Tribune I “Leçon de Solhan, sous la mousse”

Tribune I “Leçon de Solhan, sous la mousse”
Tribune I “Leçon de Solhan, sous la mousse”

Africa-PressBurkina Faso. Dans pratiquement tous les segments de notre vie publique, les acteurs savent produire de la bonne mousse. Mais la mousse ne vaut que par le fond sur lequel elle repose : thé, bière, savon, etc. Si à chaque épreuve, lorsqu’elle se dégonfle, on constate qu’il ne reste plus grand-chose au fond, il y a un problème. En serait-il ainsi des grandes opérations anti-terroristes, chez nous ? Cette question s’installe, de fait, dans les esprits, qu’on le veuille ou non, et bien qu’on ne puisse pas contester leur pertinence et leur nécessité.

Que nous ne soyons pas « pourris » en moyens pour tout faire en même temps et au même moment, c’est possible ! En revanche, nous devons et pouvons développer l’intelligence et la mentalité de nos moyens : le crapaud ne peut gagner son combat qu’avec une bonne stratégie et des moyens de crapaud. Et le lion, malgré sa force et ses « armes », attaque toujours par surprise et par ruse.

De Otapuanu à Houné, sans être dans les secrets des dieux, cela semble être la même approche précaire : après les opérations, les troupes replient et le terrorisme se recharge petit à petit, pour finir par devenir arrogant (comme vu dans des vidéos), ou dispose de toute latitude spatiotemporelle pour préparer des massacres d’envergure (comme c’est la cas présent à Solhan).

On doit comprendre et intégrer le fait qu’aucune dissuasion ne marche avec les terroristes, pas plus que leurs cinglantes défaites et débandades à chaque affrontement direct. Ça nous rassure temporairement, mais ces « choses » n’ont de sens, ni à leurs yeux de combattants, ni dans l’esprit de leurs survivants au cas où.

Ces derniers, comme des zombies, sont toujours prêts pour repartir à leur « combat », et la mort, une banalité en bandoulière, une moindre chose pour la plupart d’entre eux (Shekau a préféré s’auto-exploser que de se laisser capturer). En clair, on a beau les anéantir, il en reviendra toujours, dès que les « policiers » auront tourné le dos, à la manière des vendeurs illégaux à la sauvette.

Sans être un expert de ces questions, et dans l’ignorance de ce qui se passe dans les coulisses, nous devons réussir à planifier l’occupation stable des espaces reconquis après les grandes opérations anti-terroristes. Il ne s’agirait pas d’une symbolique présence, à vocation dissuasive (cela n’a pas de sens pour les terroristes), mais d’une occupation stratégique avec toutes les implications nationales. Cela est (ou devra être) de notre souveraineté et n’a pas à être déterminé/conditionné par un quelconque aléa (soit-il favorable).

Pour réussir cet impératif, il faut construire stratégiquement des convergences sur la question sécuritaire, élargir nos volumes de projections nationales, et déconstruire le concept de « ministre de terrain ».

La construction des convergences, autour de nos enjeux nationaux, en général, du terrorisme en particulier, doit être entretenue et mise en routine par le haut (les fameux « grands commis » de l’Etat), sans fioritures ni faux-fuyants.

Ce que l’on constate, c’est que dans le cadre de leur fonction nationale, ces « grands commis » ne parlent pas à la nation, au pays entier, mais à une partie des burkinabè (ceux qui les soutiendraient) et raillent ou multiplient par zéro tout le reste. Leurs contradicteurs de tous genres sont assimilés à des gens de « mauvaise foi », à des « non-sincères » et n’ont droit qu’à leur mépris explicite.

La représentation nationale est ainsi dégradée en exercice partisan, voire clanique, ou carrément supplantée par leur personnage et personnalité propres. Et cela, face à l’épreuve, c’est-à-dire, là même où l’on aurait besoin d’une exaltation de l’exercice de la représentation nationale, trans-partisane et trans-sociale. Ces pratiques compliquent toute construction de convergence pour faire face à une épreuve nationale ou la rendent « marchandable » : chacun exigeant ou négociant une contrepartie à son implication dans la réponse à la dite épreuve.

