Même limitée à sept secteurs, la taxe carbone européenne pourrait amputer le PIB de l’Afrique de 25 milliards $ par an

Même limitée à sept secteurs, la taxe carbone européenne pourrait amputer le PIB de l’Afrique de 25 milliards $ par an
Même limitée à sept secteurs, la taxe carbone européenne pourrait amputer le PIB de l’Afrique de 25 milliards $ par an

Africa-Press – Burkina Faso. Un rapport souligne que la taxe carbone européenne risque de pénaliser sévèrement les pays africains, dont la majorité ne disposent pas des moyens financiers et technologiques pour décarboner rapidement leurs industries lourdes.

Le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui s’appliquera à sept secteurs d’activité économique à partir de 2026, pourrait engendrer un manque à gagner de 25 milliards par an pour l’Afrique, selon un rapport publié le 9 mai dernier par la Fondation africaine pour le climat (African Climate Foundation/ACF) et l’Institut Firoz Lalji pour l’Afrique, un centre de recherche hébergé par l’École d’économie et de sciences politiques de Londres.

Intitulé « Implications for African Countries of a carbon border adjustment mechanism in the EU », le rapport rappelle que ce mécanisme plus connu sous l’appellation de la taxe carbone européenne constitue à la fois un moyen pour atteindre l’objectif d’une diminution de 55% des émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2035 (par rapport aux niveaux de 1990) et une mesure de défense commerciale. Il vise en effet à rendre plus équitables les conditions de concurrence entre les entreprises de l’Union européenne (UE) et celles des pays tiers en attribuant un prix du carbone à certains produits importés.

Le MACF est conçu pour compléter le système d’échange de quotas d’émission (SEQE), qui s’applique depuis 2005 à l’ensemble des pays membres de l’UE ainsi qu’à l’Islande, au Liechtenstein et à la Norvège. LE SEQE oblige les entreprises européennes d’acquérir un nombre de quotas d’émission de GES correspondant à la quantité réelle de leurs rejets de CO2 ou de gaz équivalents pour décarboner leur processus de production. Pour éviter des délocalisations induites par l’absence de taxation du carbone pour les importations, l’UE a décidé de soumettre les produits importés au même prix carbone imposé aux biens produits dans l’espace européen.

Période de transition de trois ans

Le MACF s’appliquera dans une première étape à sept secteurs (ciment, acier, fer, aluminium, engrais, électricité et hydrogène). Mais la liste des secteurs couverts devrait s’élargir graduellement.

La taxe carbone européenne sera mise en œuvre le 1er octobre 2023, avec une période de transition de trois ans au cours de laquelle seules les obligations de déclaration s’appliqueront. Les paiements ne seront exigés qu’à partir de 2026.

Pour estimer l’impact de cette taxe sur les économies africaines, la Fondation africaine pour le climat et l’Institut Firoz Lalji pour l’Afrique se sont basés sur des modélisations qui prennent en compte plusieurs données dont le prix du carbone, les produits exportés vers l’UE, le PIB des différents pays du continent et les niveaux d’émission de CO2.

En ce qui concerne le prix de carbone, deux niveaux ont été retenus. Une limite inférieure de 40 euros (43 dollars) la tonne et un deuxième niveau plus réaliste de 87 euros (93,6 dollars) la tonne, qui correspond à la moyenne du prix du carbone en 2022.

Plusieurs scénarios ont été ainsi élaborés. A un prix de 40 euros par tonne, le mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières appliqué aux sept secteurs concernés dans la première phase provoquerait une baisse de 3,99% des exportations africaines vers l’UE et un recul de 0,58% du PIB du continent. Aux niveaux de PIB de 2021, cela équivaut à une réduction annuelle d’environ 16 milliards de dollars du PIB de l’Afrique.

Les PMA sont particulièrement vulnérables

La forte vulnérabilité de l’Afrique s’explique aussi par le fait que l’UE représente un débouché important pour les produits africains. L’Europe des Vingt-Sept absorbe environ 26% des exportations africaines des engrais, 16% des exportations de fer et d’acier, 12% des exportations d’aluminium, 12% des exportations du ciment et 33,1 % des exportations de produits manufacturés.

Dans le cadre du scénario basé sur un prix de carbone de 87 euros la tonne, la taxe carbone européenne causerait une baisse de 5,75% des exportations africaines vers l’UE, et amputerait le PIB du continent de 0,91%. Aux niveaux de PIB de 2021, cela équivaut à un manque à gagner 25 milliards de dollars par an.

Un autre scénario est fondé sur l’hypothèse de l’extension de la taxe carbone européenne à tous les secteurs d’activité économique et un prix de carbone de 87 dollars. Dans le cadre de ce scénario, les exportations africaines vers l’UE chuteraient de 7,13% et le PIB du continent serait amputé de 31 milliards de dollars par an.

Alors que l’Afrique abrite 33 des 46 pays les moins avancés (PMA) du monde, le rapport indique par ailleurs que ces pays seront les plus touchés par la taxe carbone européenne, en raison notamment de leur capacités financières et technologiques très limités en matière de décarbonation des processus de production. D’où la nécessité d’engager un dialogue sur les moyens les plus à même de réduire les effets négatifs du mécanisme européen d’ajustement carbone aux frontières sur les économies africaines, et plus particulièrement sur les PMA.

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