L’escalade du phénomène des attaques contre des civiles dans la région du Sahel

L'escalade du phénomène des attaques contre des civiles dans la région du Sahel
L'escalade du phénomène des attaques contre des civiles dans la région du Sahel

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Il importe de rappeler que les motifs de la violence des groupes armés contre les civils varient en fonction de facteurs spécifiques à la région – griefs de groupes extérieurs, intimidation pour prendre le contrôle de la zone et répliques aux réponses sécuritaires sévères – qui nécessitent une amélioration de l’atténuation sociétale et du professionnalisme militaire.

Dans ce contexte, on constate que la région du Sahel a connu une escalade rapide de la violence des groupes armés contre les civils ces dernières années.

On note qu’en 2017, les attaques contre des civils représentaient un cinquième de toutes les violences sur le front du Sahel (38 des 187 incidents violents enregistrés). Ce pourcentage a atteint 42 % en 2021 (833 sur 2 005). Cela fait du Sahel la région avec les niveaux les plus élevés de violence extrémiste islamiste ciblant les civils à travers le continent, et représente 60 % de toutes les violences contre les civils en Afrique.

Les niveaux de violence contre les civils variaient à travers et au sein des pays sahéliens du Mali, du Burkina Faso et du Niger, car l’évolution des environnements de conflit a façonné les stratégies et les schémas de ciblage des acteurs armés. Ces acteurs comprenaient principalement le Front de libération du Macina ( le FLM est l’élément le plus actif de l’alliance JNIM) et Daech dans le Grand Sahara (ISGS).

Les tensions tribales se sont fortement polarisées dans les zones contestées du Sahel. Les groupes armés ont tout fait pour exploiter la concurrence pour les ressources et les droits entre et au sein des communautés locales. Ces groupes ont également amplifié les frustrations causées par les échecs perçus du gouvernement en question afin d’intensifier le recrutement parmi les éleveurs peuls longtemps opprimés contre les communautés agricoles voisines. Cela a conduit à des massacres de représailles par des groupes extrémistes islamiques et des milices ethniques d’autodéfense.

L’expansion spectaculaire de l’activité de ces groupes dans la région du Sahel ces dernières années, comme en témoignent le nombre et l’étendue géographique des événements, semble avoir affaibli les structures de commandement et de contrôle de ces groupes. Le Front de libération du Macina et les groupes de Daech dans le Grand Sahara ont déployé de grands efforts pour maîtriser les subordonnés dont le comportement était devenu plus exploiteur – contrôlant les mines d’or artisanales et extorquant les communautés locales. Cela a conduit à un décalage entre les revendications des chefs de groupe au Mali et le comportement réel de leurs membres ou groupes dans les zones environnantes, les groupes ayant un moindre degré de contrôle territorial.

A noter également que la situation au Mali est très compliquée, et la France semble actuellement ne pas chercher à bloquer le renouvellement du mandat de la mission onusienne MINUSMA (soumis au Conseil de sécurité pour renouvellement ou dissolution), ou à réduire la durée de son mandat ou encore le nombre de ses effectifs et le budget qui lui est alloué, et alourdir de facto la charge sécuritaire sur l’armée malienne et ses alliés russes.

Il va de soit que l’armée malienne cherche quant à elle, incontestablement, à étendre son contrôle sur le nord du pays, et les militants touaregs sont chargés de sécuriser la zone en coordination avec les forces françaises et internationales.

C’est d’ailleurs pourquoi, après le départ définitif des Français, l’entrée de l’armée malienne dans les régions du nord sans coordination avec les Touaregs entraînerait des frictions entre les deux parties, menaçant de saper l’accord d’Alger signé en 2015.

Il est clair que la situation au Mali soit vraiment critique et nécessite de nouvelles dispositions sécuritaires pour éviter que la situation ne s’effondre ou n’échappe au contrôle gouvernemental, et ce face à l’intensification des frappes terroristes contre les forces onusiennes comme contre les Touaregs également, et l’escalade du conflit franco-russe en tentant de relier le front de l’Europe de l’Est au Sahel africain.

Par ailleurs, à l’intérieur du delta du Niger, dans le centre du Mali, des éleveurs peuls qui ont rejoint le Front de libération du Macina (FLM) ont exigé que le groupe étende ses attaques au-delà des forces de sécurité et de supposés collaborateurs locaux pour répondre également à des villages agricoles du Dogon soupçonnés d’être impliqués dans les attaques des chasseurs dogons contre les communautés peules.

Certains combattants peuls mécontents ont quitté la base du Front de libération du Macina (FLM) dans le delta intérieur du Niger pour renforcer les défenses de leurs communautés contre les attaques dogon. Ces combattants, à leur tour, seraient responsables de diverses attaques contre des civils dans ladite région.

Dans d’autres cas, les affrontements entre les groupes armés eux-mêmes ont contribué à l’escalade de la violence, tel que dans les zones humides du delta intérieur du Niger, où des conflits ont éclaté au sein du Front de libération du Macina (FLM) entre les membres locaux du delta et les membres des plaines de Seeno au sujet de l’accès aux pâturages des zones humides. L’incapacité du Front de libération du Macina (FLM) à résoudre ces tensions a conduit à la défection de certains éléments Seeno pour rejoindre des groupes liés à Daech dans le Grand Sahara (ISGS).

Les tentatives agressives de ce dernier pour exploiter ces divisions et éloigner les combattants du Front de libération du Macina (FLM) ont entraîné une détérioration des relations entre les deux groupes et des affrontements ouverts entre eux en 2020. Les affrontements entre les deux groupes et leurs affiliés au sujet du contrôle territorial et du recrutement ont contribué à une forte augmentation de la violence et causé des décès de civils pris au piège dans ces affrontements, ainsi qu’à l’affaiblissement de la capacité opérationnelle de Daech dans le grand Sahara.

Parfois, les confrontations des forces gouvernementales avec des groupes armés au Sahel ont conduit à une escalade de la violence contre les civils.

Les tactiques dures des services de sécurité ont aliéné certaines communautés d’éleveurs peuls, renforçant le récit étranger et activant le recrutement par des groupes armés. Ceci, à son tour, a conduit à une augmentation de la violence contre les civils dans les zones contestées, et la dépendance des forces de sécurité gouvernementales à l’égard des groupes d’autodéfense communautaires dans leurs opérations de sécurité en l’absence d’un contrôle strict a exacerbé les tensions sectaires, et provoqué des formes plus meurtrières de violence contre les civils.
A suivre…

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