Africa-Press – Burkina Faso. C’était le 19 janvier. Ce jour-là, Ousmane Bougouma recevait, tout sourire, ses prédécesseurs au perchoir. Parmi eux, Alassane Bala Sakandé, Apollinaire Ouattara, ou encore Roch Marc Christian Kaboré qui, avant d’être chef de l’État, avait présidé l’Assemblée nationale entre 2002 et 2012. Objectif de leur hôte : obtenir leur soutien et leurs conseils pour mener à bien sa mission à la tête de l’Assemblée législative de la transition (ALT). Depuis la prise du pouvoir par le capitaine Ibrahim Traoré, le 2 octobre 2022, Ousmane Bougouma, 41 ans, est en effet l’une des figures (civiles) centrales du régime de transition burkinabè.
1 – Solidarité « révolutionnaire »
« Nous avons une responsabilité devant l’histoire. Nous devons tous écouter nos peuples. » En visite le 5 février à Conakry, à l’occasion des célébrations du premier anniversaire de la mise en place du Conseil national de la transition (CNT) guinéenne par Mamadi Doumbouya, Ousmane Bougouma avait insisté sur le parallèle entre le Burkina Faso et les transitions à l’œuvre « au Tchad, au Mali et en Guinée ».
Lors de son discours devant les membres de l’organe de transition guinéenne, Bougouma n’avait pas tari d’éloges sur « le travail abattu [par le CNT] : réformer et recadrer par une législation révolutionnaire ». Une manière de « légiférer autrement », dont le Burkina Faso était, selon lui, « un exemple ».
2 – Clément avec les putschistes
Son soutien aux putschistes, l’actuel président de l’Assemblée législative de la transition l’a affiché dès les jours qui ont suivi la prise du pouvoir par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Le 13 février 2022, alors que le Conseil constitutionnel venait de désigner Damiba comme président de la transition, Ousmane Bougouma légitimait son coup d’État sur les ondes de la Radiotélévision nationale du Burkina (RTB).
« La situation exceptionnelle peut justifier, effectivement, que l’on aménage quelque peu nos règles constitutionnelles afin de retrouver notre intégrité territoriale », arguait-il. Quant à la Cedeao, qui faisait alors pression sur la junte pour obtenir un calendrier de retour à l’ordre constitutionnel, il lui enjoignait de « comprendre qu’il faut donner un délai raisonnable aux différentes transitions afin qu’elles puissent résoudre les problèmes qui ont conduit à ces prises de pouvoir non constitutionnelles ».
3 – Le choix des capitaines
Malgré ce soutien de la première heure, c’est à la surprise générale qu’Ousmane Bougouma a été élu très largement à la tête de l’ALT (65 voix sur 67), le 11 novembre 2022. Selon des sources concordantes, la candidature de Bougouma était soutenue par le capitaine Oumarou Yabré, lui-même nommé deux semaines auparavant directeur général de l’Agence nationale de renseignement (ANR).
Cet officier, qui fut l’un des meneurs du coup d’État ayant porté le capitaine Ibrahim Traoré au pouvoir, avait siégé aux côtés d’Ousmane Bougouma au sein de l’ALT lors du court passage aux affaires du lieutenant-colonel Damiba.
4 – Continuité dans la transition ?
À la tête de la Commission des affaires générales, institutionnelles et des droits humains (Cagidh) au sein de la précédente ALT, Bougouma incarne une forme de continuité de la vie parlementaire sous la transition.
La présidence de la Cagidh est un poste clé au sein de l’ALT. Cette commission est en effet compétente sur les questions constitutionnelles comme judiciaires – dont la levée d’immunité parlementaire. « Elle reçoit beaucoup de dossiers à examiner, car la majorité des projets de loi sont de portée générale », souligne l’ancien député Yahaya Zoungrana. Un poste stratégique, donc, qui a aidé Bougouma à s’imposer à la tête de la nouvelle ALT.
