Africa-Press – Burkina Faso. Ils sont jeunes, formés et désormais en mission: nourrir le Burkina Faso. 2 000 jeunes entrepreneurs ruraux entrent ainsi en scène comme fers de lance de l’Initiative Présidentielle pour la Production Agricole et l’Autosuffisance Alimentaire (IP-P3A). Cette stratégie audacieuse, impulsée par le Capitaine Ibrahim Traoré et décrétée en juillet 2024, vise à refonder l’agriculture nationale d’ici 2029. Enracinés dans les bas-fonds et les plaines, ces pionniers ne sèment pas que des graines: ils cultivent l’espoir d’un pays souverain sur le plan alimentaire.
Lundi 16 juin 2025. Badnogo, à la sortie Est de Ouagadougou, s’éveille au rythme d’une aube historique. Sur le sol rouge encore humide, une colonne de jeunes, âgés de 18 à 40 ans, se dresse dans une harmonie saisissante.
En tenue militaire, ils incarnent une nouvelle génération: celle des « agriculteurs-patriotes ». Ces jeunes sont l’épine dorsale d’une révolution agricole, et surtout, le visage d’un Burkina Faso résilient, inclusif et volontaire.
Ce rassemblement n’a rien d’un simple cérémonial. Il scelle l’engagement de 2 000 jeunes formés pendant trois mois à la fois aux techniques agronomiques modernes et à l’éducation civique.
Lorsqu’ils entonnent l’hymne national, leurs voix, à l’unisson, vibrent d’une fierté contagieuse. Ils ne sont pas de simples cultivateurs, mais les bâtisseurs d’un avenir affranchi de la faim.
Leurs pas cadencés, leurs gestes maîtrisés, traduisent un mental forgé. Ces jeunes sont prêts, comme des commandos agricoles, à affronter les aléas du climat, du marché et du sol. L’esprit de résilience est leur carburant.
Leur mental est forgé, leur résilience à toute épreuve. Ils ont absorbé, au cours de ces trois mois intenses, non seulement les techniques agronomiques modernes, mais aussi l’esprit de civisme et d’abnégation. Cette détermination se lit sur chaque visage.
Qu’il s’agisse de jeunes diplômés avides d’innovation, de paysans expérimentés désireux de se moderniser, de personnes en situation de handicap défiant les préjugés, ou de femmes et d’hommes animés par une soif commune de construire. Tous partagent la même flamme: celle de nourrir le Burkina Faso de ses propres mains.
Ces jeunes, attentifs et réceptifs, promettent de changer la donne. Ils retournent dans leurs 80 communes d’origine, ou 12, 5 hectares, soit 0,5 ha par jeune aménagé avec des forages afin de permettre aux jeunes de produire en toute saison. Ils sont 25 jeunes par commune désignés pour porter cette phase expérimentale de l’IP-P3A.
Le chef de bataillon Zida Ousséni, Commandant du Centre National de Formation des VDP, souligne le double objectif de cette formation administrée. « Notre mission ici est de former non seulement des agriculteurs qualifiés, mais aussi des citoyens dévoués qui comprennent leur rôle dans la défense de notre patrie par la production alimentaire. Ils incarnent l’esprit de résilience et d’autonomie qui définit le Burkina Faso », confie l’Officier.
L’Initiative Présidentielle pour la Production Agricole et l’Autosuffisance Alimentaire (IP-P3A), instaurée par le Président du Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, se veut être la réponse stratégique du Burkina Faso aux enjeux de sécurité alimentaire. Cette initiative quinquennale (2024-2029) est dotée d’un budget de plus de 120 milliards de FCFA (environ 200 millions de dollars USD).
Formalisée par décret le 24 juillet 2024, l’initiative couvrira la période 2024-2029. La formation des 2 000 premiers jeunes, tenue du 4 mars au 16 juin 2025, marque le début concret du programme. A la fin de cette formation de la composante, 8000 jeunes issus de 340 communes seront formés et seront installés sur 4000 hectares.
Sa gestion est confiée au Bureau National des Grands Projets du Burkina (BN-GPB). L’IP-P3A repose sur une approche en quatre axes stratégiques: l’Agriculture Climato-Intelligente prévoit l’aménagement de 5 000 hectares pour des pratiques agricoles adaptées aux variations climatiques.
L’axe Urgence Riz, Blé et Maraîcher vise une production intensive sur 16 000 hectares pour ces cultures clés. Le Programme Alimentaire Militaire intègre les forces de défense dans la production agricole sur 6 750 hectares. Enfin, la Production de Défense de la Patrie implique les Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP) et diverses coopératives sur 5 000 hectares.
Le programme prévoit la valorisation de 32 000 hectares de terres. Un volet important concerne la formation et l’installation de 8 000 jeunes agriculteurs sur 4 000 hectares, dont les 2 000 premiers ayant achevé leur formation en juin 2025. Les objectifs de production incluent 52 000 tonnes de céréales et 5 800 tonnes de tubercules.
