Un Burkina partagé observe la réélection d’Emmanuel Macron

Un Burkina partagé observe la réélection d’Emmanuel Macron
Un Burkina partagé observe la réélection d’Emmanuel Macron

Africa-Press – Burkina Faso. Pour avoir visité leur pays quelques mois après son accession à l’Élysée en 2017, Emmanuel Macron a laissé un souvenir encore intact dans les esprits de nombreux Burkinabè. Le second tour de la présidentielle qui a donné vainqueur le candidat de La République en marche, devant la candidate du Rassemblement national, Marine Le Pen, a davantage ravivé ce souvenir. Sur les réseaux sociaux, certains ont ressuscité des photos souvenirs de son passage à l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou. Pour rappel, Emmanuel Macron y avait prononcé son premier discours de politique africaine. Au-delà de ce souvenir, les enjeux de la présidentielle française pour le Burkina Faso sont importants tant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron aura été marqué par de grands défis dans la région du Sahel. Pas de surprise donc de voir combien sa réélection a été commentée dans les rues de Ouagadougou.

Le souvenir du discours de Ouagadougou toujours vivace

Babou Ziba était là ce jour de novembre 2017, au milieu de centaines d’autres étudiants. En face d’eux, Emmanuel Macron, tout jeune président, qui a choisi de venir au Burkina juste quelques mois après son accession à l’Élysée. En présence de son homologue burkinabè d’alors, Roch Kaboré, il tient un discours « mémorable » devant les jeunes, avant d’engager avec eux un échange direct, « sans filtre », comme il y en a eu rarement par-là, entre un chef d’État et des étudiants. Pas de sujet tabou. Emmanuel Macron évoque le passé colonial, les biens culturels dont l’Afrique a été dépossédée. Il lève le voile sur le partenariat militaire. Bref, il ouvre la voie à une promesse de nouvelle relation « décomplexée » entre le continent noir et son pays. Ça, c’était en 2017, fin novembre précisément.

Cinq ans après, Emmanuel Macron a encore gagné la confiance des Français qui, à la faveur du second tour de la présidentielle, l’ont préféré à Marine Le Pen, à 58,5 %. Et ce n’est pas une surprise pour Babou Ziba qui a suivi les sondages d’avant-vote, lesquels avaient donné favori le président sortant. « À Ouagadougou, Emmanuel Macron a fait de grandes promesses lors de sa visite en 2017. Il a promis un nouveau partenariat avec l’Afrique. Il s’est montré préoccupé par l’avenir de la jeunesse africaine. Mais ses paroles n’ont malheureusement pas été suivies d’actes. Je veux dire que je ne constate pas de changement concret et significatif cinq ans après », commente Babou Ziba, reconnaissant tout de même des signaux positifs, comme la restitution des biens culturels, dont le processus est entamé.

Macron perçu comme « un vainqueur par défaut »

Emmanuel Macron, d’un côté, et Marine Le Pen, de l’autre : le choix est vite fait pour nombre de Burkinabè. En clair, le candidat d’En marche ! est « le moindre mal », voire « un vainqueur par défaut ». Pour Christophe Porgo, la candidate du Rassemblement national est « celle que les Français ne devaient surtout pas porter à la tête de leur pays ». Cet étudiant pointe le « discours méprisant » à l’égard des immigrés africains en France. « Marine Le Pen ne pouvait et ne devait pas être élue avec le programme qu’elle a présenté. Sa politique qui prévoit d’exclure manu militari les Africains de France méconnaît l’apport de ces Africains à son pays », commente-t-il. Et de poursuivre que Jean-Luc Mélenchon – un autre candidat qui a, lui aussi, tenu un discours à l’université Joseph-Ki-Zerbo – aurait remporté l’élection si le second tour l’avait opposé à Emmanuel Macron. Pourquoi ? « Ce qu’on apprend de beaucoup de Français par les médias, c’est qu’ils n’ont pas voté Emmanuel Macron par conviction. Ils l’ont élu parce qu’il est le moindre mal face à Marine Le Pen. Cela veut dire que, si Jean-Luc Mélenchon qui est arrivé troisième au premier tour avait eu la chance de faire face à Macron, il aurait été élu parce qu’il représente un espoir pour les Français », croit savoir le jeune étudiant.

