Quand l’Italie cherche à accroître son incursion en Afrique et surtout au Sahel africain

Quand l'Italie cherche à accroître son incursion en Afrique et surtout au Sahel africain
Quand l'Italie cherche à accroître son incursion en Afrique et surtout au Sahel africain

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Burkina Faso. Commençons d’abord par rappeler que l’intervention militaire italienne dans le Sahel africain remonte à 2013, notamment avec le début de la présence militaire européenne dans cette région du Continent africain, sous prétexte de lutter contre les migrants clandestins qui arrivaient jusqu’à la rive du bassin méditerranéen pour s’infiltrer dans ses frontières sud, bien sûr en empruntant les « embarcations de la mort ».

C’est dans ce sens que l’Italie s’était impliquée davantage dans l’opération « Takuba », qui avait été constituée de diverses unités des pays sahéliens et d’autres pays européens travaillant ensemble pour combattre également le terrorisme.

Par ailleurs, il s’est avéré par la suite que les vraies raisons de la décision italienne étaient de préserver les intérêts de Rome en Libye, ce qui constituait l’objectif non annoncé de son approche militaire dans la région, et de là à étendre ses « tentacules » aux valeureuses ressources naturelles et aux larges opportunités qu’offraient les pays africains.

L’Afrique : une priorité absolue de la politique étrangère italienne depuis longtemps

Le Sahel africain sous la lorgnette des Italiens

La relation avec les Pays du Continent et ses organisations repose aujourd’hui sur un partenariat égalitaire, orienté vers un développement partagé et visant à aborder ensemble les multiples défis mondiaux, surmontant ainsi la vision traditionnelle du donateur/bénéficiaire.

L’attention de l’Italie à l’égard de l’Afrique est orientée à garantir tant la croissance équilibrée du Continent que son intérêt national, aussi dans un cadre européen et international.

Sa position géopolitique au cœur de la Mer Méditerranée et sa propension traditionnelle au dialogue avec l’Afrique, également à la lumière de la centralité croissante que le Continent est en train d’assumer face à des phénomènes mondiaux de plus en plus complexes, l’invite à définir une action de politique étrangère cohérente, articulée sur de différents axes tels que :
• la paix et la sécurité,
• la gouvernance et les droits de l’homme,
• la migration et la mobilité,
• la coopération et les investissements,
• le développement économique durable,
• la lutte contre le changement climatique,
• et la coopération culturelle et scientifique.

Dans une analyse effectuée par le chercheur marocain spécialiste des questions sahélo-africaines, Al-Wahid Awlad Molloud, ce dernier affirme que la présence militaire italienne ne naît pas aujourd’hui, et que le but apparent de cette unité militaire était le soutien aux armées des pays du Groupe du G5 Sahel, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et qu’en réalité l’objectif de cette unité est plus profond que cela, et indique que l’Italie est présente militairement, notamment au Niger, depuis 2013 sous prétexte de conjurer des organisations migratoires clandestines venues d’Afrique sub-saharienne vers le sud de la Méditerranée puis vers les côtes italiennes, d’où les motivations de la participation de l’Italie à l’appui européen à la France.

Selon ledit chercheur « Il ne faut pas oublier que la Libye est l’une des anciennes colonies italiennes en Afrique, et la présence de l’Italie au sein de l’unité Takuba renforce implicitement sa présence rapprochée en Libye.

Nous connaissons, bien sûr, le rôle que l’Italie a tenté de jouer dans le conflit libyen, et c’est elle qui a dirigé, successivement avec la Grèce, l’unité ‘IRINI’, dont la mission était d’empêcher l’arrivée d’armes en provenance et à destination de la Libye par la surveillance, le contrôle et l’intervention.

A propos de la position des autorités italiennes

L’Italie affirme que son intervention dans la région du Sahel vise à parvenir à la stabilité en travaillant à mettre fin à l’extrémisme violent.

Rappelons que, dans ce contexte, la vice-ministre italienne des Affaires étrangères et Représentante spéciale de l’Union européenne pour le Sahel, Emanuela Del Re, avait souligné déclaré deux ans plus tôt que « la réalisation de la stabilité dans la région centrale du Sahel est une priorité stratégique pour l’Italie, compte tenu de sa situation géographique qui relie l’Afrique subsaharienne au bassin méditerranéen ».

