Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Burkina Faso. Dans un geste sans précédent, le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont annoncé leur retrait collectif de l’Organisation internationale de la Francophonie, entre le 17 et le 18 mars 2025, une décision qui reflète les tensions politiques croissantes dans la région du Sahel, où les pays du Sahel portent un coup sévère à la France
Cette décision intervient après que ces pays aient annoncé leur retrait de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en janvier 2024, soulignant à ce propos une ingérence croissante dans leurs affaires intérieures.
Il s’agit en fait d’une déclaration conjointe publiée par les ministres des Affaires étrangères des pays du Sahel, accusant l’Organisation internationale de la Francophonie de devenir un « instrument politique télécommandé », notant que l’organisation n’a pas réussi à soutenir les États membres dans la réalisation de leurs objectifs légitimes.
Le communiqué accuse l’organisation de mettre en œuvre des « sanctions sélectives » fondées sur des considérations géopolitiques, reflétant un « mépris de la souveraineté des États » et de leur droit à prendre leurs propres décisions indépendantes.
• Actions géopolitiques provocatrices
Cette décision intervient également après une période de tensions croissantes entre les trois pays et les organisations internationales qui leur avaient jusque-là apporté un soutien politique et économique.
Néanmoins, les dirigeants de ces pays estiment que l’OIF a dévié de sa voie principale, préférant œuvrer au renforcement de leur souveraineté nationale et à la défense des intérêts de leurs peuples, à l’abri de toute ingérence étrangère.
• Déclaration du Mali
Le Mali a fait connaître sa position, en déclarant ceci: « Le Mali ne peut pas rester membre d’une organisation dont les actions contredisent les principes constitutionnels qui garantissent la souveraineté de l’État ».
• Déclaration du Niger
De son côté, le Niger a affirmé dans sa brève déclaration aux missions diplomatiques qu’il prenait cette décision « souverainement » pour défendre ses intérêts nationaux.
• Déclaration du Burkina Faso
Quant au Burkina Faso, il n’a pas publié de déclaration officielle concernant son retrait, mais une porte-parole de l’Organisation internationale de la Francophonie a indiqué que le pays avait pris une décision similaire à celle du Niger de se retirer de l’OIF.
• Les motifs de ce retrait
Il convient de noter que l’Organisation internationale de la Francophonie a été fondée en 1970, a son siège à Paris, en France, et comprend 93 pays et gouvernements, avec comme objectif de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique, ainsi que de soutenir les questions de paix, de démocratie et de droits de l’homme, tout en soutenant, entre-autres, l’éducation et en renforçant la coopération entre les États membres.
Cependant, les trois pays qui ont décidé de se retirer ont estimé que l’organisation n’avait pas réussi à atteindre ses objectifs fondamentaux dans ces domaines, en particulier compte tenu de ce qu’ils ont décrit comme l’application de deux poids, deux mesures dans sa gestion des crises dans leurs pays.
C’est pourquoi le Mali, le Niger, et le Burkina Faso, ont accusé l’OIF de politiser des questions qui les concernent, en particulier à un moment sensible pour ces pays en raison de crises politiques et économiques.
• Implications pour les relations internationales
Le retrait de ces pays représente une étape importante dans le renforcement de leur alliance politique et économique. Les trois pays, qui font partie de « l’Alliance Sahel », cherchent à renforcer leurs relations régionales et à développer des stratégies indépendantes, libres de toute pression internationale.
Ce retrait pourrait avoir des répercussions importantes sur les relations futures entre ces pays et les organisations internationales qui les ont soutenus dans le passé.
• Les raisons du déclin de la langue française en Afrique
Le déclin de la présence linguistique française en Afrique a de nombreuses causes imbriquées, liées au déclin économique, scientifique et culturel actuel de la France sur le continent par rapport à la période d’occupation.
Evoquant ce phénomène, le géopoliticien français Michel Galli, spécialiste des affaires africaines, reconnaît le déclin de la présence française dans l’espace africain francophone, devenue aujourd’hui « plus militaire qu’économique et culturelle », en raison du changement soudain de la carte géopolitique avec la montée en puissance de nouvelles puissances telles que la Chine et l’Inde, et aussi avec le réveil des élites et des communautés africaines résidant hors de leurs pays d’origine.
Le déclin de la présence française est aussi une conséquence indirecte du déclin de la présence économique de Paris sur le continent, à un moment où la sphère anglophone en Afrique gagne du terrain et où « l’arrogance française » est en déclin, telle que perçue par les Africains et discutée par les observateurs et analystes africains et occidentaux.
Dans le même contexte, le Conseil français des investisseurs en Afrique s’inquiétait du recul des investissements français en Afrique par rapport à d’autres pays émergents comme la Chine, qui détient 16% des parts du marché africain, ou l’Inde, tous deux fortement présents dans les secteurs commercial et industriel. Cela intervient à un moment où les Français ne disposent plus d’une stratégie efficace pour pénétrer le marché africain.
Dans le même temps, les pays africains qui n’ont pas été soumis à l’occupation française ont surpassé les colonies françaises sur l’indice de développement humain (IDH), dans lequel les pays francophones se trouvaient en bas de la liste. Le Niger, la République centrafricaine et le Tchad se trouvent en bas de la liste, avec des taux de croissance compris entre 0,35 et 0,39 %, concluant ainsi la liste mondiale de l’IDH selon la classification 2015 du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement).
Bien que le français reste une langue importante, soit l’une des six langues officielles des Nations Unies, l’écart entre elle et l’anglais se creuse au fil du temps. Dans le domaine de l’information et de la recherche, il existe bien plus de ressources et de livres disponibles en anglais qu’en français, qui se targue encore d’être la langue des parfums, de la mode et du vin. C’est pourquoi des voix commencent à s’élever pour « réclamer que l’anglais remplace le français dans les universités et les établissements d’enseignement des pays francophones ».
