Burkina Faso : Ce qu’il faut faire pour respirer mieux et sauver le climat à Ouagadougou

Burkina Faso : Ce qu'il faut faire pour respirer mieux et sauver le climat à Ouagadougou
Burkina Faso : Ce qu'il faut faire pour respirer mieux et sauver le climat à Ouagadougou

Africa-Press – Burkina Faso. Située au cœur de l’Afrique de l’Ouest, Ouagadougou est une cité en pleine expansion spatiale due à sa croissance démographique rapide. En 2019, elle comptait à elle seule plus de 45 % de la population urbaine du Burkina Faso. Capitale d’un pays enclavé dépendant fortement du transport routier pour le développement du commerce, des échanges, de la connectivité et de l’emploi, Ouagadougou fait face à une pollution de l’air de plus en plus inquiétante, principalement liée aux transports routiers et à la mobilité urbaine. Elle constitue également un facteur aggravant du changement climatique, du fait des émissions massives de gaz à effet de serre par le trafic routier.

En tant que chercheur en science de l’environnement, j’ai mené une étude récente qui révèle l’impact croissant des véhicules motorisés sur l’environnement et la santé publique au Burkina Faso. Cette pollution grandiose nécessite le développement d’un système de mobilité urbaine résilient et respectueux de l’environnement afin de créer une ville vivable et améliorer la qualité de vie urbaine.

Pollution et gaz à effet de serre

Ouagadougou a vu sa population passer de 1,5 million d’habitants en 2006 à 2,5 millions en 2019, selon le dernier recensement de l’INSD. Cette augmentation rapide de plus d’un million d’habitants en moins de 20 ans a conduit à une croissance rapide de son espace et de son parc de véhicules automobiles.

Seulement 11 % des habitants de la capitale utilisent les transports en commun. En 2019, la ville représentait 40 % du parc national avec une forte dominance des motos et voitures particulières (84 % de la mobilité urbaine).

La croissance rapide de la ville provoque par une forte pression démographique, semble s’être développée en marge du schéma directeur d’aménagement urbain (SDAGO) , entraînant une expansion non maîtrisée de la ville. Sa superficie est ainsi passée de 220 km2 en 1996 à plus de 700 km2 en 2019, tandis que la population urbaine a augmenté de 15,4 % à 31,4 % de la même période.

Cette croissance urbaine a fortement augmenté les besoins en déplacements motorisés. En 2019, les transports ont consommé 89% du carburant, générant plus d’un million de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), principal gaz responsable du réchauffement climatique. À cela s’ajoute du diazote d’oxygène (NO2), un gaz toxique concentré dans les zones centrales de la ville. Chaque litre de diesel émet en moyenne 3,76 kg de CO2, contre 3,27 kg pour l’essence. Ces émissions dégradent l’air et aggravent le changement climatique au niveau national.

Un enjeu majeur de santé publique

La pollution de l’air à des effets graves sur la santé, en particulier dans les villes. Au Burkina Faso, plus d’un million de personnes consultent chaque année pour des maladies respiratoires, touchant surtout les enfants. Même si le pays a connu des progrès importants – les décès d’enfants liés à la pneumonie sont passés de plus [de 21 700 en 2010 à 472 en 2021] – la qualité de l’air reste préoccupante. Sans action durable sur les causes de la pollution, ces gains sanitaires pourraient être remis en cause, notamment à cause de la circulation et des photos de pollution urbaine.

Ces maladies sont provoquées par des facteurs environnementaux et du trafic urbain et elles constituent la deuxième cause de consultation dans les centres de santé des villes. À long terme, cette pollution pourrait aggraver les maladies chroniques comme les troubles cardiovasculaires, l’asthme, la bronchite, le laryngite, réduire la qualité de vie et alourdir les dépenses de santé.