Le résultat d’étape actuel (on n’en sait rien pour la suite) c’est ce que l’on constate depuis le weekend. On se perd en conjectures et en questionnements : alors que certains essayent d’utiliser le drame pour alimenter leur propre plan, envers et contre toute autre considération, d’autres exhibent leurs offres et conditions. Et pour ceux qui sont « tenus » de dire quelque chose dans les flammes même de la douleur, cela tourne en opération « acquit de conscience ». Mais peut-il en être autrement !

Il ne reste plus qu’à espérer que tout cela ne démobilise la réflexion sur ce douloureux événement (et sur tout autre enjeu national), réflexion qui a besoin d’un peu plus de recul.

Nous devons élargir nos horizons de projection de notre pays pour prendre en compte tous les possibles, et en subir toutes les implications nationales opérationnelles, évidemment, dans les limites de nos capacités.

Que l’on constate, en milieu rural, par exemple, les horizons et espaces de projections nationales faibles (la saison et les localités environnantes), c’est compréhensible, vu la précarité sanitaire et le déficit d’instruction, entre autres.

Mais lorsqu’au niveau des acteurs décisifs nationaux, ces volumes de projections se retrouvent aussi restreints, il y a un problème. En effet, vu ce qui s’est passé (et se passe) au Mali et au Niger, après Yirgou (quoique dans un autre registre), et le massacre des femmes de Arbinda en décembre 2019, l’hypothèse d’un Solhan (si on conceptualise) était plausible.

En toute logique, quelque chose devait être prépositionné, dans les limites du possible, évidemment, relativement aux prises d’information rapides et au raccourcissement des délais d’intervention de nos forces sur les terrains d’opération des terroristes. Il n’est plus compréhensible que ces interventions le soient toujours après coup, comme ce fut le cas, juste pour ratisser.

Quelque chose était-il prépositionné, et n’a pas fonctionné ? Le PM a promis que « cette incurie que nous constatons ne restera pas impunie » (au 20 h de la RTB du 7 juin). On attend d’en savoir davantage.

Un ministre est ministre, un point c’est tout ! Dès lors qu’on lui accole un attribut, on restreint la fonction, on l’oriente, en fait, on la désoriente. Ce concept et les pratiques qu’il détermine, nés sous la Révolution par opposition aux « bureaucrates » et aux « discours papier longueur », est, de nos jours et dans bien de cas, un cache misère de la vacuité en matière d’orientation et de réflexion stratégiques nationales. Les « parades » verbales (parfois en réponse à des acteurs des réseaux sociaux) qui accompagnent concept, le sont tout autant.

Faut-il le rappeler, les réseaux, pour importants qu’ils soient dans le débat public, ne sont pas encore évalués, chez nous, quant à leur niveau de conformité ou de représentativité d’une « opinion nationale » quelconque. Cette dernière étant elle-même, très mobile et insaisissable, comme c’est le cas de toute jeune nation, en construction.

Les nations se construisent et se raffermissent face aux épreuves douloureuses et difficiles, semble-t-il, à condition qu’elles soient surmontées collectivement, sous une forme ou une autre. Les soldats à la retraite rappelleront que si les liens entre eux sont souvent si forts, à la base, c’est grâce aux rudes épreuves collectivement subies aucours de la formation et de la vie militaires.

On peut benoitement penser que c’est de bonne guerre, que d’utiliser chaque pic de la crise terroriste pour nourrir son plan politique spécifique ! Mais l’exemple du MNLA est toujours là pour nous édifier. S’il y a un domaine où le succès est, a priori, dans l’intérêt de tous le plans et projets politiques nationaux, c’est bien celui de la lutte anti-terroriste.

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