Le terrorisme au Burkina, seule opposition sérieuse au régime Kaboré

Le terrorisme au Burkina, seule opposition sérieuse au régime Kaboré
Le terrorisme au Burkina, seule opposition sérieuse au régime Kaboré

Africa-PressBurkina Faso. Un paradoxe : voici un président dont la légitimité n’est pas à discuter, auquel le peuple burkinabè a réitéré sa confiance en le réélisant massivement en novembre 2020, malgré les ravages du terrorisme depuis 2016, pour réconcilier, dit-on, les burkinabè et vaincre justement le terrorisme ; mais aussi le même président que les tragédies terroristes obligent aujourd’hui à s’adresser à son peuple pour lui demander de ne pas douter de la victoire, alors que ce peuple (du moins sa partie la plus exposée à la terreur) est précisément déjà passé du doute à la colère…

Un président au pouvoir légitime suffisamment étendu et confortable qui ne devrait pas avoir de crise politique à craindre d’une opposition qui même réduite à la portion congrue fait encore consensus avec lui quand il s’agit du grand projet du siècle qu’est la réconciliation, mais un président aujourd’hui plus gêné aux entournures que jamais, et fragilisé.

Il ne faut pas remonter au premier mandat du président KABORE en 2016 pour expliquer le désastre (in)sécuritaire actuel ; ce désastre a ses origines dans la politique du second mandat après les élections de novembre 2020, autour de la « réconciliation nationale » : toute la classe politique et ses OSC ont plongé les populations (les mêmes en colère aujourd’hui) dans un faux espoir en leur racontant que la paix dans un Burkina en guerre passait par la réconciliation. Le pays, pris dans l’effervescence de cette réconciliation, a baissé la garde, car personne ne pouvait donc penser que les terroristes puissent continuer à attaquer des populations disposées à la paix et au pardon.

Les autorités burkinabè ont royalement perdu du temps, dans ce contexte, en ayant préféré courir après un Blaise COMPAORE qu’on est allé littéralement « draguer » à Abidjan pour qu’il revienne se faire… pardonner par son peuple, au lieu de d’abord s’occuper à combattre les terroristes. Alors que la guerre n’est pas finie, et encore moins gagnée, on a appelé la population à aller à la réconciliation (« allons à la réconciliation ! ») alors que l’urgence était d’abord d’aller au… front ! Puisqu’un peuple même réconcilié mais subissant la guerre au quotidien et la terreur qui le harcelle ne peut pas vivre en paix.

Enfin, on a prêché partout que les terroristes étaient nos « frères », les fils d’un même pays, et on s’est alors, trop naïvement, convaincu qu’en parlant de réconciliation de tous les fils du Burkina, les terroristes déposeraient les armes : or ces derniers ne se reconnaissent pas burkinabè d’abord, ni Nègres ; et s’ils sont burkinabè de nationalité, leurs chefs ne le sont pas, lesquels ils écoutent plus que le président du Faso et sa politique de réconciliation plus « internationale » (avec donc des ennemis étrangers) que « nationale » (entre frères burkinabè qui ne sont pas en guerre).

Une confidence indignée : personnellement je ne me sens aucune relation de fraternité avec des gamins de 12-14 ans et des femmes qui exterminent froidement des innocents, même s’ils s’appelaient « Dabiré », et même si ces innocents n’étaient pas burkinabè. Aucune relation de commune humanité avec des hommes qui n’ont aucune humanité. Aucun contrat social ne me lie à eux, pas plus qu’eux au peuple burkinabè. C’est là la première justification de la nécessité de leur faire la guerre : nous ne sommes pas « pareils », ils ne sont pas nos « semblables ». Voilà le premier cri de guerre !…

Les terroristes n’avaient laissé que quatre mois de répit, de souffle et d’indolence au pouvoir KABORE nouvellement reconduit à la tête du pays. Des élections de novembre 2020 à avril 2021 ils ont marqué comme une pause dans les attaques, suspendues ; le temps que la nouvelle ancienne équipe gouvernementale (re)s’installe. Le (beau) temps aussi des grandes cérémonies et des mises en scène de la « réconciliation nationale » comme théâtre, où le pays entier s’était assoupi…

Puis, très brutalement, ils se sont rappelés à nous, et au monde, en enlevant trois journalistes européens qu’ils ont rapidement exécutés : 26-27 avril 2021. Mais même si le Burkina se réveillait ainsi du sommeil de la « réconciliation nationale », dans la stupéfaction et le doute, personne n’a voulu poser publiquement la seule question qui s’imposait alors -le bon diagnostic : pourquoi cette terreur ressurgit-elle aussi violemment alors que toute la politique du président qui fait consensus est de réconcilier le pays et tous ses enfants ? La suite, on la connaît : Solhan, et une dizaine de policiers emportés dans une embuscade, etc…

Du coup, on ne se référait plus au signifiant « réconciliation nationale » que discrètement, jusqu’à ce qu’il s’efface et disparaisse complètement du discours solennel du président KABORE à la nation le 27 juin : d’une certaine manière, la « réconciliation nationale » est morte à Solhan son tombeau ! Ou, si l’on préfère : elle est devenue indécente, et plus hors-sujet que jamais, après l’extermination de Solhan…

L’alternative est donc désormais la suivante : continuer à dilapider temps et moyens dans les cérémonies et rituels de la « réconciliation nationale » pendant que les citoyens que l’on veut réconcilier sont en danger de mort et massacrés sans secours (d’où la colère), ou combattre et battre le terrorisme par n’importe quel moyen pour installer une paix des armes que viendrait sceller une réconciliation plus sensée. Soit la « réconciliation nationale » et/dans la mort par les armes (l’insécurité) ; soit le silence des armes (la victoire) et/pour la réconciliation…

La crise politique à laquelle on assiste en ce moment au Burkina révèle et exprime parfaitement cette alternative et l’ordre des priorités, entre l’opposition de KOMBOÏGO et le régime KABORE. Au grand avantage de l’opposition : car celle-ci n’a jamais été contre la « réconciliation nationale », c’est même toute son inspiration et toute sa politique reprises par le président KABORE (2) ; mais c’est bien grâce à l’opposition, et après Solhan, que la question de l’insécurité est revenue au premier plan comme LA priorité nationale (et même si cette opposition aurait dû le savoir avant Solhan, puisqu’en vrai l’insécurité et la guerre ne datent pas de l’extermination de Solhan !).