L’air contient beaucoup de dioxyde d’azote (NO2), un gaz dangereux rejeté par les moteurs. En moyenne, il y a 56 microgrammes de NO2 par mètre cube d’air, alors que l’OMS recommande de ne pas dépasser 40. Cette pollution est encore plus forte en saison sèche, notamment au centre-ville et près de l’aéroport. Des études montrent que le Burkina Faso fait partie des pays où l’air des villes est le plus chargé en dioxyde d’azote (NO2). Un gaz qui favorise l’asthme chez les enfants, les personnes âgées et les personnes souffrant de maladies respiratoires.

En plus d’abîmer la santé, ces gaz contribuent également au réchauffement climatique, provoquant chaque année des vagues de chaleur (avril à juin, puis novembre à janvier) de plus en plus étouffantes à Ouagadougou.

Les risques de l’inaction

Si cette situation demeuree, les émissions de polluants atmosphériques liés au transport et à la mobilité (CO2, CO, NO2 etc.) pourraient tripler d’ici 2040, atteignant près de 4,5 millions de tonnes de gaz à effet de serre, soit une augmentation de 334 % par rapport à 2019.

Cela entraînera une dégradation de la qualité de l’air dans les zones urbaines du Burkina Faso pouvant entraîner des problèmes de santé publique accumulés et une perte de productivité et de coûts économiques importants pour le pays.

Des pistes pour une ville respirable face aux défis climatiques et sanitaires

Face à cette situation de forte pollution, il devient crucial de développer des stratégies pour améliorer la qualité de l’air urbain et la résilience climatique des villes du pays. Cela nécessite d’investir dans des systèmes de transport public efficaces et écologiques comme les bus électriques, afin de réduire la consommation d’énergies fossiles et la dépendance aux véhicules individuels.

Les autres mesures à prendre sont:

– la modernisation des transports publics, avec la mise en service de bus rapides transit (BRT) , un système de transport en commun par bus conçu pour offrir une qualité de service proche de celle d’un métro à moindre coût.

– la limitation de l’âge des véhicules à l’importation afin d’éliminer les véhicules vieux et polluants de la circulation. Encourager les véhicules électriques et partagés.

– la promotion des modes de transport doux comme la marche, le vélo et l’utilisation de véhicules électriques à deux roues dans une approche de multimodalité de la mobilité.

– le renforcement de la réglementation en mettant en place des normes strictes sur les émissions des véhicules et contrôler la qualité des carburants en s’inspirant de l’action proposée par la coalition climat et l’air pur (Climate and clean air Coalition: lien https://www.ccacoalition.org/ ) qui promeut des actions conjointes pour la qualité de l’air et le climat, en particulier dans les pays du Sud.

– Mettre en place des zones à émissions tout en définissant un rayon de restriction d’accès aux véhicules plus polluantes, surtout au centre-ville pour le cas de Ouagadougou.

– la mise en place d’un mécanisme de suivi de la pollution de l’air afin de sensibiliser et d’informer la population sur les impacts de la pollution et d’inciter à adopter des comportements plus respectueux de l’environnement.

– l’adoption d’une planification urbaine durable avec des infrastructures adaptées pour réduire les besoins en déplacement motorisé non nécessaire.

Des initiatives similaires ont été mises en place dans d’autres villes africaines, comme l’introduction de bus électriques à Dakar , qui ont contribué à réduire la pollution et à améliorer la mobilité urbaine.

Pour de villes plus saines et durables au Burkina Faso, il faut donc impérativement œuvrer à une transformation urgente de la manière dont leurs habitants se déplacent. Une mobilité plus verte serait une des meilleures solutions pour une qualité de vie plus saine pour tous. Cela doit impérativement inclure les politiques prévues dans le cadre de la stratégie nationale de la mobilité urbaine horizon 2022-2026. Des financements existants déjà: 79 millions d’euros pour Ouagadougou et 200 millions de dollars pour les villes secondaires , approuvés par la Banque mondiale en 2023. Il faut, désormais, passer à l’action, car une mobilité plus verte, c’est aussi une vie plus saine pour tous.

 

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