Le Burkina Faso : D’Ibrahim Traoré à Damiba…et aux éventuelles élections en 2024 !

Le Burkina Faso : D’Ibrahim Traoré à Damiba…et aux éventuelles élections en 2024 !
Le Burkina Faso : D’Ibrahim Traoré à Damiba…et aux éventuelles élections en 2024 !

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Le Burkina Faso a enregistré un record dans le transfert illégal du pouvoir par le biais des coups d’État militaires, et pour la neuvième fois depuis son indépendance en 1960, le pouvoir dans ce pays enclavé de la région du Sahel au nord-ouest de l’Afrique a été renversé.

C’est ainsi que l’’année 2022 a vu deux coups d’État consécutifs parmi ces neuf putschs.

Pour remettre les pendules de nos lecteurs et lectrices à l’heure et les éclairer, nous avons vu utile de faire tourner la bobine des évènements un peu en arrière pour revenir sur la situation préoccupante au Burkina Faso.

Le président de transition déchu Damiba

8ème Coup d’Etat

Au début de l’année 2022, plus exactement le 24 janvier dernier, un groupe de militaires dirigé par le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba s’est rebellé contre le président démocratiquement élu, Roch Marc Christian Kaboré.

Le président déchu fut arrêté, ainsi qu’un certain nombre de hauts responsables et fonctionnaires liés à son régime, et les putschistes ont annoncé leur prise du pouvoir, avant de dissoudre le Gouvernement et l’Assemblée nationale et prendre la décision de suspendre la constitution et de fermer toutes les frontières du pays, et cela nous a menés à nous poser la question à propos des facteurs et des raisons qui ont poussé à la répétition du putsch au Burkina Faso en moins d’un an !

Le Capitaine Ibrahim Traoré le nouvel homme fort au Burkina Faso

9ème Coup d’Etat – Motifs et raisons

Tout juste huit mois après le coup d’État de Damiba, soit le vendredi 30 septembre 2022, la capitale, Ouagadougou, s’est réveillée sur le retentissement d’explosions et de coups de feu, qui ont plongé le pays dans un état d’incertitude qui n’a duré que quelques heures.

Peu de temps après, un groupe de militaires a annoncé dans un communiqué lu à la télévision nationale qu’ils avaient, sous la conduite du capitaine Ibrahim Traoré, décidé de limoger le Lieutenant-colonel Damiba en raison de son incapacité à arrêter l’insurrection terroriste croissante dans le nord et l’est du pays, qui a déplacé près de deux millions de personnes.

La déclaration du coup d’État indiquait également que « Damiba » s’intéressait davantage à la politique qu’à la sécurité, et que ses choix dangereux affaiblissaient progressivement la sécurité du pays, et les putschistes annonçaient la suspension de la constitution et de la charte de transition, la fermeture des frontières, et l’instauration d’un couvre-feu la nuit.

Selon ce qui avait été annoncé par les deux « putschistes », chacun à son époque, la raison de son coup d’État était la détérioration de la situation sécuritaire à la suite de l’échec du responsable du pouvoir à éliminer ou à limiter les attentats terroristes, en particulier dans le nord et l’est du pays.

Et afin d’identifier les véritables causes des coups d’État, le premier montrait à l’époque un certain nombre de raisons internes, dont les plus importantes sont :

• l’enracinement de la culture du transfert radical de pouvoir,

• le retard du développement global,

• la tyrannie politique,

• la perpétuation du pouvoir,

• la propagation des groupes armés,

• la perte de sécurité,

• la lutte pour le pouvoir,

• les tendances individuelles des militaires,

• et la contagion des coups d’État.

En termes de causes externes, il y a une seule raison, très importante, qui apparaît nettement et qui est l’ambition persistante des puissances internationales de s’emparer des richesses et des ressources du pays et d’exploiter sa position stratégique.

• Comment lire la scène burkinabé pour connaître les vraies causes du récent coup d’État?

• Qui est derrière ce coup d’État, l’a orchestré et soutenu ?

Indicateurs convaincants

Une bonne lecture de la scène burkinabé nécessite de prendre en compte les interactions qui ont lieu dans le contexte d’accompagnement dont les plus importantes sont :

1- Conflit international

Les opinions sont recueillies convergent toutes sur le fait que l’Afrique est l’une des régions les plus touchées (positivement et négativement) par le conflit international entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, en particulier après le déclenchement de la guerre russe contre l’Ukraine, et la région du Sahel, nord-ouest de l’Afrique, reste l’une des régions les plus touchées par la guerre d’influence que la Russie et la Chine mènent dans les zones d’influence françaises traditionnelles dans le Sahel, et au centre et à l’ouest de l’Afrique, et cette guerre d’influence s’est étendue au Burkina Faso, et cela s’est manifesté dans la planification, la direction et le soutien de la France, comme il a été fait allusion auparavant pour le coup d’État de janvier (du Lieutenant-colonel Damiba), et il est probable que le coup d’État de septembre (du Capitaine Traoré) s’est déroulé dans le cadre de ladite guerre d’influence.

