Étude de l’ONG CAR sur l’origine des armes au Sahel : Des conclusions scientifiquement non fondées et politiquement biaisées selon François Oubida

Étude de l'ONG CAR sur l'origine des armes au Sahel : Des conclusions scientifiquement non fondées et politiquement biaisées selon François Oubida
Étude de l'ONG CAR sur l'origine des armes au Sahel : Des conclusions scientifiquement non fondées et politiquement biaisées selon François Oubida

Africa-Press – Burkina Faso. Dans cette tribune parvenue à , l’ambassadeur François Oubida s’oppose aux conclusions d’une étude menée par l’ONG Conflict Armament Research (CAR) et publiée chez Jeune Afrique et quelques médias occidentaux.

Le 29 avril 2025, Jeune Afrique et des médias occidentales ont répercuté dans leurs publications respectives, les conclusions d’un document dit de recherche, menée par une organisation non gouvernementale (ONG) basée en Grande Bretagne, du nom de ‘’Conflict Armament Research (CAR).

Sous le titre ‘’Sahel: sur l’origine des armes utilisées par les groupes jihadistes dans la région’’, Jeune Afrique souligne que cette ‘’organisation de recherche a axé ses travaux sur les groupes islamistes présents dans le bassin du lac Tchad et dans la zone dite des « trois frontières ». Cette recherche selon le journal, ‘’révèle que la plupart du matériel de combat utilisé par les terroristes provient directement de la région et que 20% de ces arsenaux sont directement issus des armées nationales sahéliennes’’. Il ajoute comme constat, qu’ils ont été acquis grâce à ‘’une démarche opportuniste, s’appuyant sur les dynamiques locales et les contraintes logistiques’’.

Le journal dans sa publication, donne des éléments de détails selon trois axes.

– Le premier axe stipule que les jihadistes utilisent essentiellement du ‘’ matériel pillé

aux armées nationales’’. Pour étayer cette assertion, les enquêteurs auraient répertorié 726 armes saisies auprès de groupes jihadistes dans le Sahel entre 2014 et 2023. Il y est souligné que celles-ci auraient été récupérées par les autorités nationales au Burkina Faso, au Mali et au Niger.

Sur la base de cette approche, indique encore Jeune Afrique, les chercheurs ont abouti à la conclusion selon laquelle il ne semble pas y avoir de preuves que les deux plus influents groupes jihadistes de la région, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) et l’État islamique au Sahel (EIS), malgré leurs affiliations respectives à Al-Qaïda et à l’État islamique, aient pu accéder directement à des armes en dehors du Sahel central’’. Ils étayent cette perception en qualifiant les dit jihadistes d’ ‘’acteurs très locaux et très opportunistes’’.

– Au niveau du deuxième axe, le document en question aurait fait ressortir que la

plupart des armes saisies sont des fusils d’assaut vieux de plusieurs décennies. Il les répertorie comme étant « de type militaire » de fabrication chinoise ou russe. Il noterait aussi que ces armes représentent 78 % de l’arsenal dans le Liptako-Gourma et 85 % autour du lac Tchad et auraient été produites en particulier dans les années 1960 et 1970.

Dans son développement, le document aurait relevé qu’en ‘’plus des pillages provenant des forces de sécurité des pays de la région, les groupes jihadistes s’appuient donc aussi sur du matériel de combat « hérité » de conflits antérieurs en l’achetant sur « des marchés illicites ». Il y serait en outre mentionné que les années 2011-2012 correspondent à la période où Mouammar Kadhafi est tombé, mais aussi à la rébellion qui s’est intensifiée dans le nord du Mali, « deux crises sécuritaires au cours desquelles de grandes quantités d’armes ont été détournées des stocks gouvernementaux » tout en concluant ce qui suit: ‘’seulement 7 % des armes salafistes jihadistes répertoriées proviennent des stocks de la Jamahiriya et leur approvisionnement ne se fait pas sur des circuits de longue portée mais vraisemblablement sur des marchés clandestins locaux.

– Le troisième axe aurait mis en lumière que les drones seraient le nouvel outil pour les

Jihadistes. Jeune Afrique note que le document fait ressortir qu’au-delà des fusils d’assaut et d’artillerie saisis lors d’attaques contre les armées nationales, les groupes jihadistes sahéliens s’orientent de plus en plus vers l’utilisation militaire de drones civils. Ils transformeraient désormais ces petits appareils en y ajoutant une charge explosive, qu’ils lancent contre des positions militaires.

A la lecture de ces éléments mis en lumière par Jeune Afrique, l’impression majeure qui s’en dégage est que ces allégations sont scientifiquement non fondées et politiquement biaisées.