L’objectif est clair. Il s’agit de passer de la dépendance à l’autosuffisance alimentaire en insufflant une nouvelle dynamique à l’agriculture nationale. L’importance de cette première cohorte de 2 000 jeunes est capitale pour le BN-GPB. Elle représente la première pierre de cet édifice.
Ce qui rend cette cohorte particulièrement riche et symbolique, c’est la diversité de ses participants. Ici, les distinctions s’effacent au profit d’un objectif commun. On y trouve des jeunes diplômés capables d’apporter des connaissances théoriques et de l’innovation.
Aussi, des personnes illettrées mais riches d’un savoir-faire ancestral et d’une motivation inébranlable, des jeunes en situation de handicap qui défient les barrières. Ainsi, on note une présence significative des femmes/filles. Au nombre de 439, elles représentent près de 25% du nombre global.
La cérémonie de sortie officielle, orchestrée par le Bureau national des grands projets, est un moment fort, qui mêle solennité et liesse. La fin d’une étape intense et le début d’une nouvelle aventure. Au milieu de l’effervescence, Kientéga Souleymane, originaire du Boulkiemdé dans la Région du Centre-ouest (devenue « Nando »), irradie la joie.
Son visage, marqué par des mois d’apprentissage intense, reflète un mélange d’accomplissement et d’impatience. « Vraiment, on est très contents », c’est avec ces mots simples mais chargés d’émotion que Kientéga exprime cette satisfaction. Pour lui, la formation reçue qu’il qualifie de « qualité » aussi bien en agriculture qu’en civisme est un bagage «inestimable».
L’espoir et la détermination sont palpables dans ses attentes immédiates. « En vérité, on est pressé d’y aller », argue le vingtenaire plein d’énergie. C’est-à-dire de retourner dans sa commune pour appliquer tout ce qu’il a appris. Son ambition dépasse la simple pratique agricole. Il veut « montrer que nous sommes venus les mains vides, mais nous repartons avec les mains remplies ». Il aspire à devenir un modèle.
Le coordinateur technique de l’IP-P3A, Inoussa Ouédraogo place de hautes attentes en cette première cohorte d’agriculteurs entrepreneurs. Il aspire à ce que ces jeunes, dotés d’une double compétence technique et civique, « capable des produire sur n’importe quel type de sol, deviennent de véritables producteurs modèles dans leurs communes ».
Dans la matinée de ce 16 juin, le vent sec de Ouagadougou porte les voix de cette armée pacifique prête à en découdre avec la faim. Leurs visages racontent des histoires diverses, mais leurs cœurs battent à l’unisson. Parmi eux, se tient Traoré Sié Moussa.
30 ans, un ingénieur du développement rural, venu de la commune rurale de Karangasso Sambla, province du Houet dans la Région du Guiriko (Ex région des Hauts-Bassins). Pour lui, cette formation était une évidence. « Nous allons nous mettre à l’œuvre pour produire et nourrir la communauté burkinabè, voire l’extérieur », dit-il.
À ses côtés, on trouve des parcours plus sinueux, mais tout aussi riches. Ouédraogo Bakari, 40 ans, par exemple. Il a abandonné l’université, mais n’a pas laissé tomber ses rêves. Ancien maraîcher de fraises à Zagtouli, il connaît la terre, ses caprices et ses générosités. Son désir de retourner s’installer dans sa commune d’origine, Siglé, dans le Nando (Ex Centre-Ouest), est une promesse de renouveau pour sa localité.
Les femmes, véritables piliers de cette «révolution», sont tout aussi résolues. Tengasogo A Cathérine, 22 ans, originaire de Pô dans le Centre-sud (désormais Région du Nazinon), avait mis ses études de côté pour le commerce. Désormais, elle maîtrise l’art de fertiliser les sols et même de transformer les produits. « Nous sommes prêts à travailler corps et âme pour la nation», clame-t-elle.
Et Yaméogo Basga, 27 ans, mère de deux enfants est de la commune de Pella. Cette cultivatrice de profession, rêve déjà de « révolutionner ses cultures pour mieux produire ». Elle témoigne du soutien de sa famille dont elle bénéficie jusqu’ici.
Cette diversité des âges, des niveaux d’études, de l’ingénieur à la femme au foyer, des parcours professionnels, et des origines géographiques, du Kénédougou au Boulkiemdé en passant par le Nazinon, se présente comme une force.
Dans cette foule, une silhouette capte l’attention. Guigma Abdoul Lawal Ayatoula, 22 ans, né manchot, incarne une force tranquille. Refusé au départ pour la formation militaire, il finira par convaincre ses instructeurs par sa ténacité. Son message claque comme un slogan: « Le handicap est dans la tête ».