On fait donc un mauvais procès au CFOP de rompre le consensus de la « réconciliation nationale » dont il est pourtant le père en quelque sorte, et de mettre sa propre sacro-sainte théorie de la « démocratie consensuelle » entre parenthèses pour sonner le tocsin contre l’insécurité : un « miracle », ou une « révolution » politique et démocratique !

Si faire, même très tardivement, de l’insécurité liée à la terreur une priorité et une urgence n’est pas, comme le prétendent les faux-débatteurs du moment, de l’intérêt national, alors on ne sait plus sur quelle planète vit le Burkina Faso. Le discours inutilement politicien et religieusement partisan consisterait plutôt à nier la dure réalité de cette terreur qui frappe de plus en plus violemment le pays depuis 2016, et à continuer de refuser d’ouvrir grand les yeux même après Solhan.

Aggravons le paradoxe de départ. La majorité au pouvoir, forte dans sa légitimité purement démocratique et politique, est faible sur le terrain et dans les faits. Elle n’a jamais été en position de force face à une opposition même réduite : encore une fois, la politique de la « réconciliation nationale » est toute d’inspiration opposition, et de signature opposition ; et aujourd’hui c’est l’opposition qui oblige le pouvoir KABORE à faire de l’insécurité terroriste une urgence (la priorité budgétaire accordée à la Défense n’en fait pas forcément une urgence politique que l’on a préféré mettre dans la « réconciliation nationale »), après lui avoir imposé la « réconciliation nationale » comme prioritaire.

En quelque sorte, sur ces deux aspects, c’est l’opposition qui gouverne le gouvernement et le pouvoir, parce que celui-ci n’a pas de politique propre, à lui, qui vienne de lui. Le deuxième mandat aurait dû se concentrer et se focaliser sur l’insécurité terroriste pour au moins l’empêcher de prendre de l’ampleur, à défaut de victoire au front, et non sur la « réconciliation nationale » plus séduisante sans doute, mais complètement inefficace contre les terroristes (on le voit).

Le pouvoir KABORE, au lieu d’opposer à l’opposition la priorité qui est de gagner la guerre ou, sinon, de faire taire les armes de la terreur, s’est contenté de suivre l’opposition qui avait une autre priorité, la « réconciliation nationale ». Ce pouvoir a prêté le flanc à une opposition qui n’en demandant pas tant, en désertant la position qui aurait dû être la sienne : la sécurité, dont cette même opposition exploite aujourd’hui les failles ou même l’absence…

L’opposition politique, tout aussi légitime que le pouvoir en place (elle est issue des urnes et non de la rue, avec le chef du deuxième parti du pays à sa tête), joue son rôle de relai et de médiatisation des peurs et colères des populations sans défense. Si l’on ne veut pas de cette opposition là et la critique parce qu’elle réveille la classe politique sur la survie même des populations que l’on s’active à réconcilier, on n’évitera de toute façon pas cette autre opposition qui est bien pire et plus redoutable, meurtrière et déstabilisatrice, celle du terrorisme qui, en même temps qu’elle est une menace pour le pays tout entier, l’est aussi pour le régime KABORE qui n’en sortira jamais indemne, à moins d’une victoire nette et visible.

Si ce n’est pas l’opposition qui pique le pouvoir légitimement suffisant de sa majorité, QUI le fera ? Certainement pas le MPP et ses OSC amies ! Si l’on nous dit, après Solhan, que « ce n’est pas le moment » ( alors que cela a déjà été le moment plusieurs fois par le passé !), QUAND sera-t-il le moment de réaliser que la terreur ne va pas décroissante mais envahissante, et que les terroristes sont clairement en position de force (ils frappent où ils veulent, aux mêmes endroits sans relâche, quand ils veulent…), malgré la présence de nos « amis » Français pour nous « aider » ?!..

La politique de mon pays est décidément « passionnante » : il y a sept ans, en 2014, la majorité (= en gros l’opposition d’aujourd’hui ) refusait de voir la réalité en face, obstinément jusqu’au désastre et à la débandade, sur une modification d’article qui n’était en rien d’intérêt national ; aujourd’hui, c’est la majorité (= en gros l’opposition d’alors) qui refuse d’entendre l’alerte de l’opposition (= en gros la majorité d’alors), après l’alarme de Solhan, sur un sujet d’intérêt hautement national, l’insécurité nationale. Hier le CDP et ses amis, aujourd’hui le MPP et ses partisans/courtisans : tous les mêmes quant à l’aveuglement volontaire comme invariant politique…

Nul ne sait jusqu’où les émeutes d’une insécurité persistante et croissante peuvent, à terme, et à force de se multiplier et se répéter, conduire un pays ; ni jusqu’où peuvent aller les gens qui n’ont plus personne à craindre et rien à perdre -le « peuple d’en-bas »-quand leur vies sont quotidiennement menacées et harcelées de mort. On ne peut que le deviner par expérience, et s’en préserver par prudence et précaution…

Kwesi Debrsèoyir Christophe DABIRE

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