Africa-Press – Burkina Faso. Le Réseau de la société civile pour la nutrition (RESONUT) joue un rôle central dans le suivi et le plaidoyer pour la mise en œuvre des engagements nutritionnels du Burkina Faso. À travers son travail sur le terrain, il contribue à réduire le taux de malnutrition au sein des couches vulnérables. Dans cet entretien, Dieudonné Lankoandé, coordonnateur national du réseau, revient sur les acquis, les défis et les perspectives liés aux engagements pris, notamment lors des sommets N4G (Nutrition for Growth).
: Pouvez-vous nous présenter brièvement le RESONUT?
Dieudonné Lankoandé: Le RESONUT, c’est un regroupement d’une cinquantaine d’organisations, nationales comme internationales, qui ont pour mission de renforcer la nutrition au Burkina Faso. Il s’agit de la branche société civile du mouvement SUN (Scaling Up Nutrition) dans notre pays. Le réseau a été mis en place suite à l’adhésion du Burkina Faso à ce mouvement en 2014, et il a été officiellement reconnu en 2016. Il est représenté sur l’ensemble du territoire national à travers ses membres, avec des points focaux dans cinq régions. Sa mission principale est de mener le plaidoyer pour influencer les politiques de nutrition, aussi bien au niveau national qu’infranational.
Dans cette optique, nous collaborons avec d’autres réseaux mis en place dans le cadre du mouvement SUN, les chercheurs, les donateurs, le secteur privé, les parlementaires… Tous ces réseaux sont coordonnés par le point focal SUN au Burkina Faso, qui est le secrétariat technique en charge de la multisectorialité de la nutrition. Il est structuré autour d’une assemblée générale qui regroupe tous les membres, du conseil d’administration composé de neuf personnes et d’une coordination technique nationale. Cette dernière équipe est chargée de la mise en œuvre des projets et de la coordination des interventions de la société civile sur le terrain.
Le Burkina Faso a pris plusieurs engagements internationaux en matière de nutrition. Qu’en est-il spécifiquement des engagements pris dans le cadre du sommet N4G?
Le RESONUT suit ces engagements depuis sa création, dans le cadre du mouvement SUN. L’une de ses missions premières est justement de faire le suivi de ces engagements et de mener le plaidoyer pour leur réalisation. Ce travail s’effectue au sein d’une plateforme multisectorielle pilotée par le ministère de la Santé à travers le secrétariat technique en charge de la multisectorialité de la nutrition. Le Burkina Faso a pris des engagements à différents moments. Lors du sommet de Tokyo en décembre 2021, le pays a renouvelé des engagements formulés dès 2018, avec une échéance fixée à 2024. En mars 2025, de nouveaux engagements ont été pris, cette fois à Paris, avec des cibles revues. Nous avons constaté des avancées. Concernant la malnutrition chronique, par exemple, le pays avait fixé un objectif de réduction à 20 %. En 2024, nous étions à 19 %, donc objectif atteint. Pour l’allaitement maternel exclusif, la cible était de 69 % et nous avons atteint 72 %.
Quels sont les principaux défis dans la mise en œuvre de ces engagements?
Tous les engagements n’ont pas été atteints, ce qui a conduit à leur reconduction, avec des cibles adaptées. Prenons l’exemple de la malnutrition aiguë: on voulait la réduire à 5 %, mais elle est passée de 8,1 % à 9,9 % en 2024. Désormais, l’objectif est plus réaliste: 8,5 %. L’autre engagement est de consacrer 3 % du budget national à la nutrition. En 2018, on était à 1,1 %, et en 2023 à 2,02 %, donc en dessous de la cible. Le nouvel engagement est de porter le budget national à la nutrition à 5 % d’ici 2028. Du côté partenaires techniques et financiers, l’engagement d’augmenter de 10 % les financements alloués à la nutrition a été remplacé par celui de maintenir les acquis, estimés à environ 100,51 milliards de FCFA par an, pour un cumul de 402 milliards d’ici à 2028. Les défis sont multiples et la situation sécuritaire rend certaines zones inaccessibles, ce qui réduit les interventions. Il y a aussi des difficultés de mobilisation de fonds, tant au niveau de l’État que des partenaires techniques et financiers, surtout dans un contexte économique tendu.
La société civile a-t-elle suffisamment d’espace pour jouer son rôle d’interpellation?
Oui, globalement, la société civile dispose de l’espace nécessaire pour jouer son rôle. Le fait même que nous puissions échanger à travers cette interview en est une preuve. Le RESONUT participe activement aux activités de la plateforme multisectorielle, depuis la planification jusqu’au suivi-évaluation. Nous sommes présents à toutes les étapes, ce qui montre que l’espace est ouvert.
Quel est le message que vous avez pour que les gens ne confondent pas être rassasié et être bien nourri?
C’est juste ce que vous dites. Effectivement, ce sont des choses que l’on confond très souvent, mais quand on regarde par définition, la nutrition, c’est une adéquation entre ce que l’alimentation nous apporte et les besoins réels de notre organisme. Donc déjà par là, ça veut dire que ce qu’on recommande aux communautés, je le disais tantôt, c’est de manger sain. Manger sain, prioriser par exemple les légumes, les fruits aussi. Il faut manger moins gras et manger moins salé, parce que très souvent, c’est tout ceci-là qui, finalement, nous amène dans des situations de maladies cardiovasculaires. Et peut-être que ça peut nous conduire à d’autres problèmes également et entraîner un surpoids, ou alors une diarrhée qui, à terme, va plonger dans une malnutrition par défaut.
Donc, il faut véritablement savoir s’alimenter. Vous imaginez quelqu’un qui va acheter, par exemple, de la viande au bord de la voie: on arrache un morceau de sac de ciment, on tape tout de suite là sur la poussière, on met la viande dessus et la personne mange quand même. Là, on devrait avoir le réflexe de dire à ces gens-là: « Non, ça ce n’est pas bon. » Peut-être que quand une personne va le dire, puis une deuxième, une troisième, une quatrième, à la fin, dans les rues, on ne verra plus ce genre de pratiques. Parce que, justement, c’est ce type d’attention qui interpelle les vendeurs. Ce sont ces comportements-là qu’on doit adopter. Il faut surtout éviter de manger aussi à des heures très tardives qui ne permettent pas à notre système de se reposer. Il faut éviter au maximum de manger à des heures tardives pour pouvoir garder l’équilibre.
Quelles recommandations formuleriez-vous pour améliorer encore la prise en compte de la nutrition dans les politiques publiques?
Il serait souhaitable que les engagements pris soient traduits plus rapidement en actions concrètes sur le terrain. Pour cela, il faut assurer un financement durable, renforcer la coordination intersectorielle et garantir un suivi rigoureux des engagements. Il est aussi important que les priorités de la nutrition soient maintenues dans les agendas politiques, même en période de crise. Enfin, il faut continuer à renforcer les capacités des acteurs de la société civile afin qu’ils puissent jouer pleinement leur rôle d’interpellation, de veille et de redevabilité. Je vous remercie.
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