Le déclin de la capacité du français à concurrencer l’anglais sur les plans académique, littéraire et même économique a confirmé aux Africains que leur insistance à l’enseigner a porté préjudice à de nombreuses générations, les privant des opportunités d’emploi et de qualification que l’anglais offre à ses apprenants plus que le français.
« La langue n’est rien d’autre qu’une monnaie échangée sur les marchés des langues pour le profit », affirme le linguiste français Louis-Jean Calvet, commentant le déclin du français à l’heure où le monde est devenu un village où l’anglais se répand et connaît une mondialisation linguistique féroce.
La réalité de la crise de la langue française est donc liée au déclin de l’influence politique et économique française, notamment en Afrique, où nombre de ses élites ont récemment ressenti le besoin d’apprendre une autre langue. L’anglais est majoritairement anglais, pour des raisons liées à l’évolution de la carte de ses marchés, dans lesquels les entreprises américaines et chinoises détiennent désormais une part importante, et parce que le mode de vie, de pensée et de vie à la française n’a plus le même attrait qu’il y a quelques décennies.
Suite aux développements qui ont accompagné ces deux événements, le français est devenu la deuxième langue dans un certain nombre de pays occupés par la France, comme la Tunisie, le Maroc, le Liban et la Syrie.
Mais depuis le début du XXe siècle, le français est en déclin, coïncidant avec l’essor des États-Unis et la révolution scientifique et technologique dont ils ont été témoins. Le déclin du français s’est poursuivi jusqu’à ce que le coup final soit porté par l’émergence de la révolution des médias, en particulier d’Internet, et sa dépendance à l’anglais comme langue principale. Des indicateurs ont alors commencé à apparaître d’un déclin de l’usage du français dans ses anciennes colonies.
Tout cela et bien plus encore soulève de nombreuses questions pour ceux qui s’intéressent au français, tant en France qu’à l’étranger.
• L’ancienne puissance coloniale sera-t-elle capable de retrouver sa position perdue en Afrique, sur le plan linguistique et culturel ?
Le pays de l’Hexagone, malgré tout ce qu’il a subi comme rejet, mépris, et exclusion dans les pays du Sahel, et qui est en train de fournir beaucoup d’efforts pour garder des pieds sur le Continent africain, pourrait-il retrouver sa position perdue sur les plans linguistique, culturel, politique et économique, surtout après la présence croissante des États-Unis, de la Chine, et de la Russie sur le continent ?
A ce sujet, il convient de noter ici que plus de la moitié des francophones dans le monde vivent en Afrique. Cependant, malgré cela, la présence de la « langue de Molière » n’est pas effective sur le continent africain, parce que c’est souvent la deuxième langue que les enfants étudient à l’école, mais ils l’apprennent à la maison et ne la parlent pas dans leurs interactions d’aujourd’hui. Tout changement politique au niveau de l’État pourrait limiter sa propagation.
Alexander Wolff, Directeur de l’Observatoire de la langue française à l’Organisation internationale de la Francophonie, souligne que « le français n’est pas la langue maternelle sauf dans quelques pays, comme la France, la Belgique francophone, la Suisse romande et certaines provinces canadiennes, dont le Québec, le Luxembourg et Monaco, soit environ 75 millions de personnes qui le parlent ».
Toutefois, le français reste une langue très fragile par rapport à d’autres car elle est en grande majorité transmise à l’école et donc tributaire de la politique mise en place dans le pays où on l’enseigne, une langue française qui est bel et bien en perte de vitesse.
• Le Rwanda revient à l’anglais: un exemple que craint la France
Bien que l’Organisation internationale de la Francophonie ait élu la ministre rwandaise des Affaires étrangères, Louise Mushikiwabon, au poste de Secrétaire générale de l’organisation (désignée à ce poste par le Sommet de la Francophonie en 2018 à Erevan en Arménie, et reconduite en 2024 lors du Sommet de Djerba en Tunisie, ce choix a suscité une controverse parmi les francophones, d’autant plus que le Rwanda a rendu l’anglais obligatoire dans les écoles, remplaçant le français. En moins de 10 ans, le Rwanda est passé complètement du français à l’anglais, depuis que le président rwandais Paul Kagame a annoncé que l’anglais remplacerait le français comme première langue du pays.
Pour rappel, les pays déclarés officiellement francophones sont: le Bénin, le Burkina Faso, le Congo-Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Guinée-Conakry, le Mali, le Niger, la République démocratique du Congo, le Sénégal, et le Togo.
• L’une des causes du déclin de l’influence française et de langue de Molière en Afrique
Au milieu de la guerre d’influence actuelle dans le système international, un certain nombre de raisons se sont conjuguées, dont certaines sont dues aux péchés des Français eux-mêmes, d’autres à la détérioration des conditions de vie des Africains, et d’autres encore au grand nombre de concurrents pour entrer dans l’arène africaine.
Cela a entraîné des pertes sans précédent dans l’influence française en Afrique, et ces pertes ont atteint le point d’annuler tous les accords et de rompre toute forme de relations amicales avec quatre pays africains: la République centrafricaine, le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Les relations françaises avec ces quatre pays ont été un pilier fondamental des mouvements français dans l’espace africain. La perte d’influence de la France dans ces pays peut donc être considérée comme une perte de la plus grande partie de son influence en Afrique, et une forte incitation à de nouvelles pertes de cette influence entrainant la disparition « peu à peu » de la langue française.
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