Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré
Procès Sankara et compagnons : « Personne ne pouvait me forcer, *atigui tey* », déclare fermement Alidou Diébré

Africa-Press – Burkina Faso. L’audience de ce jeudi 4 novembre 2021 du procès Thomas Sankara et ses douze compagnons a repris avec à la barre, l’accusé Alidou Diébré. Médecin-commandant à l’époque, il est celui-là qui a « établi, signé et délivré trois certificats de décès » en janvier 1988 avec pour mention, « mort naturelle ».

Alidou Diébré (Aliou Jean-Christophe Diébré) est ainsi poursuivi pour « faux en écriture publique ». A la barre, l’accusé dit reconnaître un manque de rigueur dans la déontologie du métier, mais clame sa « bonne foi » à aider les femmes (dont l’épouse de Thomas Sankara, Mariam Sankara) qui l’ont sollicité.

M. Diébré dit avoir, « en âme et conscience », choisi de porter la mention « mort naturelle » parce qu’il n’y avait pas d’autres alternatives. A l’époque, aucune autopsie n’avait été faite, rappelle-t-il.

À la question de savoir s’il n’a pas subi de pression pour la délivrance de ce certificat, l’accusé est catégorique : « A l’époque, personne ne pouvait m’instruire. C’est à mon âme et conscience. Tout le monde connaissait mon caractère ; j’ai horreur de l’injustice. Personne ne pouvait me forcer et on ne m’a pas forcé, atigui tey : en langue Bambana, il n’y a pas cette personne. Tout le monde me connaît pour ça, même la hiérarchie militaire qui est là pour témoigner. Je l’ai fait en âme et conscience, sans arrière-pensée », a insisté, la voie ferme, Alidou Diébré.

« Si l’acte que j’ai posé n’a pas servi à ceux qui l’ont demandé, je m’en excuse »

« Je reconnais que la mention « mort naturelle » n’est pas exacte pour les victimes et je m’en excuse. (…). Monsieur le président, si vous me donnez l’occasion, je vais demander publiquement pardon. Si l’acte que j’ai posé n’a pas servi à ceux qui l’ont demandé, je m’en excuse », s’est-il ensuite incliné.

L’accusé insiste qu’il a délivré, « par humanisme », le certificat pour permettre aux demanderesses d’engager leurs formalités administratives. Si vous aviez assisté à une fusillade, qu’auriez-vous mentionné sur le certificat, interroge le Parquet militaire. « Mort tragique ou traumatique. Mais ça n’aurait pas déterminé la cause de la mort », réagit l’accusé, insistant sur la différence entre acte de décès et diagnostic de mort ».

Pour le Parquet, et après un certain nombre d’observations tirées des procès-verbaux de l’instruction, la faute commise par Alidou Diébré n’est pas seulement professionnelle, elle est aussi pénale que criminelle.

A la question de l’agent judiciaire de l’État de savoir pourquoi il n’a pas demandé aux trois dames venues le voir, de quoi est mort leur époux, le médecin-commandant Diébré rétorque :  » Elles ont demandé un certificat de décès, pas un certificat de diagnostic, elles disent que leur mari est mort. (…). Nous étions à trois mois seulement du décès, la douleur était toujours présente ».

Mais le 16 octobre (1987), le commandant Lingani a déclaré sur les ondes que le président Sankara était mort…, pourquoi n’avez-vous pas marqué « mort par fusillade, coup d’État ? », relance l’agent judiciaire de l’État.

« Un coup d’État, une violence, une fusillade ne sont pas une cause de décès. Il peut y avoir coup d’État sans mort d’homme ! », distingue Alidou Diébré.

« On était à une époque d’exception »

Pour Me Somé de la partie civile, « Aliou Diébré est le type d’accusé qu’on peut qualifier d’irrépenti, prêt à récidiver », car ne regrettant pas son acte. « Les faits se sont déroulés il y a longtemps, on aurait pensé que vous alliez vous repentir. Mais vous vous réfugiez plutôt derrière un faux humanisme », dit constater l’avocat.

A la question de Me Ferdinand Nzepa (toujours de la partie civile) de savoir pourquoi c’est lui, Alidou Diébré, que les dames sont venues voir, et non pas quelqu’un d’autre, l’accusé rebondit : « voilà, moi-même je me pose la même question. Qui leur a indiqué chez moi ? J’habitais à l’intérieur du camp. Je me suis dit qu’elles étaient allées voir d’autres (médecins, ndlr), qui ont refusé. Donc, ça allait être méchant de ne pas les aider ».

Si vous étiez dans l’embarras, pourquoi ne vous êtes-vous pas référé à l’ordre des médecins pour voir la conduite à tenir, renvoie Me Nzepa. « On était à une époque d’exception », se défend l’accusé. Durant son interrogatoire, l’accusé a permanemment relevé avoir certes manqué de rigueur professionnelle, mais de toute « bonne foi ». O.L.

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