Eniola Akinkuotu
Africa-Press – Burkina Faso. En visite au Nigeria, le milliardaire et fondateur de Microsoft a vanté le recours aux organismes génétiquement modifiés pour résoudre la crise alimentaire actuelle et a répondu à ceux qui s’inquiètent des risques liés aux aliments issus des semences de nouvelle génération.
Lors de sa visite au Nigeria, début septembre, le cofondateur de Microsoft Bill Gates s’est exprimé sur la crise alimentaire en Afrique, où l’on estime à 216 millions le nombre d’enfants souffrant de retards de croissance et de malnutrition, selon la Banque africaine de développement (BAD). Le Nigeria, pays le plus peuplé du continent, est aux prises avec l’insécurité alimentaire. Et pour ne rien arranger, les dernières données du Centre national des opérations d’urgence (NEOC) montrent que l’augmentation des niveaux d’inondation a touché au moins 115 265 hectares de terres agricoles, ce qui constitue un coup dur pour l’agro-industrie.
L’inflation des denrées alimentaires au Nigeria s’élève à 40 %. La banque centrale prévoit qu’environ 55 % du revenu disponible sera consacré à l’alimentation. Les Nations unies estiment de leur côté que 82 millions de Nigérians, soit 64 % de la population, pourraient souffrir de la faim d’ici 2030, soulignant la nécessité pour le gouvernement de lutter contre les effets du changement climatique et autres obstacles à la productivité agricole. Le président Bola Tinubu, en fonction depuis mai 2023, a été contraint de déclarer l’état d’urgence en matière de sécurité alimentaire. Il a également suspendu temporairement les droits d’importation sur les aliments de base pour six mois, mais la crise imminente ne semble pas s’éloigner.
Rendements élevés et résistance
Au cours de sa visite, Bill Gates a annoncé un investissement de 2,8 milliards de dollars dans les secteurs de la santé, de la nutrition et de l’agriculture au Nigeria, soulignant l’urgence de la lutte contre la faim et la malnutrition en Afrique. Le philanthrope multi-milliardaire s’est entretenu avec des gouverneurs et des hauts fonctionnaires nigérians à propos de la nécessité d’adopter la nouvelle génération de variétés de cultures innovantes, qui ont des périodes de croissance plus courtes, des rendements plus élevés, une plus grande résistance à la sécheresse, aux inondations ainsi qu’aux parasites, dans le but de résoudre de la crise alimentaire dans le pays.
Des experts ont indiqué à Jeune Afrique que, bien que le gouvernement nigérian ait approuvé les organismes génétiquement modifiés (OGM), chaque variété doit être approuvée par au moins cinq autorités réglementaires, un processus qui peut prendre deux à trois ans et que Gates juge contre-productif. Ainsi, quatre variétés « élite » de maïs TELA ont été approuvées par les autorités réglementaires nigérianes, de même que le niébé PBR et le coton Bt. Gates a appelé à des approbations réglementaires plus rapides pour d’autres variétés en cours d’évaluation, notamment un manioc résistant aux virus ou une pomme de terre irlandaise modifiée cultivée par des agriculteurs nigérians.
« Pour tirer le meilleur parti des nouvelles variétés de cultures, le Nigeria doit accélérer le processus réglementaire d’approbation. Ce processus est important et doit toujours être pris au sérieux. Mais on peut agir avec prudence et rapidité », a-t-il déclaré à la Villa Aso, la résidence présidentielle. Le milliardaire américain a aussi déclaré qu’il fallait s’attaquer de front à la malnutrition, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans. « Si, à [cet] âge, vous avez souffert de malnutrition, vous ne pouvez pas vous en remettre. C’est permanent en termes de capacités physiques et mentales », a-t-il expliqué aux journalistes.
Réduire la malnutrition
Bill Gates a aussi expliqué que l’édition de gènes pourrait aider les poules à pondre de plus gros œufs, ce qui pourrait augmenter l’apport en protéines des enfants et réduire la malnutrition.
« J’étais en Éthiopie. Le coût des œufs a été divisé par deux. Ce développement génétique du poulet est très productif », a-t-il raconté. Des résultats qui pourraient être reproduits dans d’autres régions. « Même avec le changement climatique, nous pouvons mettre au point des semences qui se développent avec moins d’eau ou trop d’eau et qui restent très productives », a-t-il ajouté.
L’ancien P-DG de Microsoft a également rejeté les craintes relatives à la sécurité des aliments génétiquement modifiés, affirmant que si ceux-ci étaient dangereux, les États-Unis ne les auraient pas autorisés pour leurs citoyens. Une partie des aliments importés des États-Unis et consommés au Nigeria est génétiquement modifiée. La majeure partie du maïs américain, brésilien et argentin utilisé par les meuneries au Nigeria est génétiquement modifiée, a appris Jeune Afrique.
« Les aliments que vous importez sont des OGM. Donc si vous voulez que nous les cultivions, c’est d’accord », a déclaré Gates, qui a engagé au moins 7 milliards de dollars dans des initiatives en Afrique, dont au moins 30 % au Nigeria. Il a assuré que s’il y avait « de vraies preuves scientifiques » concernant les risques liés à la consommation d’OGM, « vous n’imagineriez pas que les États-Unis nourriraient tout le monde tous les jours de cette façon ».
Le problème de l’insécurité
Mais Rotimi Williams, P-DG de Kereksuk Rice Farm, explique que si l’idée de Bill Gates est noble, le plus grand problème agricole du Nigeria est l’insécurité. « L’effet de l’insécurité sape tous les avantages des OGM car il faut d’abord avoir accès à ses fermes pour planter les semences. Donc, si vous ne vous occupez pas de cela, nous aurons toujours un problème », a déclaré celui qui a été contraint de fuir sa propre ferme après des tentatives d’assassinat. Rotimi Williams reconnaît que l’augmentation des rendements des cultures grâce à l’acceptation des OGM pourrait grandement contribuer à renforcer l’efficacité alimentaire du Nigeria. Malgré cela, de nombreuses personnes s’interrogent encore sur la salubrité des aliments génétiquement modifiés.
Il existe également des problèmes liés à une réglementation insuffisante, et les consommateurs sont peu informés de la nature des aliments. « Ce que nous plantons aujourd’hui, ce sont des OGM. La plupart des concombres et des tomates cultivés sont génétiquement modifiés parce que nous n’avons plus accès aux semences locales comme avant, explique Victor Olajide, propriétaire d’une ferme de 3 hectares dans l’État d’Ogun. Même la plupart des semences de maïs que nous plantons sont génétiquement modifiées. » Avant d’ajouter que la plupart des Nigérians ne font pas la différence entre les produits génétiquement modifiés et les variétés naturelles.
Source: JeuneAfrique
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