Elle avait souligné à ce propos : « Il est essentiel que les États du Sahel, avec notre aide, s’attaquent aux causes profondes de l’instabilité, par des interventions durables et à long terme, et renforcent la confiance de la population locale dans les institutions nationales pour faire respecter l’État de droit, respecter les droits de l’homme et promouvoir l’égalité d’accès aux services de base », tout en ajoutant également : « Au cours de la dernière décennie, de graves vulnérabilités ont augmenté dans la région centrale du Sahel suite à une interaction vicieuse entre la pauvreté, l’extrémisme violent, les conflits et les répercussions du changement climatique, exacerbée malheureusement par la pandémie de COVID-19, qui a entraîné une détérioration de la situation humanitaire et de la sécurité alimentaire dans la région, ces dernières années.

En effet, l’Italie avait construit sa présence dans la région en suivant une approche multidimensionnelle, en misant sur l’intensification du dialogue politique, l’augmentation de sa contribution à la sécurité, le renforcement des institutions étatiques et le développement durable.

Le soutien européen : une nécessité !

Cette action se greffe sur la présence ancienne et intense de l’Italie en Afrique qui la distingue des autres acteurs sur le Continent. Une présence qui repose non seulement :
• sur des choix politiques calibrés,
• mais aussi sur les multiples initiatives de la Coopération italienne pour le Développement,
• sur l’expérience bien ancrée de ses ONG et des bénévoles,
• sur le rôle des missions religieuses et archéologiques
• et sur les nombreuses communautés de concitoyens, dont beaucoup d’entre eux sont des entrepreneurs.

Il est certain que les dynamiques africaines ont d’importantes répercussions aussi sur les dynamiques européennes et italiennes. C’est pourquoi, outre que par le partenariat bilatéral avec les Pays africains, il est également essentiel d’opérer au sein des divers forums internationaux, d’abord les Nations Unies et l’Union Africaine, aux côtés de l’UE et de chaque État membre.

Il faut savoir également qu’au niveau européen, et dans toutes les enceintes multilatérales, l’Italie a toujours joué un rôle apprécié et reconnu en faveur du Continent africain, contribuant de manière décisive à mobiliser des ressources plus importantes vers l’Afrique, par une série d’initiatives et de propositions.

Par ailleurs, notamment après l’échec de la France depuis 2013 à mettre fin à la menace terroriste dans la région du Sahel, et avec l’opposition croissante de la population locale à son intervention militaire, en plus de subir des pertes importantes à la suite d’attaques de groupes armés, Paris s’est trouvé avec un besoin du soutien européen, plus que jamais.

Il importe de noter qu’aujourd’hui, en Afrique, les spécialistes des affaires africaines affirment qu’ils assistent à un scénario de « croissance à plusieurs vitesses », un facteur à ne pas négliger. Dans cette perspective, les Pays qui ont déjà entrepris un parcours de développement plus soutenu sont susceptibles de représenter un levier pour le progrès économique et social par rapport aux Pays limitrophes, et doivent être favorisés et encouragés autant que possible dans cette direction, aussi avec le soutien de l’Italie.

Actions concrètes italiennes

L’Italie soutient l’action des Organisations Régionales africaines et les processus d’intégration démarrés sous leur égide. Une manifestation efficace de ce soutien est favorisée par le fait que l’Italie est le seul Pays de l’Union Européenne à avoir, depuis 2018, son propre Représentant Permanent auprès de l’Union Africaine avec un statut d’observateur.

Très important également est la coopération italienne avec l’IGAD, un forum régional de la Corne de l’Afrique, dans laquelle l’Italie avait occupé de manière ininterrompue depuis 1997 les fonctions de co-président du Forum des partenaires de l’IGAD (IPF), réunissant les donateurs de l’organisation.

Il a été évoqué tant de fois la nécessité pour l’Italie de s’engager davantage avec l’Europe pour contribuer au maintien et au renforcement de la stabilisation du Sahel. Il a été également discuté de la menace de différents groupes terroristes, des trafics illégaux de drogues, d’armes et d’êtres humains, souvent dirigé vers l’Europe.

A remarquer que l’Italie s’est aussi dite prête à renforcer sa coopération militaire et humanitaire avec les pays du G5 Sahel.


Armée italienne

Dans ce contexte, des contingents italiens ont fait partie des forces de l’Union européenne et des Nations unies en Afrique.

En plus de tout cela, et afin de concrétiser davantage sa présence, l’Italie a ensuite créé le Fonds pour les migrations qui, depuis 2017, finance des projets d’aide aux réfugiés, des activités de rapatriement volontaire, le contrôle des frontières et la lutte contre les motifs profonds des migrations, et dans lequel plus de 110 millions d’euros furent versés en faveur de la région. Le Fonds pour les migrations s’est ensuite avéré particulièrement efficace pour aider à gérer le phénomène migratoire et soutenir les institutions et les communautés locales.

