabriquer ses propres vaccins. Cependant, c’est beaucoup moins ambitieux que la proposition de dérogation à l’ADPIC de l’Inde et de l’Afrique du Sud, qui couvrirait non seulement les brevets mais aussi d’autres formes de propriété intellectuelle, que l’UE continue de bloquer à l’Organisation mondiale du commerce.

Se servir de tous les outils politiques et juridiques

Cette proposition est bloquée par l’intransigeance de pays, dont l’Allemagne, qui ont donné la priorité à la protection des intérêts de leurs propres industries pharmaceutiques. Les gouvernements de l’UE devraient également employer tous les outils politiques et juridiques disponibles pour pousser les sociétés pharmaceutiques à partager la technologie et le savoir-faire en matière de vaccins par le biais du pool d’accès aux technologies Covid de l’OMS, le C-TAP, un pool mondial volontaire de propriété intellectuelle, et du hub mRNA d’Afrique du Sud. Le récent accord entre l’Espagne et l’OMS pour développer un test d’anticorps est un bon exemple des types de partenariats C-TAP possibles.

Faire attention aux conséquences de l’injustice vaccinale

De son côté, le président français Emmanuel Macron a salué les résultats de l’UE en matière d’exportation de vaccins, mais, en réalité, sur les 10 milliards de doses administrées fin janvier, 77 % l’ont été dans les pays les plus riches. Cette injustice vaccinale qui perdure doit rester gravée dans la mémoire de l’humanité. Si cette inégalité persiste, des variants dangereux continueront à circuler, menaçant des vies, la santé et la reprise économique.

La pandémie de Covid-19 a démasqué les intérêts personnels qui sous-tendent les dynamiques mondiales favorisant les pays riches du Nord en nous portant préjudice à tous. Il est grand temps de briser ce cycle de dépendance et de le remplacer par une coopération sanitaire mondiale fondée sur le respect mutuel et la justice.

* Aggrey Aluso est directeur du programme santé et droits de l’Open Society Initiative en Afrique de l’Est.

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