Comment les banques africaines ont pris leur revanche

Comment les banques africaines ont pris leur revanche
Comment les banques africaines ont pris leur revanche

Kanika Saigal – à Nairobi

Africa-Press – Burkina Faso. Les banquiers du continent ne se contentent plus de combler le vide laissé par les prêteurs mondiaux, ils sont en train de devenir la force motrice de la transformation économique de l’Afrique. Même s’il leur reste à rassurer les investisseurs internationaux, qui peinent encore à leur faire confiance.

Alors que les groupes bancaires internationaux réduisent leurs opérations en Afrique, l’avenir financier du continent se concentre de plus en plus entre les mains des champions régionaux. Si des institutions internationales comme JPMorgan peuvent encore jouer un rôle dans le financement à grande échelle, la réalité est que ce sont les banques africaines qui seront le moteur de la croissance commerciale du continent dans les décennies qui viennent.

Pour les entreprises qui cherchent à créer de la valeur sur le continent, il s’agit d’une opportunité unique – lorsque les banques nigérianes aident à financer le projet de raffinerie de 25 milliards de dollars de Dangote, par exemple, elles en tirent les bénéfices.

Zenith Bank, Access Bank, Attirariwafa Bank, BMCE… accroissent leur influence

Le retrait des prêteurs européens a créé un vide sur le marché africain. Les pressions réglementaires et les coûts de mise en conformité après 2008 ont forcé des banques comme la Société Générale, BNP Paribas, Credit Suisse, Barclays, HSBC et Citigroup à se consolider ou à se retirer complètement des marchés africains. En réponse, les banques locales ont comblé le vide en élargissant leur champ d’action et leurs services.

Les nigérianes Zenith Bank, Access Bank et Guaranty Trust Holding Company, le groupe Equity du Kenya, la marocaine Attijariwafa Bank, la Banque centrale populaire et la BMCE Bank of Africa accroissent rapidement leur influence régionale. Parallèlement, les établissements sud-africains tels que Standard Bank, Nedbank et FirstRand Group continuent de jouer un rôle dominant. « Les banques africaines poussent les banques internationales vers la sortie, constate Olukorede Adenowo, PDG de FirstBank UK. Les premières rendent la situation intenable pour les secondes. Les acteurs locaux, eux, n’ont pas d’autres marchés sur lesquels se replier, ils doivent faire en sorte que cela fonctionne. »

Les groupes mondiaux peuvent-ils comprendre ce qui se passe sur le terrain?

Alors que les groupes mondiaux deviennent plus sélectifs dans leurs engagements en Afrique, les prêteurs régionaux prouvent qu’ils peuvent financer de grands projets d’infrastructure, le commerce et la croissance industrielle. Les banques locales comprennent les nuances des économies africaines, disposent de solides réseaux sur le terrain et sont mieux placées pour prendre des risques calculés.

« Les grandes banques mondiales seront-elles en mesure de comprendre ce qui se passe sur le terrain? Ont-elles les mêmes relations que nous avec les gouvernements et les entreprises? Pas toujours », estime Sim Tshabalala, PDG de la Standard Bank.

Or les banques africaines sont, elles aussi, confrontées à des défis: la diminution du nombre de correspondants bancaires, due au retrait des banques mondiales de la région, a rendu les transactions transfrontalières plus coûteuses et le financement du commerce moins accessible. Le manque de liquidités en dollars constitue également un obstacle.

Des partenariats devenus essentiels

Plutôt que de dépendre uniquement des banques internationales pour leur financement, les établissements africains cherchent à collaborer avec les institutions mondiales de manière à garder le contrôle de leurs marchés. « Pour l’instant, vous ne trouverez jamais une seule banque capable de répondre à tous vos besoins bancaires en Afrique – cela n’existe tout simplement pas, assure Cheryl Buss, PDG d’Absa International. En même temps, les banques mondiales ne peuvent pas faire ce que nous faisons sur le terrain. »

Elle estime que les partenariats entre les banques africaines et mondiales seront essentiels pour combler le fossé. « L’Afrique offre un immense potentiel en matière d’infrastructures, d’énergies renouvelables et de minéraux essentiels, autant de secteurs qui nécessitent des investissements en dollars, souligne la PDG. Cependant, devenir une banque de compensation en dollars est coûteux. Les banques locales, limitées par des notations de crédit inférieures, ont du mal à rivaliser avec les institutions mondiales doublement ou triplement notées. »

En s’associant à des banques mondiales pour le financement en dollars tout en gérant les transactions locales de manière indépendante, les opérateurs africains peuvent prendre leur destin financier en main et accéder aux marchés internationaux des capitaux.

Le cas JPMorgan

Malgré la domination des établissements locaux, certains prêteurs mondiaux voient encore des opportunités en Afrique. En octobre 2024, le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, s’est rendu au Kenya où il a annoncé son intention d’ouvrir un bureau de représentation, avant d’aller au Nigeria et en Afrique du Sud. « Ne vous méprenez pas, JPMorgan est une grande institution, analyse un banquier chevronné couvrant l’Afrique et le Moyen-Orient. Mais débarquera-t-elle en Afrique et s’y installera-t-elle de manière significative? Je serais stupéfait si c’était le cas. »

L’approche de JPMorgan illustre le retour de la « banque valise », qui s’engage sur les marchés africains, mais évite d’y établir une présence physique significative. Plutôt que d’entrer en concurrence directe, les banques mondiales se concentreront probablement sur des transactions sélectives de grande valeur, laissant à leurs consœurs locales, le soin de répondre aux besoins de financement quotidiens des entreprises africaines.

Pourtant, malgré leur expansion, les banques africaines ont encore du mal à gagner la confiance des investisseurs mondiaux, qui restent prudents face aux risques réglementaires, à l’instabilité politique et à la transparence des marchés. « Les petites banques africaines deviendront-elles bientôt des institutions à part entière, compétitives à l’échelle mondiale? Probablement pas, estime un banquier d’affaires. Mais cela ne veut pas dire qu’elles ne peuvent pas prospérer. »

Olukorede Adenowo, lui, voit les choses différemment: « Les banques mondiales ont peut-être apporté le secteur en Afrique, mais nous sommes en train d’apprendre le métier. » « La gestion du risque et les services de conseil restent des domaines hautement spécialisés qui sont essentiels pour nos clients, complète Papa Sall, directeur général pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale de la banque américaine Citi. Les entreprises ont également besoin de partenaires bancaires internationaux, et la présence mondiale et l’expertise de Citi nous permettent de répondre à ces besoins, ainsi qu’aux exigences spécifiques des institutions internationales. »

Le secteur minier est un bon exemple de cette évolution: les entreprises extractives africaines, qui ont toujours entièrement dépendu du financement de la société mère et des recettes d’exportation, sont en train de changer la manière dont elles financent leurs opérations. « Aujourd’hui, elles recherchent des financements en monnaie locale, ce qui nécessite une expertise en matière de gestion du risque de change, d’optimisation des flux de trésorerie et de planification des dépenses d’investissement, domaines dans lesquels les banques internationales excellent », explique le DG de Citi.

L’avenir du secteur bancaire en Afrique dépendra de la manière dont les banques locales s’adapteront à leur nouveau rôle en tant que principaux financiers de l’avenir commercial du continent. Cela nécessitera des investissements accrus dans les solutions numériques, des cadres réglementaires plus solides et des modèles de financement innovants. Que les groupes mondiaux comme JPMorgan restent engagés en Afrique ou se retirent une fois de plus, la responsabilité du financement de l’avenir de l’Afrique reposera fermement entre les mains des banques africaines elles-mêmes.

Source: JeuneAfrique

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