1.Lacunes scientifiques

Toute recherche tire son caractère scientifique à partir d’une démarche conventionnelle qui en est le fondement. De cette démarche, l’hypothèse et la théorie occupent une place très importante. Il en est de même pour l’échantillonnage. Ces éléments rendent les résultats vérifiables. A l’évidence, l’ONG CAR n’est pas alignée sur cette règle. Un coup d’œil sur son site web, nous renseigne sur les aspects fondamentaux de sa méthodologie de recherche:

Les équipes d’enquête sur le terrain de la Recherche sur les armements en situation de conflit (RCA) documentent la présence d’armes, de munitions et de matériel illicites dans les zones touchées par le conflit et retracent leurs sources d’approvisionnement.

Lire aussi: Relations internationales: « Tinzawatène et Barsalogho me semblent porter le deuil de la CEDEAO et de l’ONU » (François Oubida)

Les équipes d’enquête sur le terrain documentent tous les articles par des photographies, datent et géo-référencient les sites de documentation. La structure travaille également avec des collecteurs de données locaux (SDL) sous contrat, qu’elle a formés pour soutenir la collecte de données dans des lieux sensibles.

La structure ne retrace qu’une partie des éléments qu’elle documente sur le terrain. Elle contacte tous les gouvernements et les entreprises mentionnés de manière substantielle dans ses rapports, et conserve tous les documents, notes d’entrevue, courriels, enregistrements, photographies et autres données obtenues de tiers dans un format sécurisé et crypté.

La structure complète le traçage formel des armes par l’analyse des preuves matérielles recueillies sur les armes elles-mêmes et sur le matériel connexe (documents gouvernementaux, commerciaux, de transport et autres ; et l’entrevue de personnes ayant des connaissances ou de l’expérience des transferts d’équipement faisant l’objet d’un examen).

L’observation que je formule à ce niveau est que si ces armes ont été acquises suite à des pillages des stocks des forces armées nationales, l’étude ne peut faire foi que si elle donne aussi des preuves concrètes de ce pillage et les caractéristiques des armes détenues par ces forces nationales.

Outre l’absence d’information sur les hypothèses et théories de la recherche, il apparait dans la méthodologie que l’accent est plutôt mis sur l’inspection des armes, munitions et matériels considérés comme illicites dans des zones touchées par des conflits. A partir de quel moment les armes concernées sont-elles illicites dans la mesure où elles proviendraient des stocks des forces armées nationales ?

Par ailleurs, elle fait allusion à une collaboration avec les Etats mais ne dit pas comment et dans quelle circonstance ceux-ci mettent à la disposition des chercheurs, les éléments d’information qui alimentent les analyses.

Il est non plus un secret pour personne que le traçage des armes et même des munitions demeurent une question en débat entre les fabricants d’armes et les pays comme ceux qui composent le Sahel. Le marquage souhaité par ces derniers demeure un vœu pieux.

1.Un article politiquement biaisé

A la lecture des extraits présentés par le journal Jeune Afrique, il se dégage une forte sensation que l’objectif de la recherche en objet vise plutôt à manipuler l’opinion qu’à la renseigner objectivement.

En effet, parlant du Mali, du Burkina Faso et du Niger, il n’est un secret pour personnes que leurs armées étaient sous équipées. Comment peut-on donc piller des armes dans ces pays de manière à alimenter le terrorisme (qualification officielle au Burkina Faso) telle que nous le constatons à partir des renseignements fournis par les sources officielles ?

D’autre part, en concluant que très peu d’armes utilisées proviennent des réserves du Colonel Kadhafi, la structure ne cherche-t-elle pas à dédouaner ses bailleurs de fonds ? Cette assertion est du reste en contradiction avec son développement selon lequel la chute de Kadhafi et l’intensification de la rébellion au Mali seraient les sources principales des armes détenues par les jihadistes. Il est sans conteste que le jeu trouble joué par l’occident reste vivace dans les esprits. Les conclusions résultant de cette recherche pourraient donc être brandies pour les resasser.

Il est également certain que les conclusions sonnent comme un soulagement dans les oreilles occidentales quand elles attribuent sans détour, la paternité de l’échantillon examiné à la Fédération de Russie et à la République Démocratique Populaire de Chine. Pourtant, si une telle assertion était avérée, elle serait fondamentalement et politiquement due au fait que les pays occidentaux ont pris soin de broder des mécanismes internationaux qui leur permettent de maintenir entre autres, les armées des États du Sahel sous équipées et ainsi se positionner comme les seuls à même de défendre directement ces pays ou leurs gouvernements ou indirectement par des forces internationales en cas de menaces armées.

Mais toute occasion n’est-elle pas bonne pour essayer d’étayer la théorie de la nouvelle tendance hégémonique de ces pays vis-à-vis e l’Afrique ?

En conclusion, et sous réserve des éclairages plus avisées de nos structures officielles sur la portée du document en question, il me semble que cette ONG est plutôt une caisse de résonnance qu’autre chose.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

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