2- Neutralité de la France ?

Le Burkina Faso, en tant qu’ancienne colonie française, est l’une des zones les plus importantes d’influence française, et c’est pour cette raison qu’il y existe un grand nombre de forces armées et de bases militaires françaises, et il ne fait aucun doute que la première tâche de ces forces est de prévenir et d’empêcher tout ce qui affecte négativement les intérêts français. Et si l’un des coups d’État de 2022 avait nui aux intérêts français, la France l’aurait empêché avant ou quand cela s’est produit, ce qui est une tâche facile que les forces françaises présentes dans la capitale , “Ouagadougou”, pouvaient accomplir, et il n’y a aucune preuve de cela de la facilité des deux coups eux-mêmes sans perte de vie, cependant, les forces françaises ne sont pas intervenues pour l’empêcher ou l’interdire et ont préféré la neutralité.

3- Manœuvre et efforts de « Damiba » et de son gouvernement

Selon la perception que nous avons adoptée, « Damiba » s’appuyait beaucoup sur le grand soutien français pour éliminer ou réduire le chaos sécuritaire qui dominait la scène burkinabé sous le règne du président Kaboré, cependant, l’Elysée l’a laissé tomber dans une large mesure en raison de sa préoccupation pour les affaires intérieures, de la lutte en cours pour l’influence internationale et de sa réticence à s’impliquer de manière large et directe dans la guerre contre le terrorisme, qui a été explicitement déclarée par le président Emmanuel Macron, donc Damiba a tenté de provoquer la France pour arriver à ses buts sécuritaire auprès d’elle, en manœuvrant (ou en cherchant) du côté de l’est, par le biais de certains commandants militaires à diversifier les partenariats afin de trouver des solutions efficaces face à la menace terroriste.

Dans ce contexte, le Premier ministre du gouvernement de transition du Burkina Faso, Albert Ouédraogo, a également annoncé fin août dernier que le Burkina Faso se réservait le droit de diversifier ses partenaires, quitte à contrarier les partenaires historiques, faisant allusion à la France, et a même déclaré : « Il y a des interrogations sur le partenariat qui nous lie avec la France », quant à « Damiba » lui-même, début septembre, sa première visite à l’étranger fut au Mali, qui échappa à l’emprise de la France et prolongea les ponts de coopération avec la Russie , puis environ deux semaines plus tard, « Damiba » a rencontré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.

A ce propos, la présidence du Burkina Faso a voulu clarifier la question en déclarant que la rencontre a été consacrée à discuter des mécanismes de renforcement de la coopération entre les deux pays, et la présidence burkinabé a évoqué la coopération établie entre les deux pays, qui remonte à plus de 50 ans, et a ajouté qu’aujourd’hui « nous cherchons à restaurer et à renforcer cette coopération afin de relever les défis du moment actuel », et la ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso Olivia Rouamba, qui a assisté aux pourparlers, a déclaré à la presse : « Maintenant, nous avons un grand désir de renforcer cette coopération, et de l’amener à un niveau qui profite aux deux pays ».

Position de la CEDEAO

Malgré la condamnation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) des Coups d’État au Burkina Faso, cependant, elle n’a pas imposé de sanctions contre le Burkina Faso, comme fût le cas pour le Mali ou même pour la Guinée, ce qui indique que la France a peut-être exercé des pressions sur la CEDEAO concernant d’éventuelles sanctions contre Burkina Faso.

Sur la base des preuves et des indicateurs susmentionnés, nous pouvons dire que la France, après avoir parrainé le coup d’État de janvier 2022, n’était ni capable ni disposée à l’époque à répondre aux aspirations de Damiba à affronter à l’état de chaos et d’anarchie, ce qui l’a mis dans une position critique devant les élites de l’opposition, et au niveau populaire.

Damiba a tenté de manœuvrer, et a fait de véritables pas à l’est vers la Russie, à l’instar du Mali, ce qui nous amène à dire que le coup d’État de Traoré est une « réponse française rapide et dure aux manœuvres de Damiba », et ce qui étaye cette opinion c’est que le coup d’État perpétré par IBrahim Traoré est intervenu après près d’un mois de discussions sur la diversification des partenariats étrangers de Ouagadougou, et quelques jours seulement après la rencontre Damiba-Lavrov.