L’analyse portée sur la suite de la politique africaine de Macron

« La continuité, c’est le résumé en un mot de ce que sera la politique française envers l’Afrique les cinq prochaines années », analyse le politologue Siaka Coulibaly. « À partir du moment où c’est le même président qui a été réélu, il est clair que sa politique envers le Burkina et le reste de l’Afrique va se poursuivre sous le même format. Je ne pense pas qu’il y aura une modification sensible au niveau de la coopération. On assistera au maintien des mêmes principes et des mêmes programmes », explique-t-il.

Dans un contexte d’instabilité sécuritaire dans les pays du Sahel, la continuité interroge quant à l’avenir de la coopération militaire entre Paris et ses partenaires sahéliens, dont le Burkina. Car le premier mandat d’Emmanuel Macron avait fini par une fausse note sur fond de brouille diplomatique entre la France et le Mali, ce qui a conduit à une réorganisation de Barkhane, la force française de lutte antiterroriste au Sahel qui devrait se redéployer au Niger après avoir plié bagage au Mali. Cela fait penser à une partie de l’opinion burkinabè que Barkhane pourrait s’installer au Burkina Faso sous ce deuxième mandat du président Emmanuel Macron, et ce, d’autant plus que le pays est encore durement éprouvé par les attaques terroristes malgré l’arrivée au pouvoir de nouvelles autorités.

« Si le Niger accorde à Barkhane le droit de s’installer sur son territoire, cette force n’a plus besoin de se redéployer au Burkina pour la simple raison que, contrairement au Mali et au Niger, le Burkina n’a pas un territoire très vaste. Le pays peut être étroit pour la force Barkhane composée d’au moins cinq mille soldats et a besoin d’espaces de manœuvres pour son énorme matériel. De ce point de vue, le Niger est plus propice à la poursuite de l’opération Barkhane », pense l’analyste politique.

Ce qui est réellement attendu de Macron

Du président réélu, les attentes des Burkinabè sont multiples. Elles se cristallisent sur le volet militaire de la coopération. Dans une déclaration, Eddie Komboïgo, président du Congrès pour la démocratie et le Progrès – parti historique de l’ancien président, Blaise Compaoré –, a ainsi écrit : « C’est le moment […] de revisiter avec courage et en toute responsabilité les lourds accords tant militaires, diplomatiques qu’économiques entre la France et les ex-colonies africaines, notamment mon pays, le Burkina Faso. Vous aviez déjà commencé par la restitution du patrimoine culturel africain gardé jadis dans les musées français. Nous vous encourageons à poursuivre ces efforts et à inciter tous les pays européens à en faire autant. En tout état de cause, les jeunes populations africaines en ont pris conscience et n’ont d’autres options que d’aller dans le sens de rééquilibrer les relations dans un esprit gagnant-gagnant. Plein succès dans votre grande et exaltante mission de président de la République ! »

Il y a par contre d’autres Burkinabè qui « n’attendent plus rien » de la France, « peu importe le président à sa tête ». Volontiers, Boris Guissou lève le doigt pour se faire compter parmi cette catégorie de personnes, au nom de la Coalition des patriotes africains au Burkina Faso (COPA-BF) – organisation qui a été à l’initiative du blocage d’un convoi militaire français au Burkina en novembre 2021. « Pour nous, membre de la COPA-BF, on n’espère rien d’Emmanuel Macron ni d’aucun autre président français. Aujourd’hui, la donne a changé et les Africains sont à un niveau où ils n’attendent plus un messie », estime ce leader de la société civile pour qui un second mandat d’Emmanuel Macron va s’accompagner de « continuité dans la coopération militaire, de tentative de consolidation des accords avec peut-être d’autres techniques d’approche ».

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Burkina Faso, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here