Parallèlement à cet instrument, se poursuit l’action traditionnelle et continuelle de la Coopération italienne qui, en étroite collaboration avec les autorités locales, travaille sans relâche en faveur d’une croissance économique inclusive et durable dans toute la région, avec un engagement total qui a dépassé largement les 150 millions d’euros.

Actions diplomatiques italiennes

Sommet Italie-Afrique à Rome

Pour ceux qui ne le savent pas, l’Italie, premier fournisseur de Casques bleus parmi les Pays occidentaux et septième contributeur au budget pour le maintien de la paix (avec une part de 3,307%), a participé au fil des années à 29 missions de l’ONU, dont 13 en Afrique.

L’Italie contribue activement au débat dans le contexte de l’ONU sur la manière d’améliorer le maintien de la paix, afin de favoriser une mise en œuvre plus efficace et efficiente des mandats, surtout pour protéger les civils.

Outre à mettre à la disposition Peacekeeping Capability Readiness System des Nations Unies – PCRS – (Système de préparation des capacités de maintien de la paix des Nations Unies) ses outils et ses capacités stratégiques, l’Italie continuera à offrir des cours de formation au personnel militaire et de Police destiné à prêter service dans le cadre des opérations de paix, soit au Centre d’Excellence pour les Unités de Police de Stabilité (CoESPU) à Vicenza, soit auprès des autres centres de formation de ses Forces Armées.

Conformément à l’approche italienne aux crises et aux conflits, l’Italie entend renforcer ultérieurement son support aux activités de médiation et de prévention des conflits ainsi qu’aux initiatives de stabilisation post-conflit conduites par les Nations Unies en Afrique, en prêtant une attention particulière à la Libye, au Sahel et à la Corne de l’Afrique.

Compte tenu de l’extrême importance que le Sahel revêt pour l’Italie, il lui conseillé de renforcer sa collaboration avec le G5 Sahel et avec sa Force Militaire Conjointe (FC-G5S), toujours dans le cadre de son soutien aux pays du Sahel pour :
• un renforcement des capacités institutionnelles,
• un contrôle plus efficace des frontières
• et une amélioration des capacités de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme dans un cadre de respect des droits humains et du droit international humanitaire.
Il importe donc de souligner que la vision italienne de l’Afrique peut se résumer en un triptyque d’actions :
• d’abord le dialogue politique : un dialogue mis en évidence par exemple par l’extension du réseau diplomatique sur le continent et par l’organisation d’événements,
• puis l’investissement et le commerce : et ce dans le respect des besoins africains et dans l’intérêt mutuel,
• enfin l’élément culturel : pour parler au cœur des gens avant même de penser au portefeuille et aux investissements eux-mêmes.

Pour revenir à Emanuela Del Re, elle s’était exprimée ainsi un jour : « Il est nécessaire de changer la perception que nous avons de l’Afrique, un continent de grandes ressources et opportunités dans lequel nous voulons investir ».

Le groupe « Eni » + d’autres investissements : symbole de la présence italienne en Afrique

La place de l’Italie tient surtout à la forte contribution du groupe « Eni ». À elle seule, cette société privée d’hydrocarbures, détenue par l’État à plus de 30 %, pèse pour plus de 8 milliards d’investissements (en 2019), ce qui fait de ce groupe le plus africain des sociétés italiennes.

A noter que le groupe Eni est présent dans 14 pays du continent, qui représente plus de 50 % de sa production et 60 % de ses réserves.

Par conséquent, l’énergie est devenue au cœur des investissements italiens en Afrique, et la demande en matière d’accompagnement de projets a sensiblement augmenté selon l’organisation Uniafrica, créée il y a dix ans par la Chambre de commerce italienne.

Ceci confirme donc que les dynamiques ont changé, et que nombre de sociétés des régions du Nord, comme l’Émilie-Romagne ou la Vénétie, autrefois concentrées sur les marchés russes ou américains, ont cherché depuis de nouveaux débouchés, à commencer, donc, par le continent africain.

Principale entrave devant l’extension italienne

Néanmoins, au moment où l’Italie cherche à renforcer la préservation de ses intérêts actuels et futurs sur le Continent africain, et particulièrement dans la région du Sahel africain, nous constatons de l’autre côté l’intensification du mouvement du refus de la présence de pays européens sur le continent brun, et l’accueil « à bras ouverts » des grandes puissances, telles que la Russie, la Chine, sans oublier la Turquie.

L’Italie réussira-t-elle à renforcer aisément sa présence en Afrique ?

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