En plus, ce qui renforce cette thèse, c’est que « La France est la plus grande ou la seule victime d’un éventuel rapprochement de Damiba avec la Russie ».

Mais le succès de Traoré à maintenir le pouvoir et à éviter ce à quoi son prédécesseur a été exposé est toujours une question de développements politiques internes et de la nature des rôles des parties étrangères, en particulier de la France, qui a de grands intérêts au Burkina Faso, et donc il est possible de voir des coups d’Etat à venir, si Traoré ne parvient pas à corriger les erreurs de ses prédécesseurs !!

Rejet de la politique « françafricaine »

En fonction de ce qui s’est passé le constat qui s’impose, c’est que les populations africaines, dans leur écrasante majorité, rejettent la politique « françafricaine » adoptée par la France et qui est à différencier du peuple français. L’éviction par des militaires, dans certains pays, des présidents africains accusés d’être impuissants face à la menace terroriste et d’avoir lié leur sort à un soutien français inefficace s’explique, entre autres, par la dégradation de la situation sécuritaire dans le Sahel et la paupérisation généralisée subséquente.

La défiance des populations africaines envers l’armée française s’explique par l’échec de sa lutte contre le terrorisme. Après près de 10 ans d’opérations militaires dans la région du Sahel africain et malgré une présence forte, au départ, de 4600 hommes et femmes (opération Serval) et, plus tard, de 5100 soldats (opération Barkhane), l’armée française n’a pas réussi à endiguer l’avancée des mouvements terroristes qui, aujourd’hui, menacent les régions côtières du golfe de Guinée.

Les groupes armés et les organisations terroristes, au lieu de donner l’opportunité à la France de s’affirmer comme puissance militaire sur le continent, a révélé plutôt la fragilité de son armée dans les confrontations asymétriques.

Alors que certains analystes estiment que le soutien populaire sans pareil, dont bénéficient les putschistes, constitue un pilier sur lequel les nouvelles autorités peuvent s’appuyer et peuvent également exploiter pour revoir le contenu des accords et du partenariat stratégique avec la France ou avec d’autres, et ce dans le meilleur intérêt du peuple, d’autres soutiennent que l’énorme soutien populaire aux nouvelles autorités peut constituer un défi plutôt majeur pour elles, en particulier à la lumière des données géopolitiques mondiales qui restreignent la liberté de choisir des partenaires, à la suite du retour de la guerre froide au premier plan dans une nouvelle parure.

Bien sûr, la manière dont les nouvelles autorités traiteront les questions de sécurité et de la relation franco-burkinienne, à la lumière du sentiment croissant contre la présence des missions diplomatiques françaises dans le pays, posera un défi majeur au nouvel homme fort au Burkina Faso Ibrahim Traoré et à son groupe. .

Malgré les espoirs suscités par la bonne biographie du nouveau dirigeant et sa forte volonté de gagner la bataille et de vaincre le terrorisme (une des justifications du coup d’État, « assurer la sécurité et la stabilité du pays et le retour des déplacés dans leurs zones » reste la priorité des burkinabé en ce moment.

Choix d’Apollinaire Joachim Kyélem de Tembèla comme Premier ministre

S’activant à mettre tous les rouages en marche après son coup d’Etat du 30 Septembre dernier, le président de transition du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, a choisi l’avocat Me Apollinaire Joachim Kyélem de Tembèla, âgé de 64 ans, comme « Premier ministre ».

Le nouveau Premier ministre burkinabé présidait le Centre de recherche internationale et stratégique, qui n’est autre qu’un groupe de réflexion. Il est docteur en droit formé à Nice, où il a également enseigné. Il est l’auteur de plusieurs livres dont “Thomas Sankara et la Révolution au Burkina Faso – Une expérience de développement autocentré.

A noter que peu avant cette nomination, le Conseil constitutionnel du Burkina Faso a installé le Capitaine Ibrahim Traoré en tant que « Président de transition », lequel a prêté le serment constitutionnel :

« Je jure devant le peuple burkinabé et sur mon honneur que je préserverai, respecterai et défendrai la constitution, la charte de transition et les lois » au Burkina Faso, a déclaré Traoré en levant la main droite pour prêter serment devant le Conseil constitutionnel. .

Traoré est ainsi le deuxième putschiste installé par le Conseil constitutionnel en huit mois, après l’investiture du Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, arrivé au pouvoir à la suite d’un coup d’État perpétré fin janvier 2022, avant de subir à son tour un coup d’Etat qui le renversa le 30 septembre dernier dans ce pays « miné par la violence terroriste ».