5 – Pas numéro deux du régime
Sous la présidence de Paul-Henri Sandaogo Damiba, Ousmane Bougouma était, en tant que président de l’ALT, son dauphin constitutionnel en « cas d’empêchement absolu par décès, démission ou incapacité définitive constatée par le Conseil constitutionnel ».
Depuis l’adoption de la charte de la transition, en octobre 2022, ce n’est plus le cas. « En cas de vacance de la présidence de la transition, les fonctions du président de la transition sont exercées par le Premier ministre en attendant la désignation d’un nouveau président de la transition », stipule le texte en son article 5. C’est donc Apollinaire Joachim Kyelem de Tambèla qui est aujourd’hui le numéro deux dans l’ordre constitutionnel.
6 – De la même région que Compaoré et Kaboré
Comme les ex-présidents Blaise Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré, Ousmane Bougouma vient de la région du Plateau central, dont la capitale est Ziniaré, à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou. Il s’implique régulièrement dans les activités associatives locales. Ce sont les notables de cette région qui l’ont désigné pour les représenter à l’ALT, d’abord sous le lieutenant-colonel Damiba, puis sous le capitaine Traoré.
7 – Prince héritier… et pêcheur
L’actuel président de l’ALT est membre de la famille royale de Matté, un village de la commune de Ziniaré, le fief de Blaise Compaoré. Il en est même l’un des princes héritiers par son défunt père, ex-chef du village.
Dans un tout autre registre, ce père de quatre enfants est aussi un adepte de la pêche. Une passion qu’il pratique depuis son enfance à Betta, un village de la commune de Ziniaré situé à quelques encablures du barrage de Ziga d’où est originaire sa mère. Le jeune Ousmane Bougouma a passé plus de dix ans dans ce village réputé pour ses activités piscicoles.
8 – Juriste réputé
Ousmane Bougouma est maître-assistant de droit privé à l’université Thomas Sankara de Ouagadougou. Il enseigne également cette matière dans plusieurs instituts d’enseignement supérieur au Burkina Faso. Il a également été administrateur de l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) de 2020 à 2022, et conseiller juridique de la présidence de l’université Joseph Ki-Zerbo, à Ouagadougou.
Son attrait pour le droit remonte à ses années au lycée provincial Bassy de Ziniaré. Alors en classe de 1ère, le jeune Bougouma assiste à un procès au tribunal de grande instance de la ville. Selon un de ses intimes, il avait été « séduit par l’art oratoire et la maîtrise des lois » de l’un des avocats. Ousmane Bougouma a, depuis, écrit ou coécrit plusieurs ouvrages consacrés au droit.
9 – Polyglotte et réseauté
Parlant parfaitement le mooré, le français, l’allemand et l’anglais, l’actuel président de l’ALT dispose d’un réseau solide au Burkina Faso et dans la sous-région, mais aussi en Europe où il a fait une partie de ses études supérieures. Il a notamment étudié à l’université de Rouen, où il a obtenu un doctorat en droit privé.
Au fil de sa carrière de juriste et d’enseignant, il s’est vu confier plusieurs missions qui l’ont amené à tisser des relations dans toute l’Afrique de l’Ouest. En 2016, il avait ainsi été missionné par la commission de l’Uemoa pour réaliser une étude sur la fiscalité des hydrocarbures au sein de l’union monétaire ouest-africaine.
10 – Gouvernance sobre ?
Dès son arrivée au perchoir, Bougouma a appelé ses collègues députés à « légiférer autrement » et à mener « un contrôle sans complaisance de l’action gouvernementale ». « Je vous exhorte à la sobriété, à l’effort collectif et à l’engagement patriotique », avait-il notamment lancé aux membres de l’Assemblée dans son discours d’intronisation.
Signe de cette sobriété revendiquée : Ousmane Bougouma a choisi de rester chez lui, dans le 11e arrondissement de Ouagadougou, plutôt que d’occuper la résidence dédiée au président de l’ALT,
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