Tueries de Solhan : « Il devrait avoir un centre des opérations, une cellule de crise au Sahel », estime Mahamoudou Sawadogo, expert en sécurité

Tueries de Solhan : « Il devrait avoir un centre des opérations, une cellule de crise au Sahel », estime Mahamoudou Sawadogo, expert en sécurité
Tueries de Solhan : « Il devrait avoir un centre des opérations, une cellule de crise au Sahel », estime Mahamoudou Sawadogo, expert en sécurité

Africa-PressBurkina Faso. Le Burkina Faso a connu dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 juin 2021, à Solhan, dans La province du Yagha, la pire attaque de son histoire. Le dernier bilan donné en Conseil de ministre de ce mercredi 9 juin est de 132 victimes. Qu’est-ce que explique cette tuerie d’une telle ampleur ? Pourquoi nos FDS n’ont pas promptement réagi ? Comment contenir l’hydre terroriste au pays des « Hommes intègres » ? Pour répondre à ces interrogations, est allé à la rencontre de l’expert en sécurité, Mahamoudou Sawadogo qui nous a livré son analyse de la situation.

: Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette tuerie d’une telle ampleur ?

Mahamoudou Sawadogo : Il y a plusieurs hypothèses. La première c’est qu’elle a été exécutée par un group qui, généralement, est très violent qu’on appelle l’Etat islamique au grand Sahara. Dans son mode opératoire, ce groupe n’épargne pas les populations civiles. La deuxième hypothèse, c’est le contrôle d’un certain nombre de mines artisanales qui fait que ces zones sont beaucoup convoitées par ces groupes armés terroristes. La troisième théorie, c’est qu’on n’a pas eu une réponse à temps. Cela a occasionné cette tuerie.

Comment vous décrivez le contexte sécuritaire dans la zone de Solhan ?

Solhan n’est pas isolé du Sahel qui n’est isolé de la province du Yagha. Elle est délétère et s’est profondément dégradée en début d’année 2021. Les groupes armés terroristes ont mis une grande pression dans cette localité. Parce qu’elle est un intérêt stratégique pour eux car se trouvant dans leur couloir de transit. Aussi elle n’est pas loin de la zone des trois frontières qui est une zone convoitée.

Il se trouve que la zone de Yagha et de Solhan sont un champ de combat entre deux grands groupes à savoir le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, et l’Etat islamique au grand Sahara. On a donc dans cette zone, un regroupement de plusieurs acteurs de la violence. Ce qui justifie pourquoi le niveau de violence est assez élevé.

Selon le MBDHP, je cite : « durant plus de quatre heures, les assaillants ont attaqué successivement le site d’orpaillage de Mossiga, village de Gountouré, la base des VDP de Solhan ». Comment est-ce possible alors qu’il y a une base militaire à une vingtaine de kilomètres ?

Le drame de Solhan est le drame de trop qu’on aurait pu éviter. Cela a été possible parce que cette opération a été savamment menée par ce groupe terroriste. Ils ont pris le soin de miner l’itinéraire par lequel devraient arriver les forces de défense et de sécurité (FDS). Connaissant le mode opératoire des GAT (groupes armés terroristes), les FDS n’avaient autre choix que de prendre toute la prudence pour arriver. Sinon à leur sein, on allait avoir aussi des victimes. Il y a l’état des routes qui sont impraticables. C’est tout cela qui a justifié ce retard et cette lenteur dans la réaction des FDS.

Pourquoi nos Forces de défense et de sécurité ne s’y sont pas rendues par les airs avec au moins un aéronef ?

Oui, il y avait une possibilité d’aller par les airs. A cette question, seule les FDS pourront expliquer pourquoi elles n’ont pas utilisé les aéronefs de l’armée pour s’y rendre. D’autant plus qu’on nous a rassurés qu’elles disposent de tous les moyens nécessaires pour lutter contre le terrorisme.

Le groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) décline toute responsabilité. Qu’est-ce que cela sous-entend selon vous ?

Oui, il a rejeté cette attaque pour ne pas se discréditer parce que c’est sa zone d’influence. Ce groupe est le premier à être accusé d’avoir perpétré cette attaque. Comme il n’en est pas l’auteur, de façon stratégique, c’est normal qu’il dise que ce n’est pas lui. Comme je l’ai dit un peu plus haut, Solhan, Yagha est une zone de combat entre ces différents groupes. Cela peut être une stratégie de l’autre groupe qui est l’Etat islamique au Sahara, qui a mené l’attaque pour le faire porter par l’autre groupe afin de le discréditer aux yeux des populations.

Parce que les deux ont des stratégies et un mode de communication très différents. Généralement quand c’est eux, ils communiquent et ils ont des canaux de communication très performants. D’ailleurs, vous avez vu le canal par lequel ils ont communiqué ? Alors que l’Etat islamique, eux, la revendication c’est l’exception dans leur acte. Ils revendiquent très rarement sauf pour des cas de victoire sur les FDS. On peut s’attendre que cet acte ne soit pas revendiqué.

Que pensez-vous des capacités de la hiérarchie militaire à faire face à la situation ?

Là aussi c’est une question assez difficile à répondre du moment où je ne suis pas dans l’opérationnel. Je ne suis qu’un scientifique et je ne peux qu’analyser la situation. Et dans mes analyses on a un problème de coordination, de stratégie et de coopération entre les différentes armées. Voila l’analyse que je fais de la situation.

La faille par exemple de coordination c’est qu’entre l’armée, la gendarmerie et la police, il n’y a pas de coordination. Entre les VDP et l’armée, il y a un problème de coordination et de communication. Parce que si les VDP ont été attaqués et il n’y a pas d’aide, d’appui, c’est qu’il y a quelque chose qui n’a pas marché. Parce que c’est un allié qui est en première ligne de front. Donc comme je l’ai dit, il y a un véritable problème de coordination qu’il faut régler très rapidement car c’est ce qui sera très déterminant dans la lutte contre le terrorisme.

Que faire aujourd’hui pour contenir l’hydre terroriste au Burkina Faso ?

L’une des plus grandes solutions, c’est de refaire une reforme du secteur de la sécurité. Il faut définir le rôle de chaque unité, chaque entité qui se trouve à l’intérieur de la sécurité. La deuxième chose c’est de mettre en place une stratégie claire pour comprendre les dynamiques en fonction de chaque région. Ne pas donner la même réponse pour chaque région parce que les dynamiques sont différentes.

Nous devons repartir à zéro pour mieux comprendre le phénomène afin d’apporter des réponses. La troisième chose, c’est de mettre la population au cœur de la stratégie parce que dans une lutte asymétrique, c’est la population qui est la pièce maitresse. Si nous perdons la confiance de la population on est sûrs que la bataille va être longue et rude.

Comment comprendre que face à une tuerie d’une telle ampleur, il n’y ait même pas un conseil de défense sur le drame ?

Moi ce que je sais, c’est qu’il devrait avoir un centre des opérations, une cellule de crise au Sahel. Comme le CORUS à l’avènement du Covid-19. Cette cellule qui définit clairement les attributions de tout le monde, qui a fait quoi et qu’est-ce qui n’a pas marché ? Cela pour qu’on puisse tirer des leçons. Mais comme c’est des questions de défense et de sécurité, on nous brandit la question de secret-défense. On va peut-être attendre la fin du Conseil des ministres (de ce 9 juin 2021) parce qu’on n’a pas vu de décisions fortes venant de l’exécutif à part les 72h de deuil. C’est plutôt des mesures prise par les gouverneurs et là aussi ces mesures existaient déjà.

 

 

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