Retour sur le choix du peuple

Plusieurs manifestants ont scandé des slogans en faveur de Traoré, dont nous avons sélections ceci :

• «Nous voulons le capitaine Traoré ou rien. Il faut que les participants aux assises comprennent clairement ce message et suivent le choix du peuple », a déclaré un manifestant, Sayouba Ouedraogo.

• «Nous savons exactement ce que nous voulons » et « c’est la confirmation du capitaine Traoré comme chef de l’État et président du Burkina Faso », a dit pour sa part Monique Yeli Kam, qui représente le Mouvement pour la renaissance du Burkina (MRB, ex-opposition) aux assises. Selon elle, il (Traoré) « incarne le renouveau, un renouvellement générationnel, une rupture avec les anciennes pratiques ».

Ceci dit, le capitaine Traoré a été désigné par des assises nationales rassemblant quelque 300 représentants de l’armée et la police, des organisations coutumières et religieuses, de la société civile, des syndicats, des partis et des déplacés internes victimes des attaques commises par les groupes armés qui frappent le Burkina depuis 2015.

A noter que l’Article 5 la Charte de transition stipule que « le président du MPSR (Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration) assure les fonctions de président de la transition, chef de l’État, et chef suprême des Forces armées nationales ».

A ce propos, l’un des membres de la junte aurait affirmé auparavant que cet article avait été adopté « à l’unanimité ».

Par ailleurs, l’Article 4 de cette charte souligne que « le mandat du président de la transition prend fin avec l’investiture du président issu de l’élection présidentielle » prévue d’être organisée en 2024. Ledit article précise que « le président de la transition n’est pas éligible aux élections présidentielle, législatives et municipales qui seront organisées pour mettre fin à la transition ».

Lors de son investiture, le capitaine Ibrahim Traoré a assuré que Ouagadougou continuerait à respecter les engagements pris sous le Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, vis-à-vis de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en particulier sur l’organisation d’élections et un retour de civils au pouvoir au plus tard en juillet 2024.

Quel avenir politique au Burkina Faso

Il est encore tôt d’anticiper la situation politique future au Burkina Faso. Bien que le conseil militaire ait nommé Ibrahim Traoré à la présidence, le mouvement putschiste n’en est qu’à ses débuts, et le projet de transition du nouveau régime n’est pas définitivement établi dans tous ses détails et ses particularités. Mais l’avenir de la scène politique au Burkina Faso semble quand même s’ouvrir à trois grandes possibilités :

1. Le scénario du changement consensuel, à travers un dialogue national global qui débouche sur une réconciliation politique interne globale, et l’organisation d’élections présidentielles et parlementaires pluralistes auxquelles les chefs de l’armée ne participent pas. Il ressort des déclarations du capitaine Traoré qu’il est enclin à ce scénario, mais des doutes existent sur les véritables intentions des hauts dirigeants militaires d’un pays gouverné par des officiers de haut rang dans la majeure partie de son histoire contemporaine, depuis son indépendance en 1960.

2. Le scénario de crise interne, avec l’incapacité des nouveaux chefs militaires à réussir dans la voie de transformation souhaitée ; En raison de ses faibles capacités politiques et de son incapacité probable à résoudre la bataille du terrorisme et de l’extrémisme, qui conduit à davantage de tensions, elle nécessite une prolongation de la période de transition et éventuellement un changement continu de l’administration gouvernementale.

3. Le scénario d’un nouveau et possible coup d’État mené par les hauts dirigeants pour s’emparer du pouvoir des dirigeants intermédiaires, entraînant le pays dans une nouvelle phase d’instabilité pouvant conduire au chaos et à la guerre civile sur fond d’escalade des opérations terroristes .

En somme, l’entrée du pays dans une crise politique et sécuritaire prolongée, qui l’empêche de sortir de l’impasse politique étouffante qui a imposé le récent processus de changement, reste la plus probable.

Mais les questions qui se posent maintenant sont les suivantes :

Les nouvelles autorités réussiront-elles à remplir leurs obligations en changeant l’équation et en faisant pencher la balance du pouvoir en faveur de l’armée nationale et en ne tombant pas dans le piège sécuritaire comme les deux présidents déchus ?

Quant à Me Apollinaire Joachim Kyelem de Tembela, comme PM civil, qui va devoir travailler « côte à côte » avec la junte militaire qui tient solidement les rênes du pouvoir, va-t-il, lui aussi, réussir sa mission ?
Rappel des coups d’Etat précédents

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