Il a appris à cultiver, à tirer les armes, comme le reste, prouvant que la volonté surpasse toutes les entraves. Si les premiers pas vers la formation militaire furent semés d’embûches, sa détermination a touché le commandant Zida qui a ordonné son intégration.
Lawal est l’emblème de l’inclusion, l’éclaireur qui montre qu’aucun jeune Burkinabè n’est laissé pour compte. Son objectif est de «contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire au Burkina».
Des perspectives croisées du monde de la recherche offrent une analyse optimiste du potentiel de cette initiative. Le Docteur Edgar Traoré, chercheur en génétique et amélioration des plantes à l’Institut de l’Environnement et des Recherches Agricoles (INERA), affirme que l’objectif de production de l’IP-P3A est «largement accessible».
Cette confiance repose sur le vaste potentiel agricole du pays. « Le Burkina Faso est un pays agricole avec plus de 85% de la population active dans le secteur, 9 millions d’hectares de terres arables, 233 500 hectares irrigables, et un millier de retenues d’eau», cite-t-il.
Il exhorte la recherche agronomique nationale à être « plus engagée sur le terrain » et appelle à un examen critique des technologies de recherche, insistant sur l’importance de «placer les bonnes personnes aux bonnes places pour espérer des résultats».
De son côté, Serge Auguste Zaongo, ingénieur en électronique industrielle, apporte une vision sur l’intégration de la technologie. Le technicien estime que l’initiative est « pertinente » et que des dispositifs de gestions automatiques du calendrier d’irrigation apportent un avantage stratégique. « Ils offrent la capacité de collecter des données depuis le terreau et d’apporter aux cultures les quantités d’eaux et de nutriments nécessaires».
L’ingénieur propose que les jeunes entrepreneurs agricoles peuvent mutualiser leurs ressources en acquérant des parcelles voisines et en réalisant des forages partagés. «En y installant un système de gestion intelligente de la distribution d’eau, basée sur l’identification par badge ou carte, ils pourront optimiser l’accès à l’irrigation en réduisant en même temps les coûts individuels d’exploitation», conseille-t-il.
Serge Zaongo insiste sur « la simplicité d’usage, l’adaptabilité au terrain, et un modèle économique viable. Il illustre cette facilité par des exemples concrets. «Les systèmes doivent être robustes et faciles à entretenir localement. Aujourd’hui, un producteur peut connecter son champ à son numéro WhatsApp grâce à un boîtier électronique intelligent. Il peut ainsi, par simple message, activer ou arrêter l’irrigation, recevoir des alertes en cas d’anomalie, et obtenir en temps réel des recommandations adaptées à l’état de ses cultures», souligne l’ingénieur.
Les deux experts convergent sur l’importance de trois aspects pour une réussite durable: l’accès aux technologies innovantes (y compris la mécanisation et la digitalisation), le financement post-installation suivi de l’encadrement technique continu, et l’accès aux marchés à travers un système intégré d’agriculture contractuelle.
Concernant les parcelles de 0,5 hectare allouées aux jeunes pionniers, Dr Edgar Traoré confirme qu’elles sont suffisantes pour générer des richesses via l’intensification. Il suggère de s’inspirer de modèles étrangers, comme le « Big farm, Small farmers » du Vietnam, où une coopérative de 50 jeunes producteurs sur une superficie de 25 hectares pourrait répondre plus efficacement à un marché plus conséquent. Cette approche résonne avec l’idée de mutualisation des ressources et de systèmes intelligents proposée par Serge Zaongo.
Le message du Président du Faso, relayé par le ministre d’État le Commandant Ismaël Sombié, sonne comme un serment: « D’autres jeunes donnent leur vie pour défendre le pays. Vous, vous avez le devoir de le nourrir ».
Le ministre d’Etat exhorte ces jeunes, locomotive de la révolution agricole, à s’investir pleinement, car dit-il, « le Burkina Faso a pris un chemin de non-retour et notre révolution commence déjà par l’autosuffisance alimentaire. Il n’y a pas de place pour une jeunesse attentiste et paresseuse aujourd’hui ». Le message final, un triptyque à graver dans les cœurs, est un appel à se départir de la paresse, l’incompétence et la trahison.
En plus de l’offensive agro sylvopastorale portée par le ministère en charge de l’Agriculture, le Président du Faso a institué l’IP-P3A pour accélérer la lutte contre la faim. Puisque le Burkina Faso a pris un chemin de non-retour « et la révolution commence déjà par l’autosuffisance alimentaire », selon le ministre Sombié.
Bref, la vraie cérémonie ne se jouera ni sur les tribunes ni dans les discours. Elle se déroulera dans les champs, à la sueur du front, à la force des bras, et à la foi dans la terre. Ces jeunes ne cultivent pas seulement des cultures. Ils sèment l’espoir, la dignité et l